Un peu de ségaullisme éloigne de la France, beaucoup en rapproche, pourrait-on dire à la manière de Jean jaurès.
Ce qui frappe dans le premier discours de Ségolène Royal en tant que candidate officielle du Parti socialiste le 17 novembre 2006, c’est sa tonalité gaullienne, assaisonnée d’un peu de socialisme, d’une dose de mitterrandisme, et d’un zeste de "kennedysme" (dans la finale qui reprend, quasiment mot pour mot, le célèbre «Ask not what your country can do for you, ask what you can do for your country» de JFK lors de son discours inaugural de 1961).
C’est peut-être cela ce cocktail qu’on appelle le ségaullisme.
Extraits :
« L'élection présidentielle va à l'essentiel : la possibilité pour chacun de choisir son destin et de le maîtriser dans les turbulences du monde d'aujourd'hui.
Oui, la France peut reprendre la main. Oui elle peut croire suffisamment en elle, renouer avec le meilleur de son histoire, se projeter à nouveau dans l'avenir pour construire un destin commun». (…)
« Regardez l'histoire de France : c'est toujours quand le peuple s'y met que la France avance et bâtit un nouvel avenir. Et aujourd'hui, je sens que le peuple s'y est mis et que ce mouvement va continuer.
Je crois que la France peut puiser dans la meilleure part de son passé des valeurs pour ses combats d'aujourd'hui, à commencer par celles-ci : de fortes raisons de croire en elle. Pour tirer le pays vers le haut, il faut bien sûr comprendre les changements du monde alentour, mais il faut d'abord aimer la France, cette idée toujours neuve, et vouloir que les Français s'aiment en elle.
Nous allons gravir la montagne jusqu'à la victoire. Aujourd'hui c'est un beau jour pour partir au combat car nous sommes portés par un mouvement populaire généreux et heureux qui sent que nous sommes soutenus par une cause qui est plus grande que nous.
Je lance aujourd'hui un appel à tous les Français, hommes et femmes de notre pays.
Rassemblez-vous, mobilisez-vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour notre pays, imaginons ensemble une France qui aura le courage d'affronter les mutations sans renoncer à son idéal de liberté, d'égalité et de fraternité».
France: 23 – Socialisme: 5
Au total, Ségolène Royal aura prononcé 23 fois le mot France dans son discours et seulement 5 fois le mot socialisme ou socialiste.
Comment ne pas rapprocher ce discours de ceux de Charles de Gaulle?
Par exemple du discours de Bayeux le 16 juin 1946:
« Prenons-nous tels que nous sommes. Prenons le siècle comme il est. Nous avons à mener à bien, malgré d'immenses difficultés, une rénovation profonde qui conduise chaque homme et chaque femme de chez nous à plus d'aisance, de sécurité, de joie, et qui nous fasse plus nombreux, plus puissants, plus fraternels. Nous avons à conserver la liberté sauvée avec tant et tant de peine. Nous avons à assurer le destin de la France au milieu de tous les obstacles qui se dressent sur sa route et sur celle de la paix».
Ou encore de ces mots sur la France dans une déclaration prononcée à l'Elysée le 8 janvier 1959 (in Discours et Messages, t. 3, p.72.)
"Destin de la France ! Ces mots évoquent l'héritage du passé, les obligations du présent et l'espoir de l'avenir».
Rhétorique de la répétition
Dans une autre intervention de Ségolène Royal, son discours du 13 novembre pronncé au gymnase Japy à Paris, on retrouve une autre réminiscence gaullienne, cette fois dans la forme plus que sur le fond.
Extrait :
"Je vous le dis ici. Mon combat pour la laïcité, c'est pour vous femmes voilées, femmes mutilées, femmes excisées, femmes violées, femmes infériorisées, femmes écrasées . Inégalités salariales, violences faites aux femmes, mariages forcés, inégalités dans la formation professionnelle, inégalités dans l’emploi. Mon combat pour la laïcité, c’est pour vous".
Immanquablement, cette énumération rappelle le célèbre : Paris outragée ! Paris brisée ! Paris martyrisée ! mais Paris libérée ! de discours du général de Gaulle àl’Hôtel de ville de Paris le 25 août 1944.
Extrait :
"Pourquoi voulez-vous que nous dissimulions l'émotion qui nous étreint tous, hommes et femmes, qui sommes ici, chez nous, dans Paris debout pour se libérer et qui a su le faire de ses mains. Non ! nous ne dissimulerons pas cette émotion profonde et sacrée. Il y a là des minutes qui dépassent chacune de nos pauvres vies.
Paris ! Paris outragée ! Paris brisée ! Paris martyrisée ! mais Paris libérée !"
Parmi les figures rhétoriques utilisés en politique, la répétition (*) est l’un des procédés les courants et les plus efficaces. Il accroît l’attention auditive de l’auditoire, met en relief, souligne l’importance d’un thème, et appelle naturellement l’applaudissement.
(*) et les figures dérivées ou voisines telles que l’ accumulation (énumération qui créé un effet de profusion), l’anaphore (reprise du même mot en début d’exorde), l’allitération (répétition d’une consonne), l’assonance (répétition d’un son voyelle dans des mots qui se succèdent), la paronomase (assemblage de mots offrant une ressemblance de forme ou de sonorité).
A voir aussi :
L’analyse de Thomas Legrand de RTL, intitulée Royal si proche de Mitterrand en date du 14 novembre 2006.
Thomas Legrand écrit : "On n'a pas l'habitude d'entendre Ségolène Royal sur ce registre des grandes envolées lyriques à la manière des meetings d'autrefois. Et c'est vrai qu'en l'entendant, on pense au célèbre discours de François Mitterrand : le discours de Cancun, en octobre 1981."
L'exorde de Mitterrand :
"Salut,
Aux prêtres brutalisés,
Aux syndicalistes emprisonnés,
Aux chômeurs qui vendent leur sang pour survivre,
Aux indiens pourchassés dans leurs forêts,
Aux travailleurs sans droits,
Aux paysans sans terres,
Aux résistants sans armes".
Quelques grands discours du Général de Gaulle sur le site de l’Institut Charles de Gaulle.
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