vendredi 22 septembre 2006

Le président au cinéma

Alors que sort en salle le film Président de Lionel Delplanque (photo ci-contre extraite de la promotion), beaucoup de critiques remarquent que très peu de films de fiction français ont été consacrés à la fonction présidentielle (et plus généralement à notre système politique), alors que ce type de films est très courant aux Etats-Unis.

C’est bien dommage car, ainsi que les travaux de l’historien Marc Ferro l’ont magnifiquement illustré, le cinéma peut être un prodigieux instrument de compréhension directe (par le regard documentaire que les films offrent) ou indirecte (par les représentations et valeurs que les films diffusent) de l’histoire politique de nos sociétés.

Parmi les quelques films français consacrés à la fonction présidentielle, on cite le plus souvent:

- Le Président d’Henri Verneuil (1960 ou 1961 selon les sources) où Jean Gabin campe un président plutôt inspiré de Georges Clemenceau que de Gaulle;
- Le bon plaisir de François Girod (1984), d’après le « roman » de Françoise Giroud, qui raconte l’histoire d’un président (Jean-Louis Trintigant) découvrant l’existence d’un fils naturel, fruit d’une ancienne liaison amoureuse clandestine;
- Le Promeneur du Champ de Mars de Robert Guédiguian, adaptation des Mémoires interrompues de Georges-Marc Benamou, dans lequel l’excellent Michel Bouquet incarne François Mitterrand conversant, à la fin de ses jours, avec un jeune journaliste sur le sens de la vie.

Aux Etats-Unis, plusieurs dizaines de films, relevant de multiples genres (historique, documentaire, biographies romancées, comédies, films d’action) ont fait du président américain ou de la fonction présidentielle leur objet principal. On en trouvera ICI un inventaire assez complet de 1908 à nos jours.

Parmi ces films, on peut notamment citer :
- Birth of a Nation (1915) de D.W. Griffith
- Dr Strangelove (1964) de Stanley Kubrick (la première comédie nucléaire)
- The American Président (1995) de Rob Reiner (les coulisses de la Maison blanche)
- Air Force One (1997) de Wolfang Peterson (le Président combat des terroristes)
- Primary Colors (1998) de Mike Nichols (inspiré de la campagne électorale de Bill Clinton).

Comment expliquer cette différence d’intérêt en France et aux Etats-Unis ? Notre système semi-présidentiel, avec toutes ses originalités institutionnelles, aurait-il un potentiel cinématographique moins grand que le système présidentiel américain ? L’histoire de la Veme République et la personnalité de nos présidents successifs constituent pourtant une matière d’une grande richesse dramatique propre à nourrir l’inspiration de réalisateurs.

Voici quelques hypothèses explicatives :

- L’industrie hollywoodienne connaît bien tout le profit qu’elle peut tirer de la représentation de la fonction présidentielle du fait des relations intimes qu’elle entretient avec les Présidents américains. En effet, les majors d’Hollywood figurent traditionnellement parmi les plus gros contributeurs des candidats à la présidence – et en retour l’administration a toujours défendu les intérêts de l’industrie cinématographique américaine dans le reste du monde.

- En France, le mécanismes de financement des films français, qui reposent en partie sur des aides publiques, dissuaderaient implicitement les réalisateurs de s’intéresser de trop près aux rouages l’Etat. En outre, la représentation du chef de l’Etat serait considérée comme un domaine protégé (dans l’esprit de la loi de 1881 sur la liberté de la presse qui punit l’offense par tout moyen, écrit ou de communication audiovisuelle, au Président de la république).

- La culture française considère les films comme des créations artistiques, portant la vision ou l’univers de leur auteur, et répugne à considérer le cinéma de fiction comme un outil documentaire.

Si vous avez d’autres explications, n’hésitez pas : utilisez la fonction commentaire.

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3 commentaires:

Anonyme a dit…

Il y a une petite coquille, c'est "Le promeneur du Champ de Mars", et non "le président".

Anonyme a dit…

>>> "L’industrie hollywoodienne connaît bien tout le profit qu’elle peut tirer de la représentation de la fonction présidentielle"...

"L'industrie hollywoodienne" n'est pas monolithique et ne marche pas d'un seul pas... Pour un chercheur on attendrait un pue plus de nuance.

L'industrie hollywoodienne est hétéroclite et ne parle pas d'une seule voix...

Th. a dit…

xiii: Merci de m'avoir signalé l'erreur de titre. C'est corrigé.

Lecteur anonyme: Bien d'accord,l'industrie hollywoodienne n'est pas monolithique!
Le terme est néanmoins fréquemment utlisé pour désigner un secteur d'activités - celui du divertissement filmé -, qui s'est concentré à Hollywood pour diverses raisons (notamment, mais pas seulement, économiques comme l'explique Luc Véron dans cet article: http://www.ciaonet.org/wps/vel01/#note26), se caractérisant par des modes de production, de financement et de commercialisation communs, et s'étant même doté de procédures de résolution des conflits (voir: Borcherding T. & Filson D., Conflicts of Interest in the Hollywood Film Industry, Independent Institute Working Paper n°22, 2000.)
Certains estiment que le Hollywood
Studio System a bien existé mais est mort depuis de nombreuses années pour laisser place à une industrie fragmentée.
Reste quand même la toujours active Motion of Pictures Association of America (http://www.mpaa.org/index.asp)qui défend les intérêts communs des grands studios et qui organise leur action politique - comme récemment la plainte commune déposée cotre des firmes chinoises pour piratage de DVD (http://www.mpaa.org/press_releases/chinaretailsuitsrel.pdf)