samedi 23 décembre 2006

Elections, pièges à com

"Si le pouvoir rend fou, la quête du pouvoir rend débile." La com est en train de faire perdre tout bon sens aux candidats.
C'est ce que nous dit Jacques Julliard, dans son excellente chronique parue dans Le Nouvel Observateur du 7 au 13 septembre 2006, page 56.
JJ se moque gentiment du slogan de la rupture tranquille. "Dire que des cerveaux d'élite ont sans doute phosphoré des semaines durant pour accoucher de ce monstre sémantique, de cet oxymore de comptoir à connotation vaguement mitterrandienne (...). Pourquoi pas l'eau en poudre, le cercle carré, le nègre blanc, le fusil à tirer dans les coins?"
Et JJ de se demander: "Quand donc les hommes politiques comprendront-ils qu'il n'y a pas plus de recettes pour parler au peuple qu'il n'en existe pour fare m'amour, écrire un poème, ou déguster un vin. (...) Il n'y a pas une bonne manière pour déclarer sa flamme parce que toute rencontre est singulière quand il s'agit de deux individus. De même quand il s'agit d'un homme - ou d'une femme - et d'un peuple."

L'engouement des médias pour le rôle de l'internet dans la campagne présidentielle commence à en énerver quelques-uns.
"Ras-le-bol de la net-politique!" s'exclame Julien Pain dans le numéro de décembre de la revue Médias, qui constate que la net-politique est devenu un nouveau marronnier (sujet que les médias traitent de façon récurrente).
Et je ne suis pas loin de partager son avis. Au cours des deux derniers mois, j'ai été sollicité par une bonne trentaine de journalistes, français ou étrangers, sur ce thème. Je ne peux que leur répéter que l'internet sera certes utilisé durant la campagne, mais que celle-ci se déroulera avant tout à la télévision. De nombreux signes- et notamment cette enquête de l'IFOP que je commenterai prochainement - montrent que le rôle de l'internet reste modeste. 15% des internautes consultent des sites politiques (un tout petit peu plus que lors des regionales de 2004) et seulement 10% lisent des blogs politiques. De plus, ces internautes constituent un public au profil particulier: très nettement masculin, beaucoup plus diplômé et politisé que le reste des électeurs.

vendredi 15 décembre 2006

Le canard visite les sites internet du PS et de l’UMP

L’internet est devenu un outil de communication de politique. Tous les partis et candidats font désormais étalage de leurs activités sur le réseau. Au point que certains d’entre eux semblent se retrouver « à poil sur Internet », comme le titre un article que Le Canard enchaîné a publié ans son édition du 13 décembre 2006 (page 3).

Jérôme Canard, l’auteur de l’article raconte : « Un simple internaute un peu dégourdi – ne parlons pas d’un vrai pirate – peut accéder à des informations confidentielles, et même aux fichiers des adhérents (du PS et de l’UMP)».

Le Canard a pu ainsi s’introduire dans le système Rosam du PS et accéder, sans aucun mot de passe, au fichier qui indique le nombre d’adhérents à la fin de l’année civile, à un autre fichier qui permet de suivre au jour le jour le nombre d’adhésions, ou encore à l’annuaire interne du siège du parti. De plus, indique l’article, les pages du site public du PS sont non seulement consultables, mais aussi « modifiables par n’importe quel malveillant ».
De la même façon, le Canard a pu prendre connaissance du fichier des adhérents de l’UMP, lui aussi non protégé (et ceci, souligne le Canard, bien que les responsables de l’UMP aient déjà été prévenus en septembre 2005 qu’on pouvait accéder aux pages d’administration de leur site et modifier son contenu).

Le côté rigolo de l’histoire, c’est qu’on apprend que le nombre d’adhérents figurant dans ces fichiers ne correspond pas aux chiffres officiels. Selon le Canard, le fichier du PS comptait 133 831 adhérents au 31 décembre 2005, pour 150 000 revendiqués ; celui de l’UMP ne compte que 125 953 (pour 300 000 adhérents revendiqués) et fait apparaître des adhérents portant le même nom (dont une vingtaine de Nicolas Sarkozy).

Le côté inquiétant de l’histoire, c’est l’étonnante légèreté des responsables de l’informatique de ces deux partis. Il savent pourtant que leurs sites sont, bien plus que d’autres, susceptibles d’être attaqués. Comme tous les gestionnaires des données à caractère personnel, ils doivent, selon l’article 34 de la loi Informatique, fichiers et libertés du 6 janvier 1978, refondue par la loi du 6 août 2004 « prendre toutes précautions utiles, au regard de la nature des données et des risques présentés par le traitement, pour préserver la sécurité des données et, notamment, empêcher qu’elles soient déformées, endommagées, ou que des tiers non autorisés y aient accès ». Et cette exigence est d’autant plus grande qu’ils gèrent des données particulières, dites sensibles par la loi, en l’occurrence des données à caractère personnel faisant apparaître les opinions politiques des personnes.
(Rappelons qu’en sens inverse, l’accès frauduleux dans un système de traitement automatisé de données est une infraction réprimée par le Code Pénal).

L’internet, meilleur ennemi des politiques ?

Apparemment, ces négligences ou erreurs ne sont pas nouvelles.

Ainsi le site Zataz rapporte dans cet article "Les politiques sur Internet: à blogs ouverts", publié le 14 décembre 2006 et signé D.B., plusieurs failles de sécurité que ses lecteurs ou sa rédaction ont constatées depuis plusieurs mois dans les sites de l’UMP, du PS et même du FN, ou le blog de Dupont-Aignan. Il était ainsi possible, d’accéder à des données personnelles de modifier les pages de sites ou d’écraser des données.

En avril 2006, un mail auquel été annexé par erreur deux fichiers Excel contenant 3594 noms adresses, mails, numéros de téléphones d’adhérents de la section jeune de Paris avait été envoyé par erreur (sur Zataz du 8 avril 2006).

Plus récemment, le 24 novembre, c’est une première version du discours d’investiture de Ségolène Royal qui avait été envoyée par mail par erreur à une centaine de journalistes (mais, comme le suggère le blog de Netpolitique ICI, certains soupçonnent une fausse fuite destinée à tromper on ne sait trop qui d’ailleurs)

Comme le note ironiquement le site Zataz, « l’internet serait-il le meilleur ennemi des politiques ?» Ceux-ci, écrit D.B., « parlent beaucoup de cette possibilité de s'exprimer sur la toile. De ce lien direct entre eux et les Français ». Mais lorsque des internautes ou des journalistes spécialisés alertent les responsables informatiques des sites politiques sur des problèmes de sécurité, ceux-ci manquent singulièrement de réactivité.

On parle curieusement assez peu de cette affaire sur les blogs.
Deux liens néanmoins :
- Ce billet de Bertrand Lemaire, Sarkofaille et socialofaille, qui rappelle le précédent de l’affaire Tati versus versus Kitetoa.com (le site Kitetoa ayant été poursuivi pour avoir rendu publics les problèmes de sécurité du site Tati).
- Ce billet sur Agora Vox, L’UMP à la recherche des adhérents perdus, (tellement centré sur l’UMP qu’il en oublie presque que les même problèmes existent au PS).

Illustration: fichier Excel des adhérents jeunes de l'UMP (depuis le site Zataz)

Addendum du 20 décembre: Voir la réaction du PS sur le le blog du secrétariat national aux TIC qui apporte des précisions importantes. Bravo pour cette réactivité. En revanche, pas de réaction, à ma connaissance, du côté de l'UMP.

jeudi 7 décembre 2006

Comment devient-on président(e) de la République? J- 73

J- 73:
Dans un peu plus de deux mois, vous saurez tout (ou presque) sur
comment on devient président(e) de la République.

jeudi 23 novembre 2006

Un peu de ségaullisme

Un peu de ségaullisme éloigne de la France, beaucoup en rapproche, pourrait-on dire à la manière de Jean jaurès.

Ce qui frappe dans le premier discours de Ségolène Royal en tant que candidate officielle du Parti socialiste le 17 novembre 2006, c’est sa tonalité gaullienne, assaisonnée d’un peu de socialisme, d’une dose de mitterrandisme, et d’un zeste de "kennedysme" (dans la finale qui reprend, quasiment mot pour mot, le célèbre «Ask not what your country can do for you, ask what you can do for your country» de JFK lors de son discours inaugural de 1961).
C’est peut-être cela ce cocktail qu’on appelle le ségaullisme.

Extraits :
« L'élection présidentielle va à l'essentiel : la possibilité pour chacun de choisir son destin et de le maîtriser dans les turbulences du monde d'aujourd'hui.
Oui, la France peut reprendre la main. Oui elle peut croire suffisamment en elle, renouer avec le meilleur de son histoire, se projeter à nouveau dans l'avenir pour construire un destin commun». (…)
« Regardez l'histoire de France : c'est toujours quand le peuple s'y met que la France avance et bâtit un nouvel avenir. Et aujourd'hui, je sens que le peuple s'y est mis et que ce mouvement va continuer.
Je crois que la France peut puiser dans la meilleure part de son passé des valeurs pour ses combats d'aujourd'hui, à commencer par celles-ci : de fortes raisons de croire en elle. Pour tirer le pays vers le haut, il faut bien sûr comprendre les changements du monde alentour, mais il faut d'abord aimer la France, cette idée toujours neuve, et vouloir que les Français s'aiment en elle.
Nous allons gravir la montagne jusqu'à la victoire. Aujourd'hui c'est un beau jour pour partir au combat car nous sommes portés par un mouvement populaire généreux et heureux qui sent que nous sommes soutenus par une cause qui est plus grande que nous.
Je lance aujourd'hui un appel à tous les Français, hommes et femmes de notre pays.

Rassemblez-vous, mobilisez-vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour notre pays, imaginons ensemble une France qui aura le courage d'affronter les mutations sans renoncer à son idéal de liberté, d'égalité et de fraternité».

France: 23 – Socialisme: 5

Au total, Ségolène Royal aura prononcé 23 fois le mot France dans son discours et seulement 5 fois le mot socialisme ou socialiste.

Comment ne pas rapprocher ce discours de ceux de Charles de Gaulle?
Par exemple du discours de Bayeux le 16 juin 1946:
« Prenons-nous tels que nous sommes. Prenons le siècle comme il est. Nous avons à mener à bien, malgré d'immenses difficultés, une rénovation profonde qui conduise chaque homme et chaque femme de chez nous à plus d'aisance, de sécurité, de joie, et qui nous fasse plus nombreux, plus puissants, plus fraternels. Nous avons à conserver la liberté sauvée avec tant et tant de peine. Nous avons à assurer le destin de la France au milieu de tous les obstacles qui se dressent sur sa route et sur celle de la paix».
Ou encore de ces mots sur la France dans une déclaration prononcée à l'Elysée le 8 janvier 1959 (in Discours et Messages, t. 3, p.72.)
"Destin de la France ! Ces mots évoquent l'héritage du passé, les obligations du présent et l'espoir de l'avenir».

Rhétorique de la répétition

Dans une autre intervention de Ségolène Royal, son discours du 13 novembre pronncé au gymnase Japy à Paris, on retrouve une autre réminiscence gaullienne, cette fois dans la forme plus que sur le fond.

Extrait :
"Je vous le dis ici. Mon combat pour la laïcité, c'est pour vous femmes voilées, femmes mutilées, femmes excisées, femmes violées, femmes infériorisées, femmes écrasées . Inégalités salariales, violences faites aux femmes, mariages forcés, inégalités dans la formation professionnelle, inégalités dans l’emploi. Mon combat pour la laïcité, c’est pour vous".

Immanquablement, cette énumération rappelle le célèbre : Paris outragée ! Paris brisée ! Paris martyrisée ! mais Paris libérée ! de discours du général de Gaulle àl’Hôtel de ville de Paris le 25 août 1944.
Extrait :
"Pourquoi voulez-vous que nous dissimulions l'émotion qui nous étreint tous, hommes et femmes, qui sommes ici, chez nous, dans Paris debout pour se libérer et qui a su le faire de ses mains. Non ! nous ne dissimulerons pas cette émotion profonde et sacrée. Il y a là des minutes qui dépassent chacune de nos pauvres vies.
Paris ! Paris outragée ! Paris brisée ! Paris martyrisée ! mais Paris libérée !"

Parmi les figures rhétoriques utilisés en politique, la répétition (*) est l’un des procédés les courants et les plus efficaces. Il accroît l’attention auditive de l’auditoire, met en relief, souligne l’importance d’un thème, et appelle naturellement l’applaudissement.

(*) et les figures dérivées ou voisines telles que l’ accumulation (énumération qui créé un effet de profusion), l’anaphore (reprise du même mot en début d’exorde), l’allitération (répétition d’une consonne), l’assonance (répétition d’un son voyelle dans des mots qui se succèdent), la paronomase (assemblage de mots offrant une ressemblance de forme ou de sonorité).

A voir aussi :

L’analyse de Thomas Legrand de RTL, intitulée Royal si proche de Mitterrand en date du 14 novembre 2006.
Thomas Legrand écrit : "On n'a pas l'habitude d'entendre Ségolène Royal sur ce registre des grandes envolées lyriques à la manière des meetings d'autrefois. Et c'est vrai qu'en l'entendant, on pense au célèbre discours de François Mitterrand : le discours de Cancun, en octobre 1981."
L'exorde de Mitterrand :
"Salut,
Aux prêtres brutalisés,
Aux syndicalistes emprisonnés,
Aux chômeurs qui vendent leur sang pour survivre,
Aux indiens pourchassés dans leurs forêts,
Aux travailleurs sans droits,
Aux paysans sans terres,
Aux résistants sans armes".

Quelques grands discours du Général de Gaulle sur le site de l’Institut Charles de Gaulle.

mercredi 25 octobre 2006

Qu'est-ce qu'un bon débat politique?

Les débats télévisés des trois candidats socialistes à la candidature, diffusés sur La Chaîne parlementaire, Public Sénat et LCI, suscitent de nombreuses réactions et commentaires (davantage d’ailleurs pour leur forme que pour leur contenu). Le 19 octobre dernier, on a également pu assister à un débat très houleux, et parfois inaudible, sur la crise des banlieues lors de l’émission "A vous de juger" sur France 2.

Mais, au fait, qu’est-ce qu’un bon débat politique ? Quelques réflexions.


Un débat nous dit le dictionnaire est l’examen et la discussion d’une question par des personnes d’avis différents. Difficile de débattre si l’on est du même avis, et c’était le paradoxe (apparent) du débat des candidats socialistes qui étaient en principe d’accord sur le projet adopté par leur parti.

Les règles du débat

Tout débat doit suivre des règles qui définissent son déroulement (ce qu’on appelle généralement le format du débat). Celle-ci concernent notamment :
- la durée globale du débat et de ses différentes composantes ;
- les rôles des différents participants et les modalités de leurs interventions ;
- l’agencement du lieu du débat ;
- et, en cas de retransmission télévisée, les modalités de cadrage.

Dans un débat politique, on pourra distinguer :
- les débatteurs proprement dits (personnalités politiques, candidats),
- les questionneurs (journalistes spécialisés et, parfois, public),
- l’animateur qui s’attache à faire respecter les règles et tout spécialement celles relatives aux temps de parole.

En général, on considère que chacun des débatteurs doit disposer du même temps de parole. C’est en quelque sorte l’application au débat politique d’un des principes de base de toute démocratie : l’égalité des citoyens. Et c’est sans doute pour cette raison que les débatteurs sont attachés presque religieusement à cette règle, même s’il est assez évident que l’impact qu’on peut avoir sur l’auditoire d’un débat ne dépend pas seulement du temps dont on dispose (et qu’une intervention claire et concise peut être bien plus efficace).
On remarquera que la règle d’égalité des temps de parole n’est quasiment jamais appliquée aux questionneurs, comme si, malgré tout, dans un débat politique, certains participants avaient plus d'importance que d'autres.
Idéalement, on pourrait souhaiter que soit appliquée, non pas une règle d’égalité des temps de parole, mais une règle d’équité afin de tenir compte par exemple des inégalités dans les capacités d'expression.

Le débat politique à l’américaine : mythe et réalités

Les commentateurs du débat entre les candidats du PS ont fait souvent référence au « débat politique à l’américaine » avec des remarques du type : « Le débat du PS n'était pas folichon, mais bon, c’était un débat à l’américaine » (sous-entendu, j’imagine, c’est comme cela qu’on fait dans le pays où la communication politique est la plus moderne).

Cette référence est doublement rigolote.
Pourquoi devrions-nous prendre le modèle américain comme exemple du bon débat politique ?
Il n’y a pas, aux Etats-Unis, un format unique de débat politique, mais au contraire une multitude de formats (chaque élection donnant lieu à d’âpres discussions sur le bon format), et tous font l’objet de critiques.

Depuis 1948, trois grands types de formats ont été utilisés lors des primaires ou campagnes présidentielles américaines (avec de nombreuses de variations pour chacun):
- le format podium : les candidats sont débout derrière un pupitre ou assis sur des chaises. Ils font face aux à des panélistes (journalistes) et au modérateur (animateur). Suivant les cas, les candidats répondent seulement aux questions des panélistes ou bien peuvent s’adresser les uns aux autres.
- le format dit town meeting: le débat en lieu en présence d’un public (qui souvent peut poser des questions). Les candidats sont généralement debout derrière des pupitres et ils peuvent être autorisés à marcher sur la scène.
- le format table-ronde : les candidats ainsi que l’animateur sont assis autour d'une table et s’adressent directement les uns aux autres.

Quelque soit la formule retenue, les débats politiques sont souvent critiqués. Voici quelques-uns des problèmes identifiés (d’après Diana B. Carlin et Mitchell S. McKinney, 1994) :
- les candidats n’ont pas assez de temps pour répondre de façon substantielle aux questions;
- ils ne répondent pas toujours à la même question, ce qui empêche les comparaisons, ou tout simplement ne répondent pas aux questions posées ;
- les panélistes sont trop intrusifs ou, au contraire, ils n’interviennent pas assez ;
- les panélistes représentent mal les proéccupations de la population ;
- le format question-réponses ne favorise pas un vrai débat.

Les débats politiques du temps de l’ORTF

D’autres commentateurs ont fait référence aux débats de l’ORTF (la télévision publique française de 1959 à 1974), sous-entendu : c’était un débat ennuyeux et langue de bois.

Là encore c’est assez rigolo, et peu oublieux de l’histoire de la télé, car les débats qui ont existé sous l’ORTF étaient assez vivants, et même très novateurs pour l’époque.
Ils ont pris deux formes principales:
- format Face à la presse : une personnalité politique répond aux questions de plusieurs journalistes, comme dans l’émission Face à face de 1966 ;
- format Duel : Deux personnalités politiques débattent directement entre elles, sous la supervision d’un ou deux animateurs.

Ce second format a été particulièrement illustré par l’émission A armes égales diffusée entre 1970 à 1973. Outre un débat, elle comprenait la présentation d’un film d’un quart d’heure par chacun des deux invités, et une séquence de questions par un panel de téléspectateurs.
Cette émission a donné lieu à de mémorables échanges, notamment à un fameux débat entre Georges Marchais (PCF) et Alain Peyrefitte (UDR) en septembre 1972, ainsi qu’à la célèbre sortie de Maurice Clavel en décembre 1971, qui avait quitté le studio pour protester contre le remontage de son film de présentation en lançant « Messieurs les censeurs, bonsoir !».

Les débats politiques sont-ils utiles ?

Oui répondent dans l’ensemble les recherches menées sur le sujet.

- Les débats élèvent le niveau d’information et de connaissance politiques des électeurs.
- Ils accroissent l’intérêt pour les campagnes électorales et la vie politique.
- Ils permettent aux citoyens de comparer les candidats, leurs personnalités et leurs projets, et leur fournissent des éléments utiles pour leur vote.
- Ils rendent la politique plus vivante et plus concrète, voire spectaculaire (au sens premier du terme: qui surprend, étonne et frappe l'imagination)
- Ils facilitent l’acceptation des résultats des élections et, plus généralement, renforcent l’attachement aux principes de la démocratie.

En revanche, les recherches sur les débats politiques suggèrent que ceux-ci n’ont que très peu d’effets sur les intentions de vote, mais tendent plutôt à renforcer les dispositions pré-existantes des électeurs. On a souvent noté que les citoyens qui regardaient les débats politiques télévisés étaient des citoyens plutôt politisés, aux opinions déjà bien établies, tandis que les citoyens qui pourraient être les plus sensibles à l’influence des débats les regardaient en général très peu.


Pour aller plus loin :

- Carlin D. and McKinney M. (ed.).The 1992 Presidential Debates in Focus. Westport, Conn.: Praeger, 1994.

- Chaffee S. and Dennis J. “Presidential debates: An empirical assessment”. In Ranney A. (ed.), The past and future of presidential debates. Washington, D.C.: American Enterprise Institute, 1979, pp. 75-106.

- Nel N., A fleurets mouchetés: 25 ans de débats télévisés. Paris: INA/ La Documentation française, 1988.

jeudi 5 octobre 2006

Bourdieu - Ségolène (comment déjà?): suite

Si vous avez cliqué sur le lien vers Dailymotion (dans mon billet du 3 octobre juste dessous), vous avez obtenu le message suivant: Ce contenu a été censuré. Pourquoi? Comment?
Le Libération d'aujourd'hui, 5 octobre, raconte tout. Donc autant citer l'article de Ludovic BLECHER:

"Au départ, il y a un entretien posthume du sociologue Pierre Bourdieu, décédé en 2002, diffusé vendredi sur Zalea TV. Présentée par cette chaîne alternative du Net comme une séquence «inédite de douze minutes tournée en mai 1999 par Pierre Carles», la vidéo s'intitule : «Gauche-Droite, vu par Pierre Bourdieu» (1).
«Habitus». Le sociologue y cite en exemple ces «responsables politiques dits de gauche (qui) sont en fait de droite». Comme Ségolène Royal ? C'est en tout cas l'avis de Bourdieu : «Comment elle s'appelle, la femme de Hollande ? Ségolène Royal. Et bien pour moi elle n'est pas de gauche. (...) Elle a un habitus , une manière d'être, une manière de parler qui vous dit : "Elle est de droite"», estime-t-il dans son face-à-face avec Pierre Carles. Il croit même savoir qu'à l'ENA, la jeune Ségolène Royal s'est «posé la question du choix entre la gauche et la droite en terme de plan de carrière» et qu'elle a choisi la gauche faute de places à prendre à droite.
Sitôt après sa diffusion, un court extrait de la séquence est posté anonymement sur Dailymotion, un site de vidéos en partage. S'ensuit un phénomène classique qui voit le lien vers la vidéo tourner de sites en blogs, de boîtes mails en boîtes mails. En quatre jours, les propos de Bourdieu ont été visionnés près de 18 000 fois sur Dailymotion et 560 sur Youtube, une autre plate-forme de vidéos qui diffuse le document dans son intégralité.
«Tronqué». Mais depuis hier, seule cette version longue était encore disponible sur le Web. Dailymotion a retiré le court extrait à la demande de Pierre Carles ­ qui s'est opposé, par mail, à la diffusion d'un «document tronqué» ­, avant de le remettre, puis de l'enlever de nouveau. Pour finalement proposer uniquement la version longue. Cette vidéo ­ diffusée pile le jour où Ségolène Royal a officialisé sa candidature à la candidature ­ continuera certainement de nourrir les débats en ligne. Ces derniers jours, des dizaines de billets et des centaines de commentaires ont été consacrés à cette affaire qui fait, sur l'Internet, autant de bruit que les révélations sur le rôle du frère de Ségolène Royal dans le sabordage du Rainbow Warrior en ont fait sur le papier" .
(1) Il s'agit en fait d'un rush du documentaire de Pierre Carles intitulé La sociologie est un sport de combat .

Excellente petite investigation de LB et très juste remarque sur le fameux buzz (bruit de la boule-de-neige?) que l'internet peut produire.
En même temps, 18 000 visionnages de la vidéo, version courte, et environ 6500 (aujourd'hui vers 17h30) de la version longue, ce n'est pas rien mais quand même presque négligeable. Pour mémoire: le 20 h de TF1, c'est 8 millions de téléspectateurs en moyenne, et celui de France 2 , environ 4,5 millions. Mais qui sait: "Bourdieu versus Ségolène" va peut-être faire mieux que "Ségolène versus Nolwenn" (1er au hit-parade des vidéos le plus consultées sur TF1 entre le 14 et le 16 septembre)?

En attendant, et surtout: Pan sur mon bec! On devrait toujours vérifier l'origine d'une vidéo qu'on cite, essayer de savoir dans quel contexte et dans quel but elle a été produite. Bref, toujours nous demander de quels sombres desseins nous sommes les ingénus instruments (hum!).

La version longue de la vidéo avec des explications sur son origine ICI

mardi 3 octobre 2006

Media melo

Ségolène Royal n’est pas de gauche

"Instantanément, cela se voit (…), elle a une manière d’être, une manière de parler qui vous dit qu’elle est de droite, même si elle tient des propos de gauche".

C’est Pierre Bourdieu qui le dit, dans une vidéo enregistrée en 1999 et mise en ligne sur Daily Motion ICI le 29 septembre, signalée le 1er octobre dans le fil d’une des discussions du Big Bang Blog , puis mise en exergue par le chef du Big Bang Blog Daniel Schneidermann, (avec ce très bon sous-titre : Extraordinaire apparition du fantôme du comptoir), puis également commentée le 2 octobre par Jean-Marie Aphatie sur son blog RTL, et signalée par Alain Ertoghe sur son blog Carte de presse (qui est consacré aux campagnes électorales de 2007 et vaut un coup d’œil), etc.

Par delà l’anecdote et l’effet boule de neige propre aux blogs, cette petite vidéo souligne le rôle croissant que jouent les podcasts vidéo dans la politique en ligne et que les camarades de Netpolitique avaient analysé, dès mai 2006, dans ce billet ICI et dans cet autre billet LA intitulé L’élection DailyMotion ?
Comme ils le notent très justement, les sites de podcasts video offrent un espace qui n’est pas régulé par le CSA et qui pourrait servir aussi bien à l’émergence de spots publicitaires politiques (interdits en France sur les chaînes de télé) qu’à la diffusion de témoignages militants ou d’images volées.

Les blogs publicitaires: du Président à la police

Les blogs peuvent servir à beaucoup de choses, même à la promotion publicitaire. L’an dernier, j’avais déjà évoqué ICI un curieux site dans lequel un certain Beta-7 racontait qu’à force de trop jouer sur un jeu Sega il devenait dingue, et qui n’était en fait que l’instrument d’une campagne publicitaire de Sega.

Récemment, pour la promotion du film Président, ce n’est pas moins de deux sites web, l’un censé être le site officiel du Président, l’autre un site d’opposants au Président qui ont été mis en place.
Il y a une quinzaine de jours, c’est la Présidente, alias Anne Cosigny, de la série L’Etat de Grace, « comédie sur le pouvoir, la politique, et la place des femmes dans la société » diffusée sur France 2, qui ouvrait son blog. Un blog qui reste toutefois désespérément vide.

Enfin, on trouvera ICI une plate-forme de blogs policiers, avec des vidéos et des chats, où des fonctionnaires du ministère de l’Intérieur témoignent de la réalité de leur métier, et qui fait partie de la campagne de recrutement du ministère de l’Intérieur.

Les dictateurs et la pression de l’opinion publique

Jeudi 28 septembre, l’émission Envoyé Spécial de France 2 a diffusé un reportage de Catherine Berthillier sur le Turkménistan, qui proposait d’édifiantes images, tournées en caméra cachée, de la dictature qui règne dans ce pays sous la férule implacable de son président à vie, Saparmourad Niazov.

Ce reportage a suscité cependant un certain malaise. Ogoulsapar Mouradova, correspondante turkmène de la radio américaine Radio Free Europe/Radio Liberty (RFE/RL), qui avait aidé la journaliste française à réaliser son reportage en mars 2006 et Annakourban Amanklytchev, militant des droits de l'Homme qui lui avait servi de fixeur (guide et interprète), ont été arrêtés à la mi-juin 2006. La première est morte en détention en septembre. Le sort du second est incertain.

Catherine Berthillier a-t-elle pris des risques exagérés et exposé inconsidérément ses collaborateurs – même si ceux-ci étaient sans doute conscients de ce qu’ils faisaient en l’aidant - au nom du devoir d’informer (et peut-être aussi de la recherche d’une exclusivité) ?
C‘est l’avis de certains téléspectateurs qui ont vivement réagi sur le forum de l’émission Envoyé spécial ou sur le blog de Morandini. D’autres estiment que ce reportage était, au contraire, nécessaire et aide les Turkmènes en mettant en lumière la situation dramatique de ce pays.

Catherine Berthillier se dit très choquée (France Inter le 20 septembre, émission J’ai mes sources) et explique ICI qu’elle espère que la diffusion de son reportage fera pression sur le régime. Depuis juin 2006, Reporters Sans Frontières mène d’ailleurs une action de soutien aux journalistes et militants des droits de l’homme au Turkménistan.

Mais, les dictateurs et les régimes autoritaires sont-ils sensibles à la pression de l’opinion (de surcroît internationale) et à l’invocation de la liberté de la presse puisque, par définition, ils nient l’une et l’autre ? Ne vaut-il pas mieux agir via des pressions économiques ? Sauf que bien souvent le credo politique et les intérêts économiques des pays occidentaux ne vont pas dans le même sens. Nous fermons les yeux sur les entorses aux droits de l’homme dans certains pays parce que ceux-ci constituent des débouchés commerciaux.

Et cela semble bien le cas de Turkménistan si l’on suit cet entretien avec David Garcia, auteur d’un livre intitulé Le Pays où Bouygues est roi (éditions Danger Public, 2006), qui explique pourquoi les médias français sont si discrets à l’égard du Turkménistan.

Pour aller plus loin :

Un blog plein de ressources sur le Turkménistan

vendredi 29 septembre 2006

Le monde devenu simple: outils et techniques de visualisation

Comment traiter rapidement de grandes quantités d'information pour repérer celles qui nous intéressent ou pour comprendre une situation compliquée? C'est l'un des problèmes auquel nous sommes confrontés quotidiennement en utilisant l'internet. Pour le résoudre, une solution consiste à utiliser des techniques ou outils de visualisation.

De tous temps, les hommes ont utilisé des images (dessins, schémas, graphiques, etc.) pour réduire la complexité du monde. Et, d'ailleurs, ne dit-on pas qu'une qu'une image vaut souvent des millions de mots.
Aujourd'hui, la puissance des outils informatiques permet d'intéressantes avancées pour améliorer les techniques de visualisation: combinaison d'images et de sons, visuels dynamiques pouvant offrir différentes perspectives ou niveaux de lecture d'un objet, procédés interactifs ajustant le visuel aux requêtes de l'utilisateur, etc.

On trouve sur l'internet d'intéressantes illustrations de ces efforts. En voici quatre parmi d'autres:

La newsmap
Elle permet de visualiser rapidement les flux de nouvelles collectés par Google news. Les couleurs représentent les catégories d'information (international, écnomie, sports, etc.) ainsi que la fraîcheur des nouvelles. Chaque sujet est identifié par le titre de l'article le plus récent, et plus ce titre est gros, plus il y a d'articles se rapportant à ce sujet.


Newsmap


Mapped up (anciennement What's up) permet également de visualiser des flux RSS de nouvelles, mais avec une technique un peu différente. Les flux sont identifiés par des points sur une carte du monde (rouges, si l'information vient d'être actualisée, jaune dans le cas contraire). En déplaçant la souris sur un point, on obtient une cartouche avec le nom de la source et le titre de la nouvelle. De plus, des bulles apparaissent automatiquement pour signaler les nouvelles venant d'être publiées.


Mapped up


Music Plasma est un petit moteur de recherche qui permet de visualiser des artistes ou groupes de musique se rapprochant par leur style. Dans la capture d'écran ci-dessous, j'ai par exemple entré James Brown et on peut voir (ou plutôt deviner) des artistes se situant dans la même veine musicale. Les couleurs indiquent leur plus ou moins grande procimité et la taille du cercle indique la popularité de chaque musicien. A droite, une cartouche avec une petite discographie. Le système fonctionne aussi pour les films (mais c'est moins réussi).


Music plasma


Folksongs for the Five Points est un magnifique exemple de la façon dont on peut combiner, textes, sons et images, le tout de manière interactive.
Vous avez sous les yeux une carte du Lower Esat Side à New-York, sur laquelle figurent des points. Chaque point correspond à un enregistrement sonore (vert: musique; orange: bruits de la rue; jaune: paroles d'habitants - une petite fiche explicative à droite vous en dit plus sur l'origine du son).
Là où ça devient magique, c'est que vous pouvez mélanger cinq sources sonores de votre choix (en cliquant et déplaçant avec la souris les petits cercles blancs) et règler le volume de chacune pour créer un mix original (que vous pouvez même sauvegarder).


Folksongs in NYC


Si vous connaissez d'autres outils de visualisation épatants ou ingénieux, faites-moi signe.

jeudi 28 septembre 2006

Le pouvoir et la vie

A l’occasion de la sortie du tome 3 de Le Pouvoir et la Vie (Cie12 éd.), dans lequel il livre ses souvenirs et réflexions sur l’exercice du pouvoir, Valéry Giscard d’Estaing donne de nombreux interviews dans les médias.

L’une m’a plus particulièrement intéressé – celle avec PPDA lors du 20h de TF1 du 27 septembre (consultable en intégralité pendant une quizaine de jours sur le site Vidéos de TF1 – rubrique Infos) car VGE y revient sur sa fameuse scène des adieux dont j’ai déjà parlé à la fin d’un précédent billet.


Extrait :

PPDA : Avec le recul, vous n’avez pas conscience finalement que c’était trop affecté, en tout cas plus affecté que solennel, à la limite du ridicule même ? (…)

VGE : (…) Il y avait des gens auxquels je voulais dire au revoir, que je voulais remercier. Alors, j’ai imaginé ce petit scénario qui était assez simple, qui consistait à leur dire un texte (…) puis à la fin, me lever et partir.(…) J’ai dit au caméraman: vous attendrez que je sois debout, vous me suivrez, puis j’ouvrirai la porte, et quand j’aurai fermé la porte, vous arrêterez. Mais la distance était assez longue (…) J’étais assis à 6 mètres de la porte. Le temps que j’y aille, c’était un peu long.

PPDA : Cela faisait un peu pompeux…

VGE : … cela faisait un peu pompeux. Et fermer la porte, de dos tourné, c’était à la fois un peu difficile à sentir pour certains, et un peu théâtral pour d’autres. Si c’était à refaire, je referai le même discours, mais pas le même geste.


Pour le plaisir, un extrait d’une autre interview de VGE, ce matin 28 septembre avec Jean-Pierre Elkabach sur Europe1.
VGE raconte cet épisode où, entre les deux tours de la présidentielle de 1981, il appelle lui-même en masquant sa voix ( !) la permanence de Chirac.

VGE : Quand on est au pouvoir, on ne sait rien. Vous lisez les journaux, vous écoutez les émissions (de radio). Je me disais : qu’est-ce qu’on dit aux gens, qu’est-ce qu’on leur dit de faire. Je voudrais le savoir moi même. Je demande à ma secrétaire de trouver le numéro de téléphone de la permanence [de Chirac]. (…)
J’ai appelé. Et j’ai dit : alors voilà, je suis un militant, alors qu’est-ce qu’il faut faire ? On m’a dit : il faut pas voter Giscard. Alors, j’ai pris l’air bête (…) et j’ai dit : bon alors, il ne faut pas voter Giscard, il faut s’abstenir ou ne pas aller voter ?
Mais non, vous n'avez rien compris. Il faut voter Mitterrand.

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mardi 26 septembre 2006

De Budapest à Valmy: vivent les drapeaux

Budapest, samedi 23 septembre : sur la place Kossuth devant le parlement hongrois, quelques milliers de manifestants se sont réunis pour la 7eme fois afin de réclamer la démission du Premier ministre socialiste, Ferenc Gyurcsany.

Ferenc Gyurcsany est une nouvelle victime de ces micros cachés ou oubliés dont je parlais dans un précédent billet, mais aussi et d’abord de ses mensonges. Il y a quelques mois, lors d’une réunion des députés de son parti, il leur avait tout bonnement déclaré (en substance) : que son gouvernement mentait depuis 18 mois sur la situation économique afin de gagner les élections, n’avait rien fait dont il puisse être fier depuis 4 ans, bref avait « merdé, pas un peu, mais beaucoup ». Manque de chance pour le Premier ministre : la déclaration à huis-clos avait été enregistrée et a été diffusé par la radio publique le 17 septembre, provoquant aussitôt la colère et l’agitation d’une partie de la population.

Vous trouverez des extraits des propos de Ferenc Gyurcsany :
ICI en français (Nouvel.obs.com)
LA avec une traduction un peu différente en anglais (BBC.news)
ET PLUS ETONNANT LA en hongrois (sur le blog perso du Premier ministre !).

Ce samedi, la foule est paisible, plutôt bon-enfant et écoute sagement les orateurs qui se succèdent au micro. Rien à voir avec les scènes d’émeute qui avaient eu lieu en début de semaine et que la chaîne de télévision de droite HIR rediffuse en boucle chaque soir.
Etant à Budapest pour un colloque, j’en profite pour faire un peu d’observation participante et prendre quelques photos.



1 à 3: Les manifestants sur la place Kossuth 23/09 environ 17h - 4: Rediffusion des scènes d'émeute du 17/09 sur la chaîne HIR.

Ce qui me frappe le plus ce sont les dizaines de drapeaux que les manifestants agitent.
Pour beaucoup, il s’agit du drapeau tricolore hongrois (trois bandes vert blanc rouge) mais orné en son centre d’un blason (croix de Lorraine et 8 bandes argent et rouge surmontées d’une couronne). Apparemment, ce n’est pas le drapeau légal de la Hongrie, mais depuis 1990 il est néanmoins utilisé de facto comme emblème national par de nombreux officiels de droite. D’autres, moins nombreux mais plus nostalgiques, ont opté pour un drapeau tricolore troué en son centre comme celui que brandissaient les insurgés d’octobre 1956 (qui avaient enlevé l’étoile, la faucille et le marteau qui figuraient alors sur le drapeau de la Hongrie communiste). Quant aux extrémistes de droite, ils brandissent des drapeaux à bandes blanches et rouges en souvenir des premiers rois de Hongrie.

ICI : Un site pour en savoir plus sur les multiples drapeaux en usage en Hongrie


Vivent les drapeaux

Aujourd’hui, à Budapest comme à Valmy (photo du MJS manifestant contre Le Pen le 20/09/2006), plus de manifestation sans drapeaux. La pérennité de cette forme de communication politique peut paraître étonnante à l'époque des médias électroniques. Mais ces petits objets anodins que sont les drapeaux ont bien des mérites et la faculté de produire de nombreux effets avec une grande économie de moyens.

Ils condensent en un signe simple, et souvent facile à reproduire, des significations complexes (les mythes fondateurs d’un pays, son histoire, ses valeurs, etc.).

Ils sont des signes de ralliement qui servent à distinguer alliés et adversaires (tout comme autrefois ils servaient à distinguer amis et ennemis dans le tumulte de la bataille).

Ils fonctionnent sur un mode émotionnel - nul besoin de comprendre ce que symbolise précisément un drapeau : on se reconnaît (ou ne se reconnaît pas) en lui, tout simplement - et suscitent de multiples sentiments (d’appartenance à un groupe, d’identité, de puissance) propices à l’action collective.

Ils participent d’une politique des corps (le corps comme moyen de l’action politique) : ils magnifient les mouvements de la foule, lui donnent aux sens propre et figuré une couleur particulière, transmettent et amplifient ses frémissements et ses enthousiasmes.

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lundi 25 septembre 2006

La République des blogs

La République des blogs se réunit!
A la suite d'une première rencontre entre des blogueurs qui parlent de politique et leurs lecteurs en juin dernier, un nouveau rendez-vous est organisé. Cela se passe ce mercredi 27 septembre au Café Pavillon Baltard (9 rue Coquillière, 75001 Paris).

Comme l'indique Versac , l'un des blogueurs à l'origine de cette initiative, sur le Wiki consacré à l'événement:

"L'objet de la "République des blogueurs" n'est pas de faire de la politique au sens traditionnel du teme, c'est à dire partisan, mais de donner aux citoyens un espace d'expression, d'échanges et d'interpellation pour faire de la politique autrement.

Il ne s'agit pas de remettre en cause les principes du suffrage universel, de la légitimté des élus acquise par eux grâce à ce même suffrage ni de constituer on ne sait quel groupe de pression. Il s'agit pour les citoyens de se réapproprier une part de cette action politique que ce soit au niveau local ou au niveau national.

Cela doit se faire par l'échange, dans le respect scrupuleux de chacun. Cela doit se faire dans la transparence, les arrières pensées partisanes étant bannies du processus. Cela doit se faire avec qualité grace à l'éclairage que des experts pourront apporter aux réflexions de la République des blogueurs. Et surtout, cela doit se faire dans la joie".


Pour en savoir plus et s'inscrire: cliquer ICI

Une cinquantaine de blogueurs, simples particuliers et quelques responsables politiques, se sont déjà inscrits.

vendredi 22 septembre 2006

Le président au cinéma

Alors que sort en salle le film Président de Lionel Delplanque (photo ci-contre extraite de la promotion), beaucoup de critiques remarquent que très peu de films de fiction français ont été consacrés à la fonction présidentielle (et plus généralement à notre système politique), alors que ce type de films est très courant aux Etats-Unis.

C’est bien dommage car, ainsi que les travaux de l’historien Marc Ferro l’ont magnifiquement illustré, le cinéma peut être un prodigieux instrument de compréhension directe (par le regard documentaire que les films offrent) ou indirecte (par les représentations et valeurs que les films diffusent) de l’histoire politique de nos sociétés.

Parmi les quelques films français consacrés à la fonction présidentielle, on cite le plus souvent:

- Le Président d’Henri Verneuil (1960 ou 1961 selon les sources) où Jean Gabin campe un président plutôt inspiré de Georges Clemenceau que de Gaulle;
- Le bon plaisir de François Girod (1984), d’après le « roman » de Françoise Giroud, qui raconte l’histoire d’un président (Jean-Louis Trintigant) découvrant l’existence d’un fils naturel, fruit d’une ancienne liaison amoureuse clandestine;
- Le Promeneur du Champ de Mars de Robert Guédiguian, adaptation des Mémoires interrompues de Georges-Marc Benamou, dans lequel l’excellent Michel Bouquet incarne François Mitterrand conversant, à la fin de ses jours, avec un jeune journaliste sur le sens de la vie.

Aux Etats-Unis, plusieurs dizaines de films, relevant de multiples genres (historique, documentaire, biographies romancées, comédies, films d’action) ont fait du président américain ou de la fonction présidentielle leur objet principal. On en trouvera ICI un inventaire assez complet de 1908 à nos jours.

Parmi ces films, on peut notamment citer :
- Birth of a Nation (1915) de D.W. Griffith
- Dr Strangelove (1964) de Stanley Kubrick (la première comédie nucléaire)
- The American Président (1995) de Rob Reiner (les coulisses de la Maison blanche)
- Air Force One (1997) de Wolfang Peterson (le Président combat des terroristes)
- Primary Colors (1998) de Mike Nichols (inspiré de la campagne électorale de Bill Clinton).

Comment expliquer cette différence d’intérêt en France et aux Etats-Unis ? Notre système semi-présidentiel, avec toutes ses originalités institutionnelles, aurait-il un potentiel cinématographique moins grand que le système présidentiel américain ? L’histoire de la Veme République et la personnalité de nos présidents successifs constituent pourtant une matière d’une grande richesse dramatique propre à nourrir l’inspiration de réalisateurs.

Voici quelques hypothèses explicatives :

- L’industrie hollywoodienne connaît bien tout le profit qu’elle peut tirer de la représentation de la fonction présidentielle du fait des relations intimes qu’elle entretient avec les Présidents américains. En effet, les majors d’Hollywood figurent traditionnellement parmi les plus gros contributeurs des candidats à la présidence – et en retour l’administration a toujours défendu les intérêts de l’industrie cinématographique américaine dans le reste du monde.

- En France, le mécanismes de financement des films français, qui reposent en partie sur des aides publiques, dissuaderaient implicitement les réalisateurs de s’intéresser de trop près aux rouages l’Etat. En outre, la représentation du chef de l’Etat serait considérée comme un domaine protégé (dans l’esprit de la loi de 1881 sur la liberté de la presse qui punit l’offense par tout moyen, écrit ou de communication audiovisuelle, au Président de la république).

- La culture française considère les films comme des créations artistiques, portant la vision ou l’univers de leur auteur, et répugne à considérer le cinéma de fiction comme un outil documentaire.

Si vous avez d’autres explications, n’hésitez pas : utilisez la fonction commentaire.

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dimanche 17 septembre 2006

Firefox: c'est vraiment mieux/ It's much better

Si vous utilisez Internet Explorer pour lire ce blog, il se peut que des codes bizarres apparaissent dans les billets. (On m'a également signalé que les liens en colonne droite s'affichaient mal).

Ce blog est conçu avec et pour Firefox, et je ne peux que vous recommander d'utiliser ce navigateur (gratuit) qui offre des fonctionnalités très utiles et absentes d'Internet Explorer.

Aujourd'hui, 21,9% des internautes européens (et même 30% en Allemagne) utilisent Firefox et la part de marché de ce navigateur croit régulièrement.

Si vous hésitez ou n'êtes pas encore convaincu, voici 5 bonnes raisons d'adopter Firefox (et il y en a sûrement plein d'autres).

samedi 16 septembre 2006

Le pluralisme politique à la télévision (1/2): mollis lex, sed lex

Flash-back : le 14 mai 2006, François Bayrou annonce lors du JT de TF1 (photo) que l'UDF votera la motion de censure du gouvernement. Deux jours plus tard, onze des trente députés du groupe UDF à l’Assemblée nationale passent à l'acte.
Un mois plus tard, le 13 juin 2006, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA), considérant que du fait de ce vote ces onze députés n’appartenaient plus à la majorité parlementaire, décide de comptabiliser leurs interventions sur les chaînes audiovisuelles dans le temps de parole de l’opposition parlementaire.Vive réaction de François Bayrou (et du PS qui, dans cette nouvelle configuration perd quelques minutes de temps d’antenne). Lors d’une conférence de presse le 14 juin, le président de l’UDF dénonce l’emprise de l’Etat UMP et la décision partisane du CSA. « De quel droit, s’indigne-t-il, une instance nommée par le pouvoir, saisie par le parti dominant s’arroge-t-elle le droit de juger de la situation d’un parti politique contre son gré ? », en rappelant que la Constitution de 1958 ne définit pas la notion de majorité ou d’opposition parlementaire.
Du coup , le CSA révise sa position et , le 20 juin, il décide de comptabiliser le temps de parole des membres de l'UDF à partsans l’imputer ni sur celui de la majorité, ni celui de l'opposition. Une méthode de calcul qui, note le CSA, « déroge aux règles traditionnelles du Conseil, mais répond à une situation inédite ».

Précisément, quelles règles le CSA applique-t-il en matière de pluralisme dans l’audiovisuel ?

De la règle des trois-tiers au principe de référence


C’est la loi de 1986 sur la liberté de communication qui charge le CSA (photo des 9 membres du Conseil) de veiller au respect du pluralisme politique dans l’audiovisuel (voir ICI la rubrique Contrôle du pluralisme politique sur le site du CSA).
Traditionnellement, deux formes de pluralisme sont distinguées : le pluralisme externe, qui vise à la diversité des opérateurs et que le CSA doit appliquer lorsqu’il autorise les chaînes de télévision privées; et le pluralisme interne, qui concerne la diversité et l’équilibre des courants d’opinion s’exprimant sur chaque chaîne de télévision (publique ou privée).
Pour garantir le pluralisme interne, le CSA appliquait jusqu’en janvier 2000 la règle dite des trois-tiers : les chaînes de télévision devaient répartir le temps d’antenne qu’elles consacraient aux interventions des personnalités politiques également entre trois groupes : les membres du gouvernement, les personnalités représentant la majorité parlementaire et les personnalités représentant l’opposition parlementaire.

En janvier 2000, le CSA a modifié légèrement la règle des trois-tiers en adoptant ce qu’il appelle le principe de référence. Celui prévoit que : « Sauf exception justifiée par l'actualité, le temps d'intervention des personnalités de l'opposition parlementaire ne peut être inférieur à la moitié du temps d'intervention cumulé des membres du gouvernement et des personnalités de la majorité parlementaire. » En outre, les chaînes doivent « assurer un temps d'intervention équitable aux personnalités appartenant à des formations politiques non représentées au Parlement ».

Ce principe, au libellé emberlificoté, est assez proche de la règle des trois-tiers à deux petites différences près :
- les temps de parole du gouvernement et de la majorité parlementaire ne sont plus dissociés (et, en théorie, une chaîne pourrait s’acquitter de ses obligations de pluralisme en consacrant 19 minutes au gouvernement, 1 minutes à la majorité parlementaire et 10 minutes à l’opposition parlementaire) ;
- une représentation à l’antenne des partis non représentés au Parlement est prévue sans que ses modalités quantitatives ne soient toutefois précisées (cf. plus loin).

On notera que le principe de référence ne s’applique qu’en dehors des périodes électorales.

[Lors des campagnes électorales, le CSA applique d’autres règles
.
Ainsi, pour l’élection présidentielle, le CSA distingue une période de pré-campagne (qui commencera vraisemblablement le 1er janvier 2007) durant laquelle les médias audiovisuels, public ou privés, doivent couvrir les interventions des candidats de façon équitable. Ce dernier terme mériterait une définition plus précise, mais dans la pratique il signifie que le temps d’antenne consacré à un candidat doit être grosso modo proportionnel à son importance politique. Mais comment mesurer-ton cette importance ? Principalement grâce aux sondages sur les intentions de vote ou de popularité, qui eux-mêmes reflètent en partie la couverture médiatique dont bénéficient les candidats… On tombe dans le cercle vicieux que François Bayrou a récemment dénoncé (et sur lequel je reviendrai plus longuement dans un autre billet).
Puis, lorsque commence la campagne officielle, 2 semaines avant le 1er tour, c’est un régime d’égalité qui est appliqué : chacun des candidats (et il n’y a plus alors que des vrais candidats) doit bénéficier du même temps d’intervention sur les chaînes de télévision. Cette règle égalitaire, simple et claire, soulève néanmoins des difficultés d’application lorsque, comme en 2002, il y a beaucoup de candidats et lorsque certains de ceux-ci n’ont qu’une activité de campagne réduite.]


Les problèmes du principe de référence

Le dispositif découlant du principe de référence pose trois problèmes principaux.

1) Les interventions du président de la République ne sont pas comptabilisées. Cette pratique, validée par le Conseil d’Etat, est justifiée (voir ICI le site du CSA) par « la place qui, conformément à la tradition républicaine, est celle du chef de l'État dans l'organisation constitutionnelle des pouvoirs publics », celui-ci ne s'exprimant pas au nom d'un parti mais au nom de la Nation. Cela ne fait pas de doute lorsque le Président intervient à la télévision lors d’une crise internationale (comme celle du Liban). C’est moins évident lorsqu’à l’approche d’un scrutin, le Président dit aux Français quel est le bon choix.

2) Une évaluation quantitative du respect du pluralisme politique est-elle suffisante ? Une interview de trois minutes dans le JT de 20 h et une intervention de même durée dans un débat de seconde partie de soirée ne sont pas équivalents. Le CSA en est bien conscient : il comptabilise distinctement les temps de parole politique, dans les JT, les magazines d’information, et les autres émissions ; il a indiqué à plusieurs reprises dans ses rapports annuels que les mesures quantitatives qu’il effectue devaient être complétées par une évaluation plus qualitative de la couverture de la vie politique par les médias, notamment par la prise en compte en compte d’autres paramètres tels que la durée, le format et l’audience des émissions que les chaînes consacrent à la politique. Mais, à ma connaissance, cette déclaration d’intention n’a jamais été suivi d’effets.

3) Le dispositif actuel sous-représente à la télévision les formations et courants politiques non représentées au parlement, et tout particulièrement l’extrême gauche, le Front national, et Chasse Pêche Nature et Traditions. Ces formations ont obtenu 16,5% des suffrages exprimés aux législatives de 2002, (et leurs candidats plus du tiers des suffrages exprimés au 1er tour de l’élection présidentielle de 2002). Mais elle n’ont aucun élu au parlement et, du coup, elles sont quasiment absentes de l’antenne du fait de l’application du principe de référence. En 2005, d’après les relevés du CSA, les JT des grandes chaînes, ne leur ont attribué que de 1,5% (pour France 2) à 4, 6% (pour France 3) du temps d’antenne qu’elles ont consacré aux interventions politiques. Est-ce équitable ?

A suivre dans un prochain billet : le débat continue

2 août : Le CSA propose un document de réflexion sur les modalités du pluralisme à la télé

2 septembre : François Bayrou approfondit sa critique des médias (extrait du discours à l’Université d’été de l’UDF sur le site Nouvelobs.com)

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mercredi 13 septembre 2006

Apartés, paroles volées et langue de bois

Sommet de l’ASEM (Asia-Europe Meeting) à Helsinki, dimanche 10 septembre. Comme le veut la tradition, avant de s’installer à la table des débats, les chefs d’Etat et de gouvernement présents devisent aimablement sous l’œil des caméras. Ces petits moments sont prévus dans de nombreuses manifestations politiques afin de permettre aux médias « de faire des images » qu’ils utiliseront ensuite pour illustrer leurs reportages. Une caméra se concentre sur Jacques Chirac conversant en aparté avec le premier ministre espagnol, José Luis Zapatero, et en capte non seulement les images mais aussi le son. L’aparté, dans lequel on entend le Président évoquer la faiblesse du Hezbollah et le rôle de l’Iran dans la crise libanaise, est diffusé le soir même sur plusieurs chaînes de télévision (notamment France3).

Même jour sur Canal Plus. Dans sa nouvelle émission, Dimanche Plus, Laurence Ferrari reçoit Dominique Strauss-Kahn. Un petit reportage est diffusé sur DSK où l’on voit notamment le leader socialiste à la FNAC en train d’acheter un CD de Coltrane puis demander à un vendeur la chanson « Zidane il va marquer » pour son petit fils. Jolie image d’une personnalité politique, cultivée (Coltrane) mais ne dédaignant pas la culture populaire et aimant sa famille. Hélas, le reportage se poursuit par une autre séquence dans laquelle le même DSK interrompt l’interview qui se déroulait dans son bureau pour avoir un aparté avec l’un de ses conseillers (probablement en communication). La caméra ne tourne plus, mais le micro-cravate continue à fonctionner et l’on entend le conseiller dire à DSK « … et n'oublie pas tout à l'heure d'acheter un CD de Coltrane, c'est du jazz, et la chanson de Zidane pour ton petit-fils »..

Ces paroles volées de personnalités politiques ne sont pas nouvelles. Pareille mésaventure était déjà survenue à Tony Blair lors du sommet du G8 à Saint-Petersbourg, le 17 juillet 2006. Le Premier ministre britannique avait été alors enregistré, alors qu’il croyait les micros fermés, discutant avec Georges Bush, une conversation qui faisait apparaître Tony Blair comme le petit caniche (poodle) de Bush (et dont on peut trouver le script sur le site de la BBC ICI).

Droit à l’intimité versus droit à l’information

Historiquement, le droit à l’intimité est l’une des libertés fondamentales reconnues aux citoyens dans une démocratie. Il permet à l’individu de former ses opinions en toute indépendance et empêche l’Etat de s’immiscer dans les tréfonds parfois embrouillés de notre conscience.

Les personnalités politiques devraient-elles être privées de ce droit ? Doit-on considérer que, dès lors qu’elles sont dans l’exercice de leurs fonctions, tout ce qu’elles disent, même dans un cadre privé ou semi-privé, est d’intérêt public et peut être librement porté à la connaissance des citoyens ?

Pour certains journalistes, capter des images ou des conversations à l’insu des personnalités politiques (ou variante : lors de situations qu’ils ne maîtrisent pas) serait même une obligation. Parce que dans nos démocraties modernes, les responsables politiques ne tiennent plus que des discours policés, soigneusement construits et préparés, ces paroles volées seraient des instants de vérité qui révéleraient la réalité de la politique, comment les responsables politiques pensent et fonctionnent "en vrai".

Mais on peut craindre que ce type journalisme offensif, sinon intrusif, conduise paradoxalement à rigidifier le discours politique.
Sachant que désormais tous leurs propos peuvent être enregistrés à tout moment (ne serait-ce que grâce à un téléphone portable), les responsables politiques ne seront-ils pas tentés de contrôler encore davantage leur communication, en pratiquant constamment la langue de bois ou en organisant strictement la couverture de leurs déclarations ou apparitions publiques selon les principes du news management (que j'ai déjà évoqués dans des précédents billets ICI en mars 2005 et LA en juillet 2005)?

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mardi 12 septembre 2006

Comment suivre la campagne 2007 sur le net (1) : les sites d’info indépendants

Comme en 2002, de multiples sites d’information indépendants (i.e. non liés à un média ou à un portail) et non partisans (ne soutenant pas explicitement un candidat) sont apparus sur le net.
En voici une première liste, non exhaustive, brièvement commentée en fonction de mes préférences.

  • Election-presidentielle.fr : ce site qui souhaite proposer un éclairage original sur 2007, est actuellement l’un des plus complets (sans doute parce qu’il s’appuie sur une équipe d’une dizaine de personnes animée par Yves-Marie Cann, chargé d’étude à l’IFOP). On y trouvera des informations sur l’actualité, les règles et l’histoire de l’élection présidentielle, les candidats et les programmes des partis, les sondages. A noter également une très riche revue du web ainsi qu’une revue des blogs (qui, elle, n’est pas à jour). Bonne liste de liens, quoique incomplète (mon blog n’y figure pas !). Erratum : Après nouvelle consultation, la liste des liens est extrêmement fournie. Et même mon blog est référencé (en plus avec un commentaire ), mais en Rubrique "blogs citoyens", d’où mon erreur. Dommage que seuls les liens de cette rubrique soient commentés (jamais content le gars…).
  • Présidentielle-2007.net : Site très similaire au précédent, quoique un peu moins riche. On y trouvera une rubrique questions-réponses sur le déroulement de l’élection, une revue du Web par fil RSS. Une rubrique originale : la campagne en images (détournées), pour l’instant essentiellement produites par un certain Erby Kezako. On notera que ce site respecte très strictement les recommandations de la CNIL en matière de protection de la vie privée.
  • Présidentielle 2007 : Le blog de Laurent de Boissieu, journaliste à La Croix. Par delà les billets sur l’actualité de la campagne, il faut surtout aller visiter les liens sur les précédentes élections présidentielles qui renvoient en fait vers le très portail France Politique, sur lequel Laurent a stocké de très nombreuses données sur les élections et la vie politique, et notamment des tableaux et graphiques bien fichus sur les résultats.

  • Sondages 2%7 : Un blog original qui s’efforce de commenter tous les sondages relatifs à la présidentielle ainsi que les discussions sur les sondages. On peut retrouver les billets passés par rubriques thématiques : intentions de vote, profil du président, primaires du PS, etc. Seuls regrets : les billets sont assez brefs et n’étudient pas les résultats dans leur détail ; on aurait aimé un lien vers les résultats complets (disponibles le plus souvent sur les sites des instituts de sondage).
  • Observatoire Présidentielle 07 : ce site, conçu par les amis de l’Université technologique de Compiègne, propose le désormais célèbre Tendençologue qui permet de connaître le nombre de news, de billets de blogs ou de posts dans les forums de discussion dont les candidats ont fait l’objet. On peut comparer plusieurs candidats et obtenir les chiffres sur les 30 derniers jours ou par mois depuis décembre 2005.
  • Buzz-blog : Ce blog, très similaire au précédent, propose une mesure hebdomadaire des billets de blog publiés sur chacun des candidats (mais je n’ai pas compris ce qu’était l’IBBP - Indice Buzz Bblog Politique – pourquoi est-il inférieur à l’IBB de Sarko ou Ségo ?). Apparemment, on ne peut pas comparer les candidats. En revanche, et c’est très pratique, on dispose grâce à un fil RSS des titres des billets récemment publiés sur chaque candidat.
  • Objectif Présidentielle 2007 : Essentiellement un blog de revue de l’actualité, centré sur les déclarations de personnalités politiques ou autres relatives à la course à l’Elysée. On appréciera le design sobre et élégant.
  • Viepolitique.fr : Très proche du précédent (revue de l’actualité, beau design). Ce site, et non blog, propose une rubrique intéressante « Communication politique » dans laquelle on trouvera des fiches claires et plutôt bien documentées sur le déroulement des précédentes campagnes présidentielles de 1965 à 1981, parfois agrémentés d’illustrations (notamment quelques affiches des précédentes campagnes).
  • Et toujours :
    -
    le Blog de Netpolitique. Ce blog, contrairement à d’autres, ne suit pas l’actualité de la campagne au jour le jour. Par contre, il propose des analyses plus générales et souvent très fines sur les utilisations politiques de l’internet. De plus, du fait de son ancienneté, il permet de mettre en perspectives les pratiques actuelles.
    - Le blog Place de la démocratie, qui lui aussi propose des analyses au long cours et très lucides de l'internet politique et citoyen. On y trouvera un précieux Répertoire des blogs politiques, sous la forme d'un Wiki (ce qui signifie que chacun peut l'enrichir et le compléter).
Deux remarques pour terminer :

- La publicité, souvent sous forme de liens sponsorisés et même de bannières, est très présente sur certains de ces sites. On comprend bien que maintenir un site ou un blog exige des ressources financières, et cela d’autant plus qu’on est qu’un simple particulier. Néanmoins, ces publicités sont parfois préjudiciables à la mise en page des sites et à leur lecture dans la mesure où leur positionnement est mal ou pas contrôlé (ex. du blog Netpolitique). De plus, ces publicités tendent à parasiter ou contredire le message citoyen des sites en question.

- Mais qui parle ? Seulement quelques sites ou blogs donnent des indications précises sur leurs auteurs. Là encore, on comprend bien qu’il n’est pas toujours possible de dévoiler son identité (par exemple lorsqu’on a une activité professionnelle parallèle). Néanmoins, quelques éléments sur les concepteurs ou rédacteurs des sites seraient bien utiles.

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samedi 9 septembre 2006

L'art de la communication symbolique: Debré et les amendements parlementaires

Comment représenter simplement des idées ou des processus sociaux complexes?
C’est l’une des difficultés auxquelles est confrontée la communication en général, et la communication politique en particulier.

L’une des techniques couramment utilisées consiste à recourir à une image, un objet, une formule ou un chiffre, symbolisant ce qu’on veut représenter.

La symbolisation a des vertus bien connues :

  • elle condense une signification complexe en un quelque chose de plus simple, de plus immédiatement intelligible ou concret.
  • elle facilite la mémorisation, le symbole agissant comme une sorte d’étiquette dont notre cerveau se sert pour classer ou retrouver les multiples informations qu’il doit traiter.

Parce qu’elle doit montrer le pouvoir, une notion éminemment abstraite, la communication politique fait souvent appel aux symboles. Ainsi, on représentera les élections par l’image d’une urne, la paix par une colombe, un parti par son logo, etc.

La semaine dernière, c’est le Président de l’Assemblée nationale, Jean-Louis Debré, qui s’est essayé à un exercice de communication symbolique afin d’expliquer ce que représentait l’obstruction parlementaire.

Pour illustrer la gabegie de temps et de papier que représentaient les 137 449 amendements déposés par l’opposition parlementaire sur le projet de loi Suez-GDF, Jean-Louis Debré s’est fait photographier sur son perchoir entre deux énormes piles de papier (voir photo). Parallèlement, il déclarait dans divers médias (par exemple ICI dans le Figaro du 6 septembre) que, si l’on comptait 5 minutes de discussion par amendement, ces amendements exigeraient 11 100 heures de débats, soit 562 jours si l’AN siégeait 24h/24, ou 8 ans et 80 jours si elle siégeait à son rythme habituel. De son côté, Thierry Breton, le ministre des Finances, estimait que l’impression des amendements équivalait à 6574 arbres. (On notera la précision des chiffres qui, en ajoutant une dimension mathématique, ajoute à la force concrète du symbole).

Du symbole à sa (dé-)construction

Dans un premier temps, cet acte symbolique a en effet frappé les esprits, et d’abord ceux des journalistes. L’image des fameuses piles est apparue dans de nombreux médias (Le Monde, Le Figaro, TF1, France 3 notamment) les 5 et 6 septembre.

Mais dans un second temps, à partir du 7 septembre, l’attention des médias a délaissé le sens même du symbole pour se centrer sur sa construction. On découvre alors que les piles d’amendements n’étaient que des ramettes de papier vierge et que la masse des amendements ne représente que 3035 pages car beaucoup d’amendements ont été déposés l’identique par plusieurs députés. L’acte symbolique est ravalé au rang d’opération de communication. Frédérique Gerbaud, directrice adjointe du cabinet de Jean-Louis Debré, qui en a eu l'idée a beau expliquer qu’il fallait que « l'opinion publique puisse visualiser ce que nous dénonçons, à savoir l'obstruction de l'opposition au projet de loi », on ne retient plus que la mise en scène (voir par exemple ICI l’article de Libé du 7 septembre).

Par delà la réalité des choses, cet exemple montre combien l’art de la communication symbolique en politique est difficile et peut parfois être contre-productif. Lorsque le symbole simplifie de façon trop outrancière ce qu’il veut représenter, on n’aperçoit plus que l’instrument, et non plus la signification qu’il est censé porter.

Pareille mésaventure était déjà arrivée à Valéry Giscard d’Estaing dans sa dernière intervention de Président de la République le 19 mai 1981 (qu’on peut visualiser intégralement sur l’excellent site Archives pour tous de l’INA). A l’issue de celle-ci, VGE quitte lentement le bureau derrière lequel il se tenait et laisse l’image d’un fauteuil vide qui demeure à l’écran alors que La Marseillaise retentit. Le symbole était ici trop évident, trop lourd, presque caricatural.

Comme dit le proverbe chinois : "Lorsque le doigt montre la lune, le sage regarde le doigt".

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