mardi 7 février 2006

The new icon controversy

There is currently a lot on the internet about the Mohamed cartoons. Among many others, here are two useful links from the BBC :
How world press eyes controversy;
How some government leaders reacted to the cartoons.

No need to add much, excepted maybe that:

Back in 787, bishops from all over Europe met in Nicea to discuss an important issue: should the veneration of religious icons be approved or should it be forbidden?
The iconoclasts held that, because he was divine, Jesus Christ could not and should be portrayed in any material form. They considered that veneration of Christ images amounted to idolatry and superstition.
The so-called iconodules took the opposite view. They thought that images were a means of teaching and knowledge, and helped people to express their faith in God. To them, icons were a a point of spiritual contact between human beings and the divine.

While the Council of Nicea decided to restore the veneration of icons, iconoclasm has persisted for many centuries. The causes for the iconoclasm are still debated by scholars. Some link it to the rise of Islam, others to the desire of Byzantine Emperors to impose their power over religious authorities.
The icon controversy raised many of the problems that we still have with images compared to words: can they provide accurate description of the social reality; how can we use them to facilitate and enlarge access to abstract notions; what is their specific impact on people, and are images more dangerous than other ways of telling about things?


A central issue in the Mohamed cartoons controversy is how to combine freedom of speech, a basic right in any democratic society, and some other rights such as the right to the protection of religious beliefs and opinions.
How can freedom of speech be realised if it is harmful to large parts of the population?
This conflict of values can be typically solved in three ways:

  • legal regulation: legitimate political authorities pass laws either to limit the freedom of speech (especially on those matters that are at the core of the social contract) or to establish a hierarchy of values/rights.
  • self-regulation through social responsibility or conflict resolution mechanisms: every time someone wants to express ideas, he/she has to examine their potential impact on the audience and to adjust the message accordingly. When conflicts arise, a solution is worked out through dialogue.
  • technological solutions: freedom of speech can be extensive whenever it is not intrusive (imposed on others), and the audience may protect from harmful content by using technological devices (although there is no right to be protected from offense – see this interesting post on Jason Lefkowitz's Weblog). Here, the internet can certainly provide additional tools by allowing people either to actively search for fresh and alternative information or to filter unsolicited messages.
A final remark: beyond the debate on freedom of speech versus respect of religious opinions, there is something important occuring with the Mohamed cartoons, nothing less than the emergence of a global public sphere...

Image credit:
Button from Top Dun's Peace Signs (supposedly Peace button, but the icon is not that clear to me, is it to you?)

lundi 6 février 2006

Des sondages pour Sarko? Critigite aigüe du Canard


Dans son édition du 1er février 2006, Le Canard enchaîné, toujours (et heureusement) aussi déchaîné, épingle le CEVIPOF (le centre de recherches politiques de Sciences-po) et critique, dans un encadré en page 2 intitulé "Sondagite aigüe", les enquêtes électorales qui vont être réalisées en 2006 et 2007 par ce centre.
"A la demande de Sarkozy", écrit le Canard, "quatre enquêtes géantes seront réalisées d'ici 2007 (...). 5600 personnes devraient être intérrogées, alors que les panels classiques ne dépassent guère le millier". Plus loin, le Canard note que, si des études similaires aient été réalisées en 2002 sous Daniel Vaillant, "à l'époque, un seul sondage avait été effectué avant le premier tour".

Je n'ai pas trop l'habitude de parler de ma maison sur ce blog. Mais en voici l'occasion.

Il est tout à fait exact que le CEVIPOF va réaliser un ensemble d'enquêtes électorales d'ici l'élection présidentielle de 2007: d'abord un baromètre politique en 4 vagues, entre mars 2006 et janvier 2007, sur des échantillons nationaux et régionalisés de 5600 personnes pour chaque vague; ensuite, un panel électoral en deux vagues.

Pourquoi autant de vagues d'enquêtes?

Parce qu'il s'agit de mieux comprendre comment la conjoncture (les enjeux et la dynamique de campagne notamment) influe sur l'évolution des préférences électorales. Depuis une vingtaine d'années, on contaste en effet que les comportements électoraux sont moins conditionnés que par le passé par les clivages sociaux ou religieux. Et cette question fait l'objet d'un important débat scientifique que ces enquêtes contribueront à éclairer.

Pourquoi interroger 5600 personnes, au lieu de 1000 comme on le fait souvent?
Accroître la taille de l'échantillon permet d'abord de réduire la marge d'erreur, et donc la validité des enseignements qu'on peut tirer d'un sondage: lorsque on interroge 1000 individus, la marge d'erreur est à peu près de + ou - 3%, avec un intervalle de confiance de 95% (ou autrement dit, si le résultat donné par le sondage est de 47%, il y a 95 chances sur 100 que le "vrai" résultat soit situé entre 44 et 50%); lorqu'on interroge 5600 personnes, la marge d'erreur ne sera plus que de + ou - 1,3%.
(Si vous voulez vous amuser à calculer les marges d'erreur en fonction de la taille de l'échantillon, vous pouvez consulter ce calculateur ICI ).
Mais, il y a un avantage bien plus important. Un "gros" échantillon permet de multiplier les tris croisés et de travailler sur des sous-groupes. Avec un échantillon de 1000 individus, il est souvent difficile d'étudier en profondeur les électeurs des petits partis ou petit candidats, car il forment des groupes dont les effectifs sont trop réduits pour être significatifs. Avec un échantillon de 1000 personnes, j'aurai, par exemple, beaucoup de mal à analyser quel journal télévisé regardent les électeurs de l'extrême-gauche, car je n'aurai qu'un groupe d'une cinquantaine de personnes. Avec un échantillon de 5600 personnes, non seulement je pourrai plus rigoureusement me livrer à cet exercice, mais je pourrai également contrôler mes résultats avec d'autres variables (comme par exemple le niveau d'études).

Ces sondages sont-ils réalisés pour Sarko?
Les sondages dont il est question relèvent d'un vieux projet: celui de mener systématiquement à chaque élection française des enquêtes électorales sur le modèle des National Electoral Studies (NES) qui se pratiquent régulièrement dans de nombreux pays anglo-saxons, aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne par exemple. Ces enquêtes sont financées par les pouvoirs publics, mais réalisées en toute indépendance par des centres de recherche universitaires. Les résultats sont communiqués à l'ensemble du public, et de plus, les données sont ensuite mises à la disposition d'autres chercheurs (qui peuvent ainsi vérifier ou approfondir les analyses menées par leurs collègues ou effectuer d'autres traitements).

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jeudi 2 février 2006

Penser les émotions

Dans une tribune libre publiée par Le Monde du 28 janvier, Dominique Wiel, l’un des acquittés de l’affaire Outreau a expliqué pourquoi il n’assisterait pas à l’audition du juge Burgaud par la commission d’enquête parlementaire prévue pour le 8 février.
Il pense que la décision du Président et du rapporteur de la Commission d’accepter, sans débat préalable, la présence des acquittés lors de cette audition est davantage guidée par « l’émotion soulevée par les propos des acquittés que par la réflexion ». Et il ajoute : « Or, ce que j'ai regretté à Saint-Omer, c'est justement l'ambiance désastreuse des débats dans l'enceinte de la cour d'assises. J'ai assisté à un véritable "dégueulis" — et je pèse mon mot — d'émotions, dont j'ai souffert pendant neuf semaines. Je désirais que l'on se situe au niveau des faits, ce fut rarement le cas. »

Considérer que les émotions parasitent la raison et empêchent l’analyse sereine des faits est très commun. Mais faut-il vraiment repousser nos émotions ? Nous empêchent-elles réellement de penser ?

Il y a des moments dans la vie sociale où la manifestation d’émotions est le seul comportement acceptable, et est même attendue. Ainsi, lorsqu’une catastrophe se produit, on attend de nos dirigeants politiques qu’il se rendent sur les lieux pour exprimer leur tristesse aux victimes ou à leurs parents. Et ceux qui ne le font pas – comme Dominique Voynet, alors Ministre de l’Environnement, lors de la marée noire de l’Erika fin 1999 – sont vivement critiqués.

Mais nos émotions ne sont pas seulement nécessaires au lien social, et constitutives de cette intelligence affective sans laquelle nous ne pouvons pas vivre ensemble. Les émotions nous aident également évaluer des situations et à prendre des décisions ; elles facilitent la cognition et à la mémorisation.

Privés de leurs émotions, les êtres humains ne parviennent plus à prendre des décisions. C’est ce que nous apprend le neuropsychologue portugais Antonio Damasio, prof à l’université d’Iowa, dont on vient de rééditer en français l’ouvrage L’erreur de Descartes. Damasio nous raconte l’histoire de Phineas Gage, un ouvrier qui, souffrant de liaisons cérébrales du cortex frontal, n’était plus capable de prendre de prendre des décisions simples nécessaires à son métier de conducteur de travaux.

De nombreuses expériences de neuropsychologie ont depuis confirmé que les émotions nous aident à évaluer le caractère désirable d’une action. Ce sont des marqueurs (somatiques dit Damasio) qui permettent au cerveau d'opérer très rapidement des choix, en écartant d'emblée certains scénarios d'action, et en présélectionnant d'autres tout aussi rapidement. Ces mécanismes dépasseraient les processus d'évaluation rationnelle en rapidité, en économie de moyens, en efficacité. Ils auraient de plus la vertu de décharger notre cerveau d’une partie du travail à effectuer (en l’occurrence l’évaluation de la situation) et lui permettaient de se concentrer sur la solution des problèmes, pour laquelle le raisonnement est plus efficace. Le rôle de peur est bien connu : elle nous conduit instinctivement à nous éloigner de la source du danger, avant même que nous ayons pu l’analyser avec précision et, ceci fait, nous pouvons alors chercher rationnellement des moyens de nous en protéger.

De la même façon, les émotions peuvent faciliter la cognition. Elles mobilisent nos capacités cognitives, excitent en quelque sorte notre cerveau pour l’amener à être plus attentif. Exemple courant : il arrive bien souvent que certaines personnes suscitent en nous de la sympathie à première vue, sans que nous sachions quoi que ce soit sur elles et avant même que nous ayons pu examiner précisément leur personnalité. Et nous avons alors envie de les connaître plus complètement. On a également remarqué que la joie ou la gaieté rendent plus aisés les processus d’apprentissage, d’où le recours fréquent au jeu en pédagogie. Toutefois, il semblerait que ce soit surtout les émotions positives qui facilitent la cognition, les émotions négatives conduisant souvent au repli, à une perception incomplète de notre environnement ou à des évaluations stéréotypées des autres (mais pas toujours : la révolte, l’angoisse peuvent être des forces qui nous conduisent à penser davantage).

Enfin, les émotions nous aident à nous souvenir. Il nous sera plus facile de nous rappeler un événement s’il est associé à des émotions négatives (dégoût) ou positives (plaisir). Par exemple, si je vous demande si vous pouvez me parler d’un film, il est assez probable que vous commencerez par vous demander si vous l’avez aimé ou pas. Et si vous l’avez aimé ou détesté, cela fera revenir en vous très vite d’autres éléments liés à ce film dont vous pourrez alors me parler longuement. Mais si ce film ne suscite en vous aucun sentiment, il est probable que vous aurez plus de mal à m’en parler. Là encore, les émotions agissent comme des marqueurs, ou si on veut comme des étiquettes affectives, qui nous permettent de ranger des informations dans notre mémoire, puis de retrouver rapidement dans la profusion de toutes les informations stockées dans notre mémoire certains éléments qu’on pourra ensuite examiner plus complètement.

Pour aller plus loin :

- Damasio Antoni. L’erreur de Descartes. La raison des émotions. Paris : Odile Jacob, 2006 (2eme ed.).

- Voir aussi cet ouvrage collectif Procès Dutroux. Penser l’émotion, écrit à la suite de l’affaire Dutroux, en partie similaire à l’affaire Outreau.
Toutefois, en dépit de son titre, cet ouvrage n’aborde que partiellement la place et le rôle des émotions. On lira néanmoins avec intérêt la contribution de Benoît Grevisse (Les médias ont-ils droit à l’émotion?) et celle de Thomas Périlleux et Jacques Marquet (Entre la commémoration et la critique sociale. Les prismes d’une mosaïque blanche) qui montre comment les émotions ont enclenché des dynamiques de mobilisation.

Addendum du 5 février : François Briatte, étudiant en master 2 à l’IEP de Grenoble, commente ce billet dans son blog PHNK que je viens de découvrir avec beaucoup d’intérêt, et fait très pertinemment remarquer que j’ai oublié LA référence française sur les émotions en politique (merci François !) :
Braud Philippe(1996). L'émotion en politique. Paris: Presses de Sciences-Po.
On trouvera dans cet ouvrage les raisons pour lesquelles la dimension psychologique a été négligée dans l’analyse politique. Le chapitre sur les symboles en politique est également remarquable.
Parmi d’autres travaux en français de psychologie politique, on peut citer ceux d’un auteur moins « mainstream », Alexandre Dorna, et notamment le dernier ouvrage qu’il a dirigé :
Dorna A. et Georget P. (dir.)(2004). La démocratie peut-elle survivre au XXIeme siècle? Psychologie politique de la démocratie. Paris: Editions In Press.

La littérature en anglais sur la psychologie politique est très abondante. Si je devais choisir un ouvrage, je citerais celui de Rose Mc Dermott, qui présente très clairement les principaux concepts utilisés par la psychologie politique et fourmille d’exemples édifiants.
McDermott R. (2004). Political Psychology in International Relations. Ann Arbor: The University of Michigan Press.

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