lundi 31 décembre 2007

Amoureuse non-encore médiatisée

En faisant le ménage dans les fichiers de mon ordi, (préparation à un changement de portable - grosse opération riche de petites leçons sociologiques, et même carrément épistémologiques, sur lesquelles je reviendrai - plus que bonne résolution pour 2008), je retrouve ce mp3 d'une chanson assez étrange de Jérôme Minière, Amoureuse non-encore médiatisée. Et comme le hasard a toujours un sens, je vous propose d'en écouter un bout (cliquez juste en dessous sur la flèche verte du lecteur mp3):

NB: Si vous ne voyez pas le lecteur mp3 juste dans la ligne en dessous (une flèche verte, deux bouton puis une bande grise), merci de me l'indiquer en précisant: quelle version de navigateur vous utilisez; quel logiciel audio vous utilisez (Window Media Player, Real Player, Quick Time, etc.): si vous avez bien avez bien le Flash player installé.


Amoureuse non encore médiatisée par jérôme Minière

Jérôme Minière, né à Orléans et désormais établi au Québec, est un artiste éclectique. Peut-être parce qu'il a du mal à s'accommoder au monde qui l'entoure, il créé de petits univers ironiques. Après avoir commis quelques albums personnels, plutôt intimistes mais aussi assez électroniques, il est désormais engagé dans le projet Herri Kopter (dont le slogan est Le client est notre roi). Ca promet.


[Art work by Herri Kopter]

Une belle et douce année 2008 pour vous et tous ceux que vous aimez et/ou qui vous aiment.

dimanche 23 décembre 2007

Valence, l'hiver

I don't want a lover, just to be seen in the back of your car

Je veux pas un amant, juste qu’on me voie à l’arrière de ton auto. Anton, un jour, lui avait envoyé un lettre dans laquelle il avait écrit en exergue cette phrase, tirée d’une vieille chanson des Smiths. Il trouvait qu’elle exprimait bien la relation ambi­guë qu’il en­tretenait avec Andréa, la façon qu’elle avait d’être avec lui sans l’être complète­ment.

L’auto roulait lentement dans les rues de Valence. A l’arrière, Andréa regar­dait les gens qui déambulaient sur le trottoir. A un moment, du côté de la Place Alfonso el Magnánimo, la voiture a dépassé un couple qui s’embrassait. L’homme était appuyé contre un mur. La femme était assise sur une vespa et le tenait par le col du veston. Andréa sentit une bouffée de tris­tesse l’envahir. Elle aurait tant voulu qu’un homme l’embrasse comme cela. L'auto-radio diffusait une drôle de chanson, un peu jazzy. What did Gillepsie do…, to help you? Elle reprit le refrain en essayant d’imiter la ma­nière du chanteur. Mais qu’a donc fait Gillepsie (très vite)…, pour m’aider (lente­ment)?


L’avion pour Paris était en retard. Dans la salle d’embarquement, une hô­tesse expliqua qu’il neigeait en France et qu’on attendait que les pistes de l’aéroport soient dégagées. On décollerait probablement dans une heure disait-ellle. Andréa savait par expérience que l’attente serait plus longue et elle regretta de ne pas s’être promenée davantage dans la ville. Elle aimait beaucoup la douceur de Valence, l’hiver. Elle repensa au couple à la vespa et, de nou­veau, elle se sentit triste. L’image d’une petite fille, en robe à carreaux vi­chy qui, sur un balcon, attachait les lanières de ses sandales lui revint. Andréa se dit qu’elle n’aurait jamais d’enfant et elle se mit à pleurer.


A lire en écoutant Salted slug de Winter Family
Salted Slug by Winter Family

mercredi 19 décembre 2007

L'amour, hum hum



L'amour, hum hum, j'en veux pas
J'préfère les temps en temps
Je préfère le goût du vent
Ou le goût étrange et doux de la peau de mes amants
Mais l'amour, hum hum, pas vraiment !

(Carla Bruni, Quelqu'un m'a dit, Naïve, 2002)


Tout est dit, non?
Une vidéo de la chanson interprétée en concert PAR LA

On peut écouter aussi ici La chanson de Maglia de Serge Gainsbourg

samedi 8 décembre 2007

C'est reparti ! (enfin presque)

Après une longue période de léthargie, le blog va reprendre ses activités.

Ou plus exactement, je vais réactiver mon blog (j'aimerais bien que mon blog écrive tout seul, mais malgré toutes les merveilles du Web 2.0, il faut encore que je lui donne des idées).

Pour l'instant, j'essaie de récupérer toutes les mises en forme et liens que j'ai perdus du fait de "la mise à niveau" de mon blog sur la plateforme blogger. Et c'est vraiment du boulot, aussi passionnant que quand on change d'ordi.

Eh, oui: les sauts technologiques, censés simplifier la vie ou la rendre plus belle, commencent toujours par la compliquer! C'est le fameux paradoxe de la productivité (1): bien que depuis cinquante ans, on n'arrête pas de s'équiper en machines et réseaux de plus en plus puissants, on ne travaille pas beaucoup plus vite. Le temps que allons gagner en efficacité, nous commençons par le perdre en apprentissage et en adaptation.

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(1) "You can see the computer age everywhere but in the productivity statistics". Solow, Robert M. (1987). We’d better watch out. New York Times Book Review (July 12), p. 36.
Pour une discussion un peu ancienne (1998), mais toujours d'actualité, ce papier de Jack E. Triplett, The Solow Productivity Paradox: What Do Computers Do to Productivity? (PDF). Voir en particulier le point 6.

mercredi 25 avril 2007

En attendant le grand débat

Le grand débat de l'entre deux tours lors des élections présidentielles françaises est un objet politique rare puisqu’en cinquante ans de cinquième République, nous n’avons eu que quatre débats de ce type (1974, 1981, 1988 et 1995).
Comme on s'en souvient, il n'y avait pas eu de débat en 2002, Jacques Chirac refusant de débattre avec Jean-Marie Le Pen, car "face à l'intolérance et à la haine , il n'y a pas de transaction possible, pas de le débat possible" (1).


La France, pays précurseur des grands débats présidentiels

Notre pays a été, en 1974, l’un des premiers pays à diffuser un débat télévisé entre les candidats à la présidence. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les Etats-Unis n’ont pas été beaucoup plus en avance en la matière. Certes, en 1960, une première série de débats télévisés entre les candidats démocrate et républicain à la présidence, John Kennedy et Richard Nixon, eut lieu en 1960. Mais la pratique fut ensuite interrompue (2) et ne reprit qu’en 1976, non sans difficultés. En Europe, les grands débats télévisés entre leaders de coalitions politiques ne sont pas systématiques (il est vrai que les élections mettent en présence d'abord des partis et non des personnalités comme lors de l'élection présidentielle française). C’est seulement lors des élections de 2005 qu’un débat télévisé fut organisé pour la première fois en Allemagne entre les candidats à la chancellerie. Et en Grande-Bretagne, cette pratique n’est pas encore entrée dans les mœurs bien qu’elle soit régulièrement souhaitée.

Ces débats sont très prisés par les électeurs et recueillent des audiences considérables (23 millions pour le débat de 1974 diffusé il est vrai sur les trois chaînes; presque 17 millions pour le dernier débat en 1995). Ils donnent lieu à des échanges de grande intensité et aussi aux fameuses petites phrases dont on se souviendra longtemps après l’élection.

En 1974, on se rappelle ainsi que Valéry Giscard d’Estaing avait touché un point faible de François Mitterrand en le qualifiant « d’homme du passé ». Visiblement, la formule avait été soigneusement préparée car VGE martela constamment ce thème en reprochant à de nombreuses reprises à son adversaire de se référer à la France d’avant et d’avoir peur de se projeter dans le futur avec des idées neuves.

On a moins noté en revanche un autre moment du débat (29eme minute) lorsque VGE s’adressa à FM en lui parlant de Clermont-Ferrand , « une ville qui vous connaît et me connaît bien ». Mais pourquoi donc mentionner Clermont-Ferrand ? Jean-François Balmer, qui en ce moment « rejoue » avec Jacques Weber les débats de 1974 et 1981 au Théâtre de la Madeleine, m’a récemment donné la clef de cette petite énigme : c’est la ville dont est originaire Anne Pingeot. Et on peut imaginer que, de la part de VGE, l’allusion n’était pas fortuite mais bien destinée à déstabiliser FM (3), ou au moins à lui faire comprendre qu'il était au courant de sa vie affective.

Les règles du débat
Tout débat doit suivre des règles qui définissent son déroulement (ce qu’on appelle généralement le format du débat). Celle-ci concernent notamment :

- la durée globale du débat et de ses différentes composantes ;
- les rôles des différents participants et les modalités de leurs interventions ;
- l’agencement du lieu du débat ;
- et, en cas de retransmission télévisée, les modalités de cadrage. Ainsi en France, les plans de coupe (cadrage sur un candidat pendant que l'autre parle) ont été jusqu'à présent systématiquement refusés lors des débats du second tour.

Dans un débat politique, on pourra distinguer :
- les débatteurs proprement dit (personnalités politiques, candidats),
- les questionneurs (journalistes spécialisés et, parfois, public),
- l’animateur qui s’attache à faire respecter les règles et tout spécialement celles relatives aux temps de parole.

En général, on considère que chacun des débatteurs doit disposer du même temps de parole. C’est en quelque sorte l’application au débat politique d’un des principes de base de toute démocratie : l’égalité des citoyens. Et c’est sans doute pour cette raison que les débatteurs sont attachés presque religieusement à cette règle, même s’il est assez évident que l’impact qu’on peut avoir sur l’auditoire d’un débat ne dépend pas seulement du temps dont on dispose (et qu’une intervention claire et concise peut être bien plus efficace).

Le débat politique à l’américaine : mythe et réalités
Lorsqu'on parle de débat électoral en France, on fait souvent référence au « débat politique à l’américaine ». Ce fut notamment le cas en octobre 2006 lors du débat entre les candidats à la canidature du PS.

Cette référence est doublement rigolote.
Pourquoi devrions-nous prendre le modèle américain comme exemple du bon débat politique ?
Il n’y a pas, aux Etats-Unis, un format unique de débat politique, mais au contraire une multitude de formats (chaque élection donnant lieu à d’âpres discussions sur le bon format), et tous font l’objet de critiques.

Depuis 1948, trois grands types de formats ont été utilisés lors des primaires ou campagnes présidentielles américaines (avec de nombreuses de variations pour chacun):
- le format podium : les candidats sont debout derrière un pupitre ou assis sur des chaises. Ils font face aux à des panélistes (journalistes) et au modérateur (animateur). Suivant les cas, les candidats répondent seulement aux questions des panélistes ou bien peuvent s’adresser les uns aux autres.
- le format dit town meeting: le débat en lieu en présence d’un public (qui souvent peut poser des questions). Les candidats sont généralement debout derrière des pupitres et ils peuvent être autorisés à marcher sur la scène.
- le format table-ronde : les candidats ainsi que l’animateur sont assis autour d'une table et s’adressent directement les uns aux autres.

Quelque soit la formule retenue, les débats politiques sont souvent critiqués. Voici quelques-uns des problèmes identifiés (d’après Diana B. Carlin et Mitchell S. McKinney, 1994) :
- les candidats n’ont pas assez de temps pour répondre de façon substantielle aux questions;
- ils ne répondent pas toujours à la même question, ce qui empêche les comparaisons, ou tout simplement ne répondent pas aux questions posées ;
- les panélistes sont trop intrusifs ou, au contraire, ils n’interviennent pas assez ;
- les panélistes représentent mal les préoccupations de la population ;
- le format question-réponses ne favorise pas un vrai débat.

Les débats politiques sont-ils utiles ?
Oui répondent dans l’ensemble les recherches menées sur le sujet.

- Les débats élèvent le niveau d’information et de connaissance politiques des électeurs.
- Ils accroissent l’intérêt pour les campagnes électorales et la vie politique.
- Ils permettent aux citoyens de comparer les candidats, leurs personnalités et leurs projets, et leur fournissent des éléments utiles pour leur vote.
- Ils rendent la politique plus vivante et plus concrète, voire spectaculaire (au sens premier du terme: qui surprend, étonne et frappe l'imagination)
- Ils facilitent l’acceptation des résultats des élections et, plus généralement, renforcent l’attachement aux principes de la démocratie.

En revanche, les recherches sur les débats politiques suggèrent que ceux-ci n’ont que très peu d’effets sur les intentions de vote, mais tendent plutôt à renforcer les dispositions pré-existantes des électeurs. On a souvent noté que les citoyens qui regardaient les débats politiques télévisés étaient des citoyens plutôt politisés, aux opinions déjà bien établies, tandis que les citoyens qui pourraient être les plus sensibles à l’influence des débats les regardaient en général très peu.

_________________
(1) Meeting de Rennes, 23 avril 2002.
(2) Les présidents sortants rechignant à débattre avec leur adversaire et, aussi, en raison de la règlementation audiovisuelle sur l'égalité entre candidats.

(3) Rapporté également par Ariane Chemin et Géraldine Catalano dans leur ouvrage sur Mitterrand
Une Famille au secret (Stock, 2005)

A voir ou revoir : Les débats du second tour de 1974 à 1995 sur le DVD produit par l’INA.


NB: Ce billet est une reprise de différents billets déjà publiés sur ce blog.

mardi 17 avril 2007

Opérations estimation et sondages sortie des urnes

Le 22 avril, dès 20 heures, alors même que des milliers d'électeurs viendront juste de mettre leur bulletin dans l'urne, les principaux médias annonceront les résultats du premier tour. Mais comment est-ce possible?

Pratiquement, deux techniques sont utilisées par les médias pour annoncer les résultats probables de l’élection.

Les opérations estimation consistent à extrapoler les résultats nationaux à partir des dépouillements effectués dans certains bureaux qui ferment à 18h ou 19 heures. Ces bureaux sont choisis en fonction des résultats des scrutins passés pour former un échantillon de bureaux représentatifs du corps électoral. Puis, en appliquant des modèles d’ajustement (pour tenir compte des différences dans l’offre politique avec les précédentes élections), on estime les résultats nationaux à partir des premiers résultats des ces bureaux. Une première estimation a lieu dès 18h30 (mais n’est pas rendue publique pour ne pas influencer les derniers votants) et est ensuite affinée au fur et à mesure de la prise en compte de suffrages supplémentaires.
La première opération estimation a été conduite en 1965 par une équipe de l’AFP, conduite par le politologue Jean-Luc Parodi, travaillant à partir des résultats d’une centaine de communes. Elle a permis d’établir dès 19 heures h50 que le Général de Gaulle obtenait de 42 à 45% des suffrages et était donc en ballottage au premier tour (1).
Les opérations d’estimation permettent généralement de bien cerner les grandes tendances du 1er tour et donnent de très bons résultats pour le 2eme tour. Mais, elles ont deux défauts. Elles sont très coûteuses, car elles mobilisent de nombreuses personnes (quatre à cinq cents pour une élection présidentielle, plus encore pour les autres élections). Elles ne donnent pas d’indications sur la composition des électorats et les motivations du vote.

C’est pourquoi les chaînes de télévision font appel, depuis 1983, à une seconde technique : les sondages sortie des urnes ( SSU).
Les SSU sont des sondages réalisés le jour même de l’élection auprès d’un échantillon d’électeurs venant de voter. Ceux-ci sont interrogés à la sortie des bureaux sur le vote qu’ils ont effectué ainsi que sur les raisons de leur choix.
Le principal avantage des SSU est de fournir des données qui vont au delà des scores obtenus par les candidats et qui permettent d’effectuer une explication à chaud du vote des Français. On peut ainsi savoir si les électeurs se sont déterminés au dernier moment ou longtemps avant le scrutin, avoir une idée du sens dans lequel une catégorie socio-professionnelle ou une classe d’âge a voté, ou encore comprendre comment se sont effectués les reports de voix entre les deux tours. Néanmoins, les données issues des SSU ne sont pas très fiables et doivent être maniées avec encore plus de prudence que les sondages sur les intentions de vote. Elles reposent sur des déclarations qui peuvent ne pas être complètement sincères. Les SSU tendent à sur-représenter les électeurs les plus politisés et les plus âgés qui répondent plus volontiers aux sollicitations des enquêteurs et à sous-représenter les électeurs peu politisés et ayant effectué peu d’études (2).
________________
(1) Mais cette information ne fut diffusée par l’AFP qu’à 21h20, le président de l’AFP, Jean Marin (gaulliste historique qui avait été l’une des voix de La France Libre sur les ondes de la BBC) ayant beaucoup hésité avant de la valider.
(2)On peut certes corriger en partie ces biais par diverses méthodes de redressement. Mais les SSU étant réalisés extrêmement rapidement, ces redressements sont sans doute encore plus imparfaits qu'ils le sont pour les sondages politiques habituels.



Ce billet est un extrait de mon ouvrage Comment devient-on président(e) de la république? Les stratégies des candidats (Robert Laffont), chapitre 7 dans lequel vous trouverez d'autres information sur les soirées électorales.


vendredi 13 avril 2007

Les outils pour savoir pour qui voter

Suivant les derniers sondages d'opinion, de 27 à 42% des électeurs n'ont pas encore choisi pour quel(le) candidat(e) ils allaient voter le 22 avril. Si vous êtes dans ce cas, voici un petit inventaire (par ordre alphabétique) des outils disponibles sur l'internet qui peuvent vous aider à déterminer de quel candidat vous êtes le plus proche en fonction de son programme.

Le test du Monde : graphiquement réussi, moins pour le reste.
Graphiquement très réussi, mais pas le plus convainquant par sa méthodologie. Pour chacun des 19 thèmes proposés, il faut choisir entre trois ou quatre propositions (incluant parfois mais pas toujours une case ne sait pas).

Mon vote à moi : complet et assez solide.
Proposé par sitoyen.fr et Sciences-po Lyon à partir de l’application VoteMatch développée par l'Institut néerlandais de la participation politique. Il faut répondre à 35 questions par "j’approuve", "je n’approuve pas" ou "je ne sais pas", ce qui permet de déterminer votre affinité avec les candidats.
A noter : possibilité de définir les questions qu’on considère les plus importantes (ce qui permet d’augmenter leur impact sur le résultat final).

Polimètre : le plus rigoureux pour la méthodologie, mais un peu long
Conçu par deux chercheurs, Paul Antoine Chevalier (ENS Cachan) et Lionel Page (University of Westminster, Londres) avec la collaboration d’une équipe de RTL et du site Débat 2007.fr. Il faut répondre à 30 questions selon cinq modalités (de tout à fait d’accord à totalement en désaccord) et l’on peut de plus choisir l’importance de la question dans le résultat final. C’est de loin le plus rigoureux sur le plan méthodologique même si on peut contester certaines options ou la formulation des questions (voir la note méthodologique et quelques discussions autour du Polimètre ICI).

Politest : pour se situer sur l’échelle gauche-droite.
Réalisé par deux anciens Sciences-po, il propose 12 thèmes avec 3 à 5 propositions à chaque fois.
On peut ensuite choisir l’axe qu’on privilégie (économique, social ou identité de la France). Le test indique le parti dont on est le plus proche en fonction de la comparaison entre la position du parti et celle du répondant sur une échelle à 9 degrés.

Pour qui voter : le plus simple, mais un peu trop simple.
Dans sa version 1, les réponses à 5 questions donnaient des étoiles aux candidats et celui qui obtenait le plus d’étoiles était le candidat.
Dans la version actuelle, trois séries de 5 questions permettent de déterminer un candidat qui pourrait correspondre à notre attente. On peut ensuite en répondant à 10 autres questions mesurer le degré de proximité.

Quel candidat.com : pas mal mais trop éclectique.
Réalisé en partenariat avec le Dauphiné Libéré, il faut répondre à 25 questions ( plus 6 questions touchant aux goûts et valeurs). On obtient ensuite des scores (en %) de ressemblance avec chacun des 12 candidats.

Votez Plus : le plus rigolo
C'est le comparateur proposé par Canal Plus. En répondant à 10 questions, vous saurez si vous êtes plutôt proche de Ségolène Bovancenot ou François Sarkopen, ou encore une autre crétaure improbable. Superbe réalisation graphique. Trop sérieux s'abstenir.

Comment ça marche ?

Comment sont calculés vos résultats à ces différents tests ? Deux type de méthodes peuvent être utilisés:

- Les tests à points : ils sont analogues aux quizz ou tests qu’on trouve dans les magazines (ceux qui consistent à additionner des croix des triangles ou des ronds pour déterminer son profil psychologique). Chaque réponse correspond à un candidat (ou plusieurs) et vaut un point et on additionne les points pour déterminer de quel candidat vous êtes le plus proche. On peu raffiner en donnant plus ou moins de points aux réponses en fonction de leur importance.

- Les tests basés sur le calcul de la distance: là c’est un peu plus compliqué et l’on rejoint un courant d’analyse du vote, connu sous le nom d’analyse spatiale du vote.
Schématiquement, voilà comment cela fonctionne. On définit un espace politique à l’aide de n dimensions (chaque dimension étant un problème ou un enjeu de l’élection). On situe ensuite chaque candidat dans cet espace politique à l’aide d’un point, qui est fonction de ses positions sur chacune des dimensions retenues (positions que l'on peut représenter par une échelle, par exemple de 1 à 5) . Ainsi, sur un espace à deux dimensions, si le candidat a la position 3 sur la première et 5 sur la seconde, il se situera dans l'espace au point de coordonnées (3,5). Bien entendu, cela devient plus réaliste (mais aussi beaucoup plus complexe à visualiser) lorsqu'on prend en compte une douzaine de dimensions.
De la même façon, on peut définir la position de chaque électeur dans le même espace politique en fonction de ses préférences sur chacune des dimensions (ou problèmes). Enfin, à l’aide d’un algorithme, on calcule la distance entre cet électeur et chacun des candidats et on détermine le candidat dont l’électeur est le moins distant.

Les problèmes de ces tests
Pour concevoir un bon test, il faut d'abord déterminer les enjeux qui préoccupent le plus grand nombre d'électeurs, recueillir ensuite les positions des candidats sur ces enjeux et enfin rédiger de bonnes questions. Or chacune de ces étapes est problématique.

  • Il n'est pas évident de trouver le bon panachage de questions. Un test peut ainsi donner trop d'importance aux enjeux sociaux et pas assez aux enjeux économiques. Toutefois, certains tests permettent de pondérer les questions en fonction des sujets qui préoccupent le plus les répondants, et ainsi de leur donner un plus grand impact sur le résultat.
  • Les programmes des candidats ne sont pas forcément tous disponibles (souvenons-nous que celui de Nicolas Sarkozy n'a été rendu public que fin mars) ou ne permettent pas toujours de connaitre la position du candidat sur une question particulière. Idéalement, il faudrait demander à chaque candidat de remplir le questionnaire qu'on propose aux électeurs. Mais les équipes des candidats sont tellement sollicitées que cela relève du tour de force. (Pour la petite histoire, en 2001, nous avions réalisé avec une équipe d'étudiants de Sciences-po un comparateur des programmes des candidats aux élections municipales de Paris. Mais nous avions eu le plus grand mal à obtenir leurs programmes même en jouant de toutes nos relations.)
  • Autre difficulté: rédiger de "bonnes" questions, c'est à dire des questions compréhensibles par tous, ni trop longues ni ambigües. A cet égard, plusieurs tests inventoriés ici ne sont pas totalement satisfaisants. Les questions peuvent être parfois être comprises de plusieurs façons; certaines sont parfois formulées sous une forme négative qui brouille la question; dans l'un des tests, les questions sont bien trop longues (ce qui empêche de bien saisir les choix offerts).

Par ailleurs, il y a la méthode de traitement des réponses. Les systèmes qui additionnent des points (voir section précédente) sont assez rudimentaires car ils supposent que la proximité avec un candidat dépend du nombre de questions pour lesquelles on est d'accord avec lui. Or, cela dépend évidement du type et du nombre de questions qui ont été posés.
Méthodologiquement, les tests basés sur le calcul de la distance sont plus satisfaisants, surtout s'ils permettent de prendre en compte l'intensité des préférences pour telle ou telle réponse. Mais techniquement, ils sont plus complexes à concevoir et à gérer.

Un regret pour terminer: peu de tests présentent clairement, et surtout complètement, leur méthodologie.

A quoi ça sert?
Ces tests ont surtout une fonction heuristique. Ils peuvent vous inciter à réfléchir sur les candidats et peut-être même sur vos propres valeurs. On peut ainsi se croire de gauche et s'apercevoir en faisant un test qu'on est proche des candidats de droite (ou l'inverse). Ces tests invitent parfois à ieux se rensigner sur un candidat qu'on connaît mal ou qu'on négligeait.

Ces tests ne vous disent bien sûr pas pour qui vous DEVEZ voter, mais pour qui vous DEVRIEZ voter si vous vous comportiez comme un électeur rationnel comparant l'ensemble des programmes des candidats en fonction de ses préférences personnelles.
Sauf que nous ne sommes pas forcément très rationnels dans nos décisions électorales. Nous réagissons également à des influences familiales ou sociales. Notre vote ne dépend pas seulement des projets politiques des candidats mais aussi de leur image. Notre vote résulte aussi de réflexes affectifs et de réactions émotionnelles. Et cette dimension, assez difficile à mesurer, est absente des tests présentés ici.


Pour info: les tests les plus consultés par les lecteurs de ce blog du 15 au 22 avril
Mon vote à moi: 739 clics
Polimètre: 539 clics
Votez Plus: 463 clics
Test du Monde: 446 clics
Pour qui voter: 368 clics
Politest: 288 clics
Quel candidat.com: 276 clics


mercredi 11 avril 2007

Débats sur les débats

On a déjà eu le débat sur le meilleur format pour un débat politique lors des primaires du PS en octobre 2006, puis le débat sur la place et le rôle des téléspectateurs /citoyens dans les débats politiques avec l'émission "J'ai une question à vous poser" de TF1 en février. Voici maintenant le débat sur le débat entre candidats avant le premier tour.

Un débat télévisé entre les (ou des) candidats à la présidentielle avant le premier tour serait une première puisque cela n'a jamais eu lieu jusqu'à présent. Mais ne rêvons pas, il n’y a pratiquement aucune chance qu’un tel débat soit organisé, sur les grandes chaînes de télé ou même sur internet.
- Tactiquement, les candidats les mieux placés n'ont aucun intérêt à offrir une exposition médiatique à leurs adversaires moins bien placés. Et ce sont généralement les challengers, moins connus et/ou pas encore légitimés par de précédents scrutins, qui réclament ce type de débat.
- Légalement, la réglementation applicable en France exige une égalité des temps de parole des candidats à la télévision ou à la radio. Et, depuis le 9 avril, début de la campagne officielle, les conditions de programmation doivent être comparables. Cette contrainte signifie que, si un débat entre les candidats était organisé sur une chaîne de télévision, il devrait en principe rassembler tous les candidats.

Le dilemme d’un débat entre candidats sur internet

Pour contourner cette contrainte, François Bayrou a proposé un débat sur internet entre les quatre principaux candidats le 3 avril. Nicolas Sarkozy a immédiatement refusé cette idée, estimant qu’il ne « peut y avoir (qu’) un débat à douze ou pas de débat ». De son côté, la «mouvance du cinquième pouvoir » a lancé le 5 avril une pétition pour un débat entre candidats avant le premier tour sur le web.
Mais cette proposition se heurte à un dilemme : comment trouver une formule qui soit à la fois démocratique et intelligible? Il serait paradoxal que l’internet minore la voix des petits candidats au moment même où les médias traditionnels s’appliquent à les traiter comme les grands ; mais, si tout le monde participe, comment peut-on pratiquement organiser un véritable échange ?
On trouvera une réflexion sur les multiples formats auxquels les uns et les autres ont pensé ICI sur le site Agoravox. Voir aussi le billet de Gilles Klein sur pointblog qui pose 4 bonnes questions au sujet des débats. Thierry Crouzet a même suggéré un débat sous la forme d’un speed-dating [heureusement qu’il n’y a pas eu autant de candidats que TC le souhaitait lorsqu'il critiquait le système des parrainages:-)].

On a beau tourner le problème sous tous les angles, si l’on veut être juste et réaliste, il n’y a qu’une seule solution: un « débat » à douze au cours duquel chaque candidat répondrait successivement aux mêmes questions posées par des journalistes ou des citoyens (soit une douzaine de minutes par candidat pour une débat de 3 heures). C’est la formule qui a été à plusieurs reprises utilisée aux Etats-Unis lors des primaires démocrates ou républicaines.

Evidemment, c’est pas très folichon : cela ressemble plus à une juxtaposition de discours qu’ à un véritable débat (au sens d’échange contradictoire d’arguments). Et si cette formule est acceptée par tous les candidats, plus besoin de l’internet.

Vers le débat du second tour
Puisqu’il n’y aura très probablement pas de débat avant le premier tour, on peut se préparer au débat télévisé du second tour.
Il s’agit d’un objet politique rare puisqu’en cinquante ans de cinquième République, nous n’avons eu que quatre débats de ce type. La France a été, en 1974, l’un des premiers pays à diffuser un débat télévisé entre les candidats à la présidence. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les Etats-Unis n’ont pas été beaucoup plus en avance en la matière. Certes, en 1960, une première série de débats télévisés entre les candidats démocrate et républicain à la présidence, John Kennedy et Richard Nixon, eut lieu en 1960. Mais la pratique fut ensuite interrompue (1) et ne reprit qu’en 1976, non sans difficultés. En Europe, les grands débats télévisés entre leaders de coalitions politiques ne sont pas systématiques. C’est seulement lors des élections de 2002 qu’un débat télévisé fut organisé pour la première fois en Allemagne entre les candidats à la chancellerie. Et en Grande-Bretagne, cette pratique n’est pas encore entrée dans les mœurs bien qu’elle soit régulièrement souhaitée.

Ces débats sont très prisés par les électeurs et recueillent des audiences considérables (23 millions pour le débat de 1974 diffusé il est vrai sur les trois chaînes; presque 17 millions pour le dernier débat en 1995). Ils donnent lieu à des échanges de grande intensité et aussi aux fameuses petites phrases dont on se souviendra longtemps après l’élection.

En 1974, on se rappelle ainsi que Valéry Giscard d’Estaing avait touché un point faible de François Mitterrand en le qualifiant « d’homme du passé ». Visiblement, la formule avait été soigneusement préparée car VGE martela constamment ce thème en reprochant à de nombreuses reprises à son adversaire de se référer à la France d’avant et d’avoir peur de se projeter dans le futur avec des idées neuves.

On a moins noté en revanche un autre moment du débat (29eme minute) lorsque VGE s’adressa à FM en lui parlant de Clermont-Ferrand , « une ville qui vous connaît et me connaît bien ». Mais pourquoi donc mentionner Clermont-Ferrand ? Jean-François Balmer, qui en ce moment « rejoue » avec Jacques Weber les débats de 1974 et 1981 au Théâtre de la Madeleine, m’a récemment donné la clef de cette petite énigme : c’est la ville dont est originaire Anne Pingeot. Et on peut imaginer que, de la part de VGE, l’allusion n’était pas fortuite mais bien destinée à déstabiliser FM (2), ou au moins à lui faire comprendre qu'il était au courant de sa vie afective.
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(1) Les présidents sortants rechignant à débattre avec leur adversaire et, aussi, en raison de la réglementation audiovisuelle sur l'égalité entre candidats.
(2) Rapporté également par Ariane Chemin et Géraldine Catalano dans leur ouvrage sur Mitterrand
Une Famille au secret (Stock, 2005)

A voir ou revoir : Les débats du second tour de 1974 à 1995 sur le DVD produit par l’INA.

lundi 9 avril 2007

Premier vote, premier baiser

Le premier vote c'est un peu comme le premier baiser: on s'en souvient toute sa vie...

Pour les jeunes gens qui accèdent à la citoyenneté – ils sont environ 800 000 chaque année – la première campagne électorale et le premier vote sont particulièrement marquants. Diverses enquêtes ont montré qu’à l’image des expériences que nous vivons dans notre enfance et qui structurent notre personnalité, le premier contact avec une élection conditionne durablement le rapport à la politique et le comportement électoral ultérieur.
Le fait d’avoir participé très tôt à une élection non seulement familiarise les individus avec cette forme d’expression et la rend naturelle; il accroît aussi les sentiments positifs à l’égard de la politique et l’engagement civique. Avoir vécu une campagne active et animée renforce le sentiment d’efficacité des citoyens et favorise une participation régulière aux élections. A l'inverse, si la première campagne que l'on a vécue a été sans enjeu, on a plus de chance de s'abstenir par la suite. C'est ce que montre Mark Franklin dans Voter Turnout and the Dynamics of Electoral Competition in Established Democracies since 1945 (Cambridge: Cambridge University Press, 2004).

Et Marie-Hélène, qu'on peut écouter ICI, le confirme: votant pour la première fois à l'élection présidentielle de 1969, elle a trouvé les résultats du premier tour "tellement pathétiques et lamentables" qu'elle a décidé de ne plus voter ensuite (mais elle s'est réinscrite pour l'élection 2007).
Ce témoignage fait partie d'un ensemble d'enregistrements audio qu'on trouvera sur le site Souvenirs de campagne, sur lequel chaque jour des électeurs ou des acteurs politiques racontent un souvenir d'une campagne présidentielle passée. Passionnant.

A venir sur ce blog:
- Débats sur les débats
- Les effets des médias sur l'élection: théorie de théories
- Machines pour savoir pour qui voter

samedi 7 avril 2007

Machines à voter (suite)

Lors de l’élection présidentielle de 2007, 82 communes représentant presque 1,5 millions d’électeurs, n’utiliseront pas un bulletin en papier et une urne comme de coutume, mais une machine à voter. Cela provoque pas mal de craintes et de protestations et certaines communes, comme celle de Couëron, regrettent déjà de s’être engagées dans cette aventure.



Le 29 mars dernier, le Conseil constitutionnel a publié un communiqué de presse et une note sur les machines à voter. Il rappelle que celles-ci ci sont autorisées depuis 1969 (art. L. 57-1 du code électoral) pour les communes de plus de 3500 habitants. Il indique d’autre part que l'utilisation des machines à voter répond à un triple objectif :
- économique : réduire les coûts d'organisation des élections et accélérer le dépouillement des résultats le soir du scrutin.
- écologique : supprimer les bulletins en papier.
- social : permettre un accès plus aisé aux opérations de vote pour les personnes handicapées.


Petite histoire des machines à voter

Acte 1 : C’est la loi du 10 mai 1969 qui a a autorisé l’utilisation de machines à voter (alors électro-mécaniques) en France. L’objectif alors était de lutter contre la fraude électorale. Les premières machines ont été utilisées lors des élections législatives de 1973, mais au total seulement 600 appareils furent acquis par le Ministère de l’intérieur avant leur mise au rebut en 1988.

Acte 2 : Après cette première introduction avortée des machines à voter, un débat sur le vote électronique se développa à partir du milieu des années 1990 avec l’apparition de l’internet. La société américaine election.com, dont la filiale française était animée par Régis Jamin (qui a aujourd’hui créé Election-Europe.com) fit la promotion du vote électronique et certaines villes, comme Brest, Issy-les-Moulineaux ou Vandoeuvre, s’engagèrent dans cette voie. Cependant, le ministère de l’Intérieur, s’opposa à toute utilisation de l’internet pour les élections politiques, « l’absence de passage dans un isoloir ne permettant pas de protéger l’électeur contre une éventuelle pression extérieure ». De son côté la Commission nationale Informatique et Libertés (CNIL) émit à plusieurs reprises des réserves sur le vote électronique, celui-ci ne permettant pas de protéger les données personnelles (voir son avis du 2 avril 2002 et sa délibération du 1er juillet 2003).

Acte 3 : L’option vote par internet étant écartée, le ministre de l’intérieur, Nicolas Sarkozy, annonça en septembre 2003, lors du Forum d’Issy-les-Moulineaux, la relance des machines à voter. Dans les mois qui suivirent, trois modèles de machines à voter furent agréés et utilisés par une dizaine de communes lors des élections cantonales, régionales et européennes de 2004. Lors du référendum du 29 mai 2005, 55 communes (dont Brest, Le Havre, Boulogne-Billancourt, Antony) s'étaient ainsi équipées, ce qui représentait 837 bureaux de vote et un peu moins d'un million d'électeurs. Le conseil constitutionnel indique que l’utilisation de ces machines n’a donné lieu à aucun lieu à aucun contentieux. Mais en sera-t-il de même cette année ?


Une opposition montante aux machines à voter

Depuis plusieurs années, des informaticiens et quelques citoyens – au premier rang desquels l’infatigable Pierre Muller de Recul démocratique, désormais dénommé ordinateur-de-vote.org ainsi que le CREIS – se sont mobilisés contre le vote électronique ou les machines à voter. Depuis quelques mois, l’opposition a pris une certaine ampleur et une pétition en ligne pour le maintien du vote papier a été lancée (presque 50 000 signataires à la date d’aujourd’hui).

P&ampeacute;tition pour le maintien du vote papier

Les opposants aux machines à voter réfutent les arguments généralement avancés en faveur des machines à voter.

  1. Ils notent que les économies que génèrent les machines à voter sont loin d’être évidentes. Certes, on pourra imprimer moins de bulletins et les rémunérations des agents communaux seront moins importantes (puisqu’on n’aura pas à les payer pour les longues heures du dépouillement). Mais, l’achat des machines dont le coût est d’environ 4000 euros par unité aura représenté, si l’on compte une machine par bureau de vote, au moins 3,3 millions d’euros (mais il serait en fait proche des 5 millions d’euros).
  2. Ils soulignent que les machines ralentiront sans doute le déroulement du scrutin, les expériences passées montrant que certains électeurs, notamment les plus âgés, ont du mal à pratiquer cette nouvelle façon de voter.
  3. Enfin, on s’interroge sur ce qui se passera en cas de panne, momentanée ou définitive, de machines : cela signifiera-t-il que le vote de certains électeurs ne sera pas pris en compte ; a-t-on prévu des solutions de rechange et des urnes et des bulletins de secours ?
Plus fondamentalement, et c’est là qu’est le vrai problème, les opposants aux machines à voter mettent en doute leur intégrité ou leur fiabilité. Certains évoquent le spectre d’une manipulation (les logiciels des machines à voter pouvant être programmés pour fausser le scrutin). Des informaticiens ont également constaté qu’il était possible de connaître à distance les votes enregistrés par les électeurs. Que cela relève ou non du fantasme du Big brother, un sérieux doute plane sur la capacité des machines à voter à enregistrer correctement les votes.

Pour ces raisons, les opposants aux machines à voter réclament un moratoire et l’ouverture d’un véritable débat sur la question. Certains demandent également que chaque vote effectué sur une machine donne lieu à une trace papier (conservée dans une urne close à des fins de recomptage en cas de contestation) une façon astucieuse de ruiner le principal avantage supposé des machines à voter : les économies de papier.

Pour l’instant, les machines à voter semblent présenter seulement deux avantages :

  • elles suppriment la phase de dépouillement des votes. Et c’est sans doute ce qui a convaincu les maires qui ont acheté des machines car, dans de nombreuses communes, il est de plus en plus difficile de trouver des volontaires acceptant de participer au dépouillement.
  • elles institutionnalisent le vote blanc. La loi de 1969 prévoit en effet que la faculté d’un vote blanc doit être offerte sur les machines à voter. Les machines à voter font disparaître la catégorie « votes nuls « (regroupant, pour le vote papier, les bulletins non conformes tels que les bulletins raturés ou surchargés, ou les bulletins de deux candidats différents dans la même enveloppe) et permettent donc à ceux qui veulent exprimer un vote blanc de se compter en tant que tels sans être confondus avec ceux qui se sont trompés.

Pour s’informer :


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vendredi 6 avril 2007

Les Guignols influenceront-ils l'élection?

Après l’élection présidentielle de 1995, on a parfois dit que les Guignols de l’info avaient contribué à la victoire de Jacques Chirac en le rendant sympathique. Aujourd’hui, on s’interroge de la même façon : les Guignols vont-ils influencer l’élection présidentielle en rendant Sarkozy antipathique ?

La caricature politique est une forme particulière de commentaire. Elle tire sa force de son accessibilité (un dessin est plus facilement compris qu’un discours), de l’économie de moyens (une marionnette remplace de longues explications), de la simplification de la réalité (la caricature grossit certains aspects des choses et en oblitère délibérément d’autres). En ayant recours à l’humour, la caricature a une double fonction : elle procure du plaisir et met le public en bonne disposition ; elle autorise des propos qui ne seraient pas acceptables autrement.


Qui regarde les Guignols ?

En cette période de campagne électorale, les Guignols sont regardés chaque jour par 2,5 à 3 millions de téléspectateurs (1). On sait que leur public est assez typé : jeune (plus de la moitié des téléspectateurs ont moins de 35 ans), masculin (plus de 2/3 d’hommes), plus diplômé que le reste de la population (40% ont au moins un niveau Bac + 2), sensiblement plus intéressé par la politique que la moyenne des électeurs.
C’est aussi un public plutôt anti-Sarko : 58,5% de ceux qui regardent Canal Plus entre 19h et 20h30 répondent qu'ils sont tout à fait d’accord avec la proposition "Nicolas Sarkozy est inquiétant" (contre 17,5% de ceux qui regardent le 20h de TF1 et 34% de ceux qui regardent le 20h de France 2 (2).
Mais, l’audience des Guignols va sans doute bien au delà des télépectateurs qui sont devant leur écran, car on se raconte souvent entre amis ou collègues les caricatures ou les séquences les plus marquantes de l’émission.

Les Guignols influencent les gens : oui, mais les autres !
En 1995, lors d’une enquête, on avait demandé aux électeurs français s’ils pensaient que les Guignols avaient une influence sur le vote des gens. Réponse : oui à 56% (22% vraiment et 34% un peu). Mais lorsqu’on avait demandé à ces mêmes personnes si les Guignols avaient une influence sur leur propre vote, on n’avait plus que 12% de oui (3).
Ce résultat est consistant avec de nombreuses enquêtes : beaucoup de gens pensent que les médias ont un fort impact sur les autres, mais pas sur eux-mêmes personnellement.

Ce qui ne signifie pas que les Guignols n’ont aucune influence.
Ils sont une des multiples sources d’information qui contribuent à façonner l’image des candidats. Mais pas la seule : le vote est un processus complexe qui résulte à la fois du milieu social auquel on appartient – et parfois de traditions familiales –, des positions des candidats sur certaines questions qui nous tiennent à cœur ou encore de notre appréciation de leur personnalité en fonction de leurs comportement ou déclarations à des moments clefs de la vie politique.

En général, les informations que nous recevons au cours de la campagne n’affectent que modérément nos intentions de vote. Elles jouent surtout sur le choix d’un candidat à l’intérieur d’un camp politique ou sur notre intention de participer ou non au scrutin.
Nos orientations politiques préalables jouent en permanence comme un puissant filtre qui nous conduit à écarter les informations défavorables aux candidats que nous aimons bien ou à davantage retenir celles qui confortent nos convictions. Mais il arrive parfois qu’un événement particulièrement fort survient lors de la campagne électorale qui nous amène à modifier substantiellement nos évaluations des candidats.

Sources:
(1)Médiamétrie, semaine du 26 mars au 1er avril 2007. Le 28 mars, l'audience a été ainsi de 5,2% (1 point = 560 000 téléspectateurs).
(2) Baromètre politique du CEVIPOF, 4 eme vague.
(3) Sondage Louis Harris réalisé le 9 février 1995 auprès d'un échantillon représentatif des personnes âgées de 18 ans et plus.



Plus sur les images des candidats et les effets des médias?

L'ouvrage Comment devient-on président(e) de la république? Les stratégies des candidats (Robert Laffont).
Notamment chapitre 6 qui analyse comment se forment les images des candidats et chapitre 7 qui explique ce que nous savons (et pourqoi nous en savons si peu) sur les effets des médias.


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mercredi 4 avril 2007

Big event ou pas?

Aujourd'hui 4 avril 2007, des rumeurs circulent à Paris sur un événement important concernant Nicolas Sarkozy qui pourrait fortement affecter la campagne du candidat de l'UMP. L'information ne m'intéresse pas en elle-même mais d'abord en tant que rumeur puis en tant que possible événement de campagne:
- Comment va-t-elle se propager? La verra-t-on apparaître sur l'internet avant qu'elle soit (éventuellement) diffusée par les médias traditionnels?
- La dynamique d'une campagne peut-elle être bouleversée par certains événements?
- A quelles informations les électeurs sont-ils les plus sensibles?
Ouvrons l'oeil...

vendredi 30 mars 2007

Les médias et l'élection présidentielle

Le rôle des médias dans l'élection présidentielle 2007: quels effets sur les évaluations politiques des électeurs?

C'est le thème qui sera débattu le 2 avril de 17h à 19h dans le cadre des Lundis du CEVIPOF avec:
- Etienne Moujeotte, vice-président de TF1,
- Denis Muzet, directeur de l'Institut Médiascopie et de l'Observatoire du Débat public,
- Thierry Vedel,
chercheur au CEVIPOF.
Débat animé par Pascal Perrineau, directeur du CEVIPOF.

Cela se passe au CEVIPOF, 98 rue de l'Université, 75007 Paris. (Métro: Solférino). Ouvert au public mais il faut s'inscrire auprès de Marcelle Bourbier.

Illustration: couverture de l'Atlas électoral, qui vote quoi, où, comment..., ouvrage collectif des chercheurs du CEVIPOF.

A venir sur ce blog:
- Les Guignols de l'info feront-ils l'élection?
- Les théories sur le pouvoir des médias: pourquoi nous savons si peu de choses sur l'influence des médias.

Sciences-po: de Shanghai au bordeaux

A suivre: Richard Descoings, le directeur de Sciences-po, et l'auteur de Sciences-po, de la Courneuve à Shanghai (Presses de Sciences-po, 2007), ouvrage dans lequel il retrace l'histoire et les transformations de l'école de la rue Saint-Guillaume et propose des réflexions sur le futur de l'éducation, vient d'ouvrir un blog personnel.

On lira avec intérêt les commentaires sur les premiers billets de RD qui d'emblée se sont portés sur la place particulière de Sciences-po dans le système universitaire, mais aussi sur le devenir des jeunes diplômés de Sciences-po.


A quoi mène Sciences-po? A plein de choses ... y compris l'élevage de vins et d'eau de vie.
Ce samedi 31 mars a lieu le 5eme salon des anciens Sciences-po producteurs de vin (ils seront 23). Dégustation ouverte au public de 10h à 18h 30 au 27 rue Saint-Guillaume, 75007 Paris. Mon préféré : Le Chateau Phélan-Ségur, un élégant Saint-Esthèphe aux notes épicées mêlant cannelle, confit de figue et violette des bois, produit par Laurent Gardinier (promo 1989).

mercredi 28 mars 2007

Où sont donc passées les grandes affiches politiques?

Si vous ne l'avez jamais vue, vous en avez au moins entendu parler. "La force tranquille" est sans doute l'une des plus célèbres affiches politiques françaises et a été déployée sur des milliers de panneaux commerciaux lors de la campagne présidentielle de 1981. Mais depuis la campagne de 1995, les grandes affiches politiques ont quasiment disparu. Voici pourquoi.

Les affiches sont, à côté des meetings, l'un des plus anciens outils de propagande politique. Au 19eme siècle, elles étaient souvent monochromes et surtout composées de textes. L’art de l’affiche politique s’est ensuite sophistiqué - au moins sur le plan technique - à partir de la première guerre mondiale. Les affiches ont davantage fait appel à des dessins et illustrations, se sont appuyées sur des typographies et des couleurs choisies pour frapper l’œil, et ont été organisées autour de slogans (1). Les affiches utilisées lors des campagnes présidentielles sont d’une grande sobriété. Elles font essentiellement apparaître la nom du candidat, sa photo et son slogan et ce contenu est décliné sous trois formes.


Trois types d'affiches lors des campagnes présidentielles

Il y a d’abord les grandes affiches destinées aux panneaux commerciaux (généralement 3X4 mètres). Constituant de la publicité politique, cet affichage commercial n’est autorisé que durant une partie de la campagne. Le code électoral (article 52-1) interdit en effet la publicité politique sur toute forme de support durant les trois mois précédents précédant le 1er du mois du scrutin (concrètement depuis le 1er janvier 2007 pour l'élection en cours). Ne pouvant plus y recourir dans les derniers semaines de la campagne, quand ils pensent que ce serait le plus efficace, beaucoup de candidats préfèrent s’abstenir (d'autant plus que la règlementation sur le financement des campagnes, en instaurant puis abaissant des plafonds de dépenses, a obligé les candidats à diminuer leurs dépenses à partir de 1988). Seule Arlette Laguiller s'est offert en décembre 2006 une campagne d'affichage commercial, comme elle l'avait d'ailleurs fait en en 1995 et 2002, sur 15 000 emplacements pour un montant estimé d'1 million d'euros (soit presque le tiers de son budget total de campagne).














Durant la campagne électorale officielle (quinze jours avant le scrutin), les candidats ont également la possibilité d’apposer deux affiches sur les panneaux officiels situés devant chaque bureau de vote. L’une, au format 841 X 594 millimètres, est destinée à faire connaître leur programme ; l’autre, au format 297 X 420 millimètres, à annoncer leurs réunions publiques. L'impression et les frais d'apposition de ces affiches dites officielles sont remboursés par l’Etat, à condition qu'elles soient de qualité écologique (2).


Tenir les murs

Il y a enfin l’affichage dit sauvage, hors les panneaux commerciaux ou officiels. Celui-ci est en principe interdit durant les trois derniers mois de la campagne, mais il persiste néanmoins. L’impact de cet affichage sauvage, effectué en général par des militants bénévoles soutenant les candidats, est très incertain. Les affiches apposées de cette façon ont une durée de vie très courte, car elles sont fréquemment recouvertes ou arrachées par les adversaires. Celles qui subsistent sont parfois détournées par des inscriptions ou des papillons ajoutés qui modifient le sens du slogan. Ainsi, en 1981, l’affiche de VGE « Il faut un Président à la France » a inspiré nombre de plaisantins ou d’opposants, le détournement le plus simple consistant à ajouter une bulle faisant dire « Mitterrand » au Président sortant. Enfin, l’influence des affiches sur les électeurs n’a jamais été démontrée.
Comment alors expliquer la persistance de l’affiche sauvage ? Celui-ci constitue sans doute un rite politique qui remplit des fonctions symboliques et socio-psychologiques. « Tenir les murs d’un quartier », suivant la formule utilisée par les afficheurs politiques, c’est marquer son territoire et ses zones d'influence et indiquer à ses adversaires sa puissance militante. L’affichage sauvage constitue également une sorte d’épreuve d’initiation à laquelle on confronte les nouveaux adhérents d’un parti pour tester leur engagement et leur détermination. Il contribue enfin à renforcer la cohésion et la solidarité des équipes militantes sur le terrain.

_______________________________
(1) Quatre codes définissent au total une affiche : le code chromatique (couleurs) ; le code typographique (caractères du texte) ; le code photographique (adrage de la photo) ; le code morphologique (mise en page globale). Voir : Gourevitch J.-P., L'image en politique. De Luther à Internet et de l'affiche au clip. Paris: Hachette, 1998.
(2) Arrêté du 2 mars 2007. L'impression des grandes affiches officielles est remboursée pour un montant maximal de 0,18 euro par unité et leurs frais d'apposition pour 2,20 euros par unité.

A signaler:
- "Je m' voyais déjà". L’image du candidat à l’élection présidentielle, 1848–2007. Une exposition qui présente des affiches politiques et montre notamment les figures des candidats qu'elles offrent: "le tribun, le père, le chef, le professeur, l’ami(e) et la star". Au Passage de Retz, du 22 mars au 13 mai 2007.
(Le commissaire de cette exposition est Laurent Gervereau à qui l'on doit de nombreux ouvrages sur les affiches politiques, notamment le très beau Terroriser, manipuler, convaincre! Paris: Somogy, 1996).

- Une très intéressante (et engagée) analyse rétrospective d'affiches politiques sur le blog ulfablabla ( à qui j'emprunte l'affiche de Bové détournant malicieusement celle de Le Pen - et qui, semble-t-il, n'est pas une affiche officielle de Bové).


Ce texte est un extrait de Comment devient-on président(e) de la république? Les stratégies des candidats (Robert Laffont).
Vous trouverez d'autres éléments sur les moyens de communication utilisés par les candidats pour diffuser leur message dans le chapitre 5 de cet ouvrage.

lundi 26 mars 2007

Comment trouver le programme de Nicolas Sarkozy?

NB: Ce billet a été publié le 26 mars. Depuis le 30 mars, le programme de Nicolas Sarkozy, organisé en 15 grandes propositions (de "Mettre fin à l'impuissance publique" à "Fiers d'être Français") est apparu sur son site web. Il est téléchargeable en format PDF ICI.

Sur internet, on trouve tout ... ou presque.

Que se passe-t-il, par exemple, lorsqu'on cherche le programme des quatre candidats actuellement en tête dans les sondages sur leurs sites respectifs?

Sur le site de Ségolène Royal, on trouve aisément les 100 propositions du pacte présidentiel de la candidate, regroupées en 9 ensembles thématiques (de la confiance retrouvée à une république nouvelle). Les propositions sont disponibles en ligne ou en téléchargement en format PDF et toutes présentées selon le même schéma: remontée des débats, enjeux (en une ou deux phrases) et les propositions proprement dites, numérotées de 1 à 100.

Sur le site de François Bayrou, en cliquant sur la bandeau de la première page, on accède à plus d'une centaine de mots-clefs, qui permettent d'accéder aux propositions correspondantes du candidat. Dans la plupart des cas, il s'agit d'extraits de discours (et on peut parfois visionner la vidéo correspondante). Apparemment cette liste de mots-clefs évolue encore (les dernières propositions ajoutées étant soulignées). A noter: la possibilité de commenter chaque proposition (la plus commentée étant le mot-clef Ecole avec 469 commentaires au 26 mars 18h, suivi par le mot-clef Homoparentalité avec 376 commentaires, Le Liban n'obtenant lui que 5 commentaires).

Sur le site de Jean-Marie Le Pen, la page d'accueil propose d'emblée une liste de 13 discours programmatiques. Le bandeau supérieur fournit en outre un lien vers Le programme qui se présente sous la forme de 25 imagettes thématiques (dont l'ordre est très intéressant puisque cela commence par Immigration, Sécurité et justice, Sécurité sociale, Santé, Famille et enfance). Chaque imagette ouvre sur un long texte toujours organisé en deux parties: le constat; les mesures. On notera que le coût de celles-ci est systématiquement mentionné.


Nicolas Sarkozy n'aurait-il pas de programme?

Sur le site de Nicolas Sarkozy, la recherche du programme du candidat est, de prime abord, plus décevante. Le bandeau supérieur du site comporte bien une rubrique "Ce que je vous propose". Celle-ci ouvre sur un série de 9 engagements formulés sous la forme "Je veux être le Président... (du pouvoir d'achat, de la valeur travail, etc.). On peut alors télécharger une double page PDF qui, après une phrase rappelant l'orientation du candidat, propose pour l'essentiel de nombreux, mais bien courts, extraits de discours du candidat (certains remontant à 2004).
Il s'agit plus de grands principes que de propositions ou de mesures telles que celles présentées par les trois autres candidats. Nicolas Sarkozy n'aurait-il pas de programme?

En fait, les choses sont un peu plus compliquées. Il y a bien un programme, mais on trouve celui-ci non pas sur le site de Nicolas Sarkozy mais sur le site de l'UMP. Et pour y arriver, il faut un peu fureter: d'abord cliquer dans la colonne de droite sur le lien "Législatives 2007. Le projet, les candidats"; puis, dans la page qui s'ouvre, cliquer sur le lien "Le projet" dans le bandeau supérieur. On peut alors télécharger un document PDF (ou en format e-book) présentant en 70 pages "Le contrat de législature de l'UMP pour 2007-2012". Un chiffrage du projet en deux pages est également proposé.

Ce surf peut apparaître déroutant à ceux qui, ayant aisément accédé aux programmes des autres candidats, voudraient faire de même pour Nicolas Sarkozy. Mais, au fond, ne reflète-t-il pas la conception gaulliste de la fonction présidentielle: le Président est celui qui indique les grandes orientations, à charge pour les partis de mettre en oeuvre les mesures nécessaires? On attendait Nicolas Sarkozy comme un Président capitaine. Peut-être sera-t-il finalement un Président arbitre...

Addendum du 28 mars: Plusieurs lecteurs font remarquer, à juste titre, qu'il existe un Abécédaire des propositions de Nicolas Sarkozy, qu'on peut consulter soit de A à Z, soit au hasard. La présentation des propositions se rapproche ici de celle de François Bayrou et ouvre sur des extraits de discours ou d'interviews. Mais la bizarrerie subsiste: pourquoi mettre les propositions de Nicolas Sarkozy seulement sur le site de l'UMP et non sur le site du candidat?


PS: Quant à ceux qui ne veulent pas se fatiguer à naviguer entre plusieurs sites, ils trouveront sur l'internet plusieurs comparateurs de programmes, comme celui proposé par Votons.info, à la fois simple, pratique et très bien documenté.
Ou encore
celui du journal Le Monde, plus sophistiqué dans la forme, mais qui ne permet de comparer que deux candidats (et non plusieurs comme Votons.info).
Et ceux qui sont très pressés, et d'humeur blagueuse, peuvent aller sur comparer.com qui compare les candidats sur un mode express et binaire (pour ou contre) en fonction de leurs positions sur quelques questions plus ou moins essentielles (de l'autorisation de fumer dans les lieux publics à la discrimination positive ou la peine de mort en passant par la légalisation des drogues douces).

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Les stratégies de campagne décryptées (publicité)


Le mercredi 28 mars de 8h30 à 10h: Débat autour du livre Comment devient-on président(e) de la République, en présence de l'auteur et avec:

- Jacques Gerstlé (Université de Paris 1),
- Patrick Jarreau (Le Monde)
- Philippe Lapousterle (conseiller communication de François Bayrou).

Cela se passe au CEVIPOF, 98 rue de l'Université, 75007 Paris.
Métro : Solférino
(Invitation ICI)

Au plaisir de vous rencontrer à cette occasion.

dimanche 25 mars 2007

A quoi servent les meetings?


Les réunions publiques, de la rencontre entre un candidat et quelques dizaines d’électeurs dans les préaux d’école aux grands meetings rassemblant plusieurs dizaines de milliers de personnes en passant par les banquets républicains ou les prises de parole devant un groupe de travailleurs, font partie du répertoire de la communication politique depuis plus d’un siècle et demi.

Toute campagne présidentielle comprend de nombreuses réunions publiques et tous les candidats consacrent des budgets parfois substantiels à cette forme de communication. Lors de la campagne présidentielle de 2002, les réunions publiques ont représenté en moyenne 28% des dépenses des candidats, et parfois bien davantage (40 % ou plus pour Arlette Laguiller, ce qui surprend peu, mais aussi Jacques Chirac et Christine Taubira) (1). Certains candidats, notamment les petits, participent à plusieurs dizaines de meetings dans les deux derniers mois de la campagne.


L’évolution des meetings lors des présidentielles

Depuis une quarantaine d’années, on peut noter deux tendances dans la forme des réunions publiques organisées lors des présidentielles.
Jusqu’à la fin des années 1980, les grands candidats ont privilégié les très grands meetings rassemblant jusqu’à 40 ou 50 000 personnes (notamment dans des stades). En 1974 et 1981, une véritable compétition, suivie de semaine en semaine par les médias, s’était même instaurée entre Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand, le nombre de participants étant vu comme un indicateur de la popularité de chaque candidat.
Depuis 1988, les candidats tendent à organiser des réunions de taille plus réduite. Plutôt que le nombre de personnes assistant à la réunion, ils s’efforcent de mettre en valeur le thème de leur intervention, chaque réunion permettant de décliner, en fonction de la ville ou de la région où elle a lieu ou bien en fonction de la composition de l’auditoire, un aspect particulier du programme du candidat (2). La législation sur le financement des campagnes est également un facteur qui a conduit certains candidats à réduire le nombre de leurs meetings. Les candidats ont enfin le souci de recourir à des modes de communication plus modestes, qui symbolisent leur proximité avec les électeurs. En 1995, Jacques Chirac avait ainsi commencé sa campagne par de petites réunions lui permettant de dialoguer avec la société civile. De la même façon, les toutes premières réunions publiques de Ségolène Royal ont été conçues pour souligner combien elle était au cœur des préoccupations des gens : la candidate socialiste est ainsi intervenue non pas depuis une tribune, mais debout au milieu d’auditeurs assis en cercle autour d’elle.

Deuxième grande évolution : les réunions électorales présidentielles sont aujourd’hui davantage organisées pour donner lieu à des images pour les journaux télévisés qu’à l’intention des personnes qui sont présentes sur place. L’entrée des candidats est calée sur les horaires des journaux télévisés. Les décors, les éclairages et les tribunes sont conçus pour bien passer à l’écran. De jeunes militants sont placés aux premiers rangs pour souligner le soutien dont bénéficie le candidat. On donne aux participants des pancartes, des banderoles, des drapeaux qui amplifient la masse de la foule et témoignent de son enthousiasme. Dans certains cas, les images mêmes du meeting sont produites par l'équipe du candidat et fournies aux chaînes de télévision qui n'ont pas l'autorisation de capter leurs propres images.


Une spectacularisation de la politique ?

Cette construction des réunions publiques comme objet télévisuel ne témoigne pas forcément d’une plus grande spectacularisation de la vie politique… car les réunions politiques en public ont toujours comporté une dimension spectaculaire.
Lors des campagnes législatives de la fin du 19eme siècle, les réunions étaient contradictoires et, à la manière d’un match politique, opposaient plusieurs candidats lors de joutes oratoires (3) . Les banquets républicains du début du 20eme siècle, chers aux Radicaux, étaient de grands moments de réjouissance où l’on chantait et se racontait des blagues. Les meetings du Front populaire étaient des spectacles au sens propre du terme. Des chanteurs, chorales ou musiciens y participaient ; on demandait à des artistes plasticiens de concevoir les décors et on scénarisait leur déroulement. Ce qui a changé avec le développement de la télévision, c’est que le spectacle qu’ont toujours été les réunions politiques est désormais conçu pour un public qui n’est pas là, et non plus pour le public présent physiquement qui, lui, est devenu une des composantes du spectacle, acteur et non plus spectateur.

Les meetings sont-ils utiles ?


On peut se demander pourquoi les candidats, alors qu’ils peuvent toucher gratuitement des millions de personnes via les médias, persistent à utiliser cette forme de communication – coûteuse, lourde à organiser, et n’intéressant qu’une infime partie des électeurs (les enquêtes montrent que moins de 10% des électeurs assistent à un meeting durant la campagne). On peut trouver de multiples raisons à cela.
Les réunions publiques sont des sortes de grandes fêtes qui renforcent la cohésion des équipes de campagne et stimulent l’engagement des militants ou des sympathisants (qui constituent l’essentiel du public). Autre raison : les réunions publiques fournissent de belles images, celles d’un démocratie vivante. Elles symbolisent la communion du candidat avec le peuple. Loin de la communication froide des studios de radio ou de télévision, les réunions donnent de la chair et de la vie à la communication des candidats, la rendent plus attrayante et en démultiplient les effets. Dès lors, les sommes parfois importantes qui sont consacrées aux réunions publiques peuvent s’assimiler à un investissement publicitaire. Leur coût ( qui peut atteindre les 500 000 euros pour un meeting rassemblant plusieurs dizaines de milliers de personnes) doit être rapporté non au nombre de personnes présentes sur place mais aux retombées médiatiques qu’elles génèrent. Enfin, les candidats tiennent des réunions publiques tout simplement parce qu’ils aiment cela. Parler devant une vaste audience est une expérience exaltante, de l’avis de tous ceux qui l’ont vécue. Les candidats sont souvent transcendés, et leur discours gagne en force. François Mitterrand prenait une autre dimension lorsqu’il parlait devant une large assemblée. Et même les candidats qui ne sont pas forcément de très grands orateurs en public ne résistent pas à ces moments délicieux qui leur donnent le sentiment d’être portés par la foule et d’être entendus.



Ce texte est un extrait de Comment devient-on président(e) de la république? Les stratégies des candidats (Robert Laffont).
Vous trouverez d'autres éléments sur les moyens de communication utilisés par les candidats pour diffuser leur message dans le chapitre 5 de cet ouvrage.

Légendes et crédits photo:
- Meeting de F. Bayrou à Annecy le 8 mars 2007 (depuis le site du candidat)
- Banquet républicain sous la révolution (depuis le site du Sénat).
- Meeting de MG. Buffet au Zenith à Paris le 23 janvier 2007 (photo Julien
Foucher).
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(1) Source : Comptes de campagne publiés par le Conseil constitutionnel.
(2) Cette planification thématique des réunions publiques a été cependant pratiquée dès 1965, tout particulièrement par Jean Lecanuet.
(3) Voir M. Offerlé, Un homme, une voix? Histoire du suffrage universel. Paris: Gallimard, 2002. Michel Offerlé décrit la réunion électorale comme une forme de loisir de quartier où l’on vient parfois en famille (p. 89-91).

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