dimanche 29 janvier 2006

Les blogueurs, nouveaux journalistes ou nouveaux leaders d'opinion?

A l'occasion de son Congrès extraordinaire de Lyon ce week-end, l'UDF a invité des blogueurs. J'en faisais partie, mais n'ai pas pu me rendre à Lyon pour des raisons matérielles. Il semble que deux blogueurs non-UDF étaient finalement présents: Nicolas du blog Versac et Valerio Motta du blog du même nom. Auquels s'ajoutent quelques blogueurs UDF (voir une liste sur le forum de l'UDF ICI) sans compter les journalistes professionnels qui ont aussi des blogs (dont Laurent de Boissieu). Voici quelques réflexions que m'inspire cette initiative.

A Lyon, les blogeurs ont été assimilés à la presse: accès à la salle réservée aux journalistes, mêmes privilèges et même badge que ceux-ci. Pour autant, les blogueurs sont-ils des journalistes, fût-ce-t-il d'un nouveau genre?

"J'ai l'impression d'être une sorte d'imposteur, de grain de sable dans la machine bien huilée de l'information, où tout est rôdé, et suffisamment préparé pour que tout se passe bien, dans la routine, et avec professionalisme. Mon amateurisme est bien ma seule différence pour l'instant" nous dit Versac.
"Je suis ici un citoyen journaliste amateur, libre dans le ton et dans la forme. Aucune règle déontologique ne s'applique pourtant à moi. Ca viendra. Les techniques préexistent toujours aux usages. L'audience est encore limitée et l'influence modeste. Ca bougera." écrit Valerio Motta.

Quant à Laurent de Boissieu, journaliste à La Croix mais aussi blogueur (il a également collaboré aux activités du CEVIPOF), il est plus critique. Outre la question de la sélection des blogueurs, il s'inquiète sur son blog Présidentielle 2007 de "l'éventuel détournement de cette nouvelle accréditation en sous-journalisme. Un weblog et un article de presse ne relèvent en effet pas de la même démarche. Des journalistes (à commencer par moi) utilisent parfois la forme du weblog sans en respecter l'esprit "journal" au sens "journal personnel" et non "journal d'informations". Aux blogueurs de ne pas suivre le (mauvais) exemple en ne cherchant pas à s'improviser journalistes !"
(Vous pouvez même voir et entendre les trois discutant ensemble ICI).

Il y a quelque cinquante ans, Paul Lazarsfeld et Elihu Katz proposaient le modèle de la communication à deux étages (two-step flow model). S' appuyant sur des enquêtes réalisées lors des élections de 1940 et de 1948 aux Etats-Unis, Lazarsfeld et Katz constataient que les informations que les électeurs recevaient des mass-médias étaient médiatisées par leurs relations sociales. Dans certains cas, on pouvait même observer un processus à double étage: les informations difusées par les médias étant d'abord reçues par des leaders d'opinion, ceux-ci les relayant au reste de la population au cours de conversations interpersonnelles.

Lazarsfeld et Katz notaient que ces leaders d'opinion présentaient deux caratéristiques particulières: ils étaient de gros consommateurs de médias; ils étaient reconnus comme des personnes d'influence au sein de la communauté à laquelle ils appartenaient (dans la théorie originale, le terme de leader d'opinion ne s'applique pas à ce que nous désignons souvent comme tel aujourd'hui, par exemple une personnalité scientifique intervenant dans les médias, mais uniquement aux personnes qui jouent un rôle de guide dans un groupe social dont elles font partie intégrante).

Il me semble que les blogueurs du Congrès de l'UDF, et plus généralement les quelque dizaines de blogueurs dont les billets sont les plus lus, sont aujourd'hui une nouvelle sorte de leaders d'opinion plutôt qu'une nouvelle sorte de journalistes.
Comme dans la théorie de Lazarsfeld et Katz, ils se caractérisent par leur forte consommation des médias et ce sont des personnes sur-informées par rapport à la moyenne. Ils relaient et discutent des informations (plus qu'ils ne les produisent) auprès d'une communauté de lecteurs avec qui ils entretiennent, via des commentaires, des conversations (et même lorsqu'on ne commente pas un blog, il me semble que la lecture d'un blog s'inscrit dans une logique de conversation imaginée et de confrontation d'opinions). Enfin, et surtout, ils tirent leur influence de ce qu'ils ressemblent à leurs lecteurs.

Crédits:
Photo 1 (Congrès UDF sous la neige): Versac
Photo 2: (Salle de presse du congrès): Valerio Motta
Katz Elihu et Lazarsfeld Paul. Personal Influence: The Part Played by People inthe Flow of Mass Communications. Glencoe (Ill.): Free Press, 1955.

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vendredi 27 janvier 2006

Le Celebrity Big Brother

Un parlementaire socialiste mimant un chat en train de lapper du lait et faisant le clown en direct sous l'oeil des caméras, cela vous étonnerait?
Alors imaginez la tête des téléspectateurs britanniques qui ont pu voir ce spectacle en regardant le Celebrity Big Brother, l'un des 10 principaux formats de télé-réalité conçus par Endemol et diffusé sur Channel 4 depuis le 6 janvier dernier.

Le parlementaire en question, c'est George Galloway, élu de Bethnal Green and Bow dans l'est de Londres, ancien membre du parti travailliste dont il a été exclu en octobre 2003 en raison de son opposition à l'intervention en Irak et à la politique de Blair, et l'un des fondateurs de la coalition socialiste plutôt radicale RESPECT.

Si George Galloway a accepté de participer au Celebrity Big brother, c'est, dit-il, pour sensibiliser les jeunes à la politique et aussi dans l'espoir de mieux faire connaître les idées de la coalition Respect."Our task is to take politics to the people", a-t-il déclaré. Manque de pot, à chaque fois que George a voulu parler de son programme politique ou de son parti, Channel 4 a interrompu le son (en raison des règles éditées par l'OFCOM, l'équivalent britannique CSA).

L'initiative n'a pas plu à tout le monde. Certains de ses collègues à la Chambre l'ont accusé de déconsidérer la fonction parlementaire. Le Parti travailliste a envoyé trois de ses militants déguisés en chat (photo AP ci-contre) pour lui livrer de la nourriture pour chat (et manière de faire de la communication politique tout en critiquant celle de l'adversaire...). Certains de ses électeurs semblent ne pas avoir apprécié, regrettent d'avoir voté pour lui et pensent qu'il devrait maintenant démissionner, comme le rapporte cet article du Guardian.

Qu'ils se rassurent: George a été éjecté du Big Brother ce 25 janvier (par 64, 7% des voix du public nous rappelle la BBC qui a couvert assidûment l'affaire). Et, à sa sortie, George a déclaré que c'était le dernier vote populaire auquel il se soumettait (sans pour autant abandonner, lui, la politique).

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mercredi 25 janvier 2006

Signes et monuments du pouvoir

Cela se passait samedi 21 janvier, lors du Forum des européens sur la chaîne Arte qui recevait Peter Sloterdijk, professeur de philosophie et d'esthétique à l'Ecole des Beaux Arts de Karlsruhe (le Virilio allemand si on veut). Invité à commenter deux photos, l'une de Jacques Chirac dans son bureau lourdement décoré de l'Elysée, l'autre d'Angela Merkel, elle aussi dans son bureau, depouillé et hyper design de la nouvelle Chancellerie, Sloterdijk nous explique: "la France est un Etat phallique, célébrant constamment son passé alors que le gouvernement allemand est lui fonctionnel et tourné vers le futur". Bon.


Le bureau du président de la République à l'Elysée et le bâtiment de la Chancellerie à Berlin

L'étude de la symbolique du pouvoir est un domaine passionnant, illustré notamment par les bels ouvrages de Maurice Agulhon sur l'imagerie républicaine, ou plus récemment le livre de Bernard Lamizet, prof à l'IEP de Lyon, sur Le sens de la ville. Cependant, la sémiologie politique appliquée aux bâtiments publics oublie parfois que ceux-ci ne sont pas seulement des constructions destinées à signifer quelque chose, mais dépendent aussi de contraintes physiques ou matérielles, de facteurs géographiques ou climatiques, ou encore des vicissitudes de l'histoire.
Si Berlin n'avait pas été détruite, le bureau de la Chancelière serait-il vraiment si différent de celui de notre Président? Et, si l'Allemagne est peut-être tournée vers le futur, il est assez clair qu'elle entretient un rapport complexe avec son passé.

Quiconque visite Berlin depuis la réunification ne peut être que frappé par la détermination avec laquelle on s'attache à faire disparaître tous les traces de la RDA. Il ne reste plus qu'un tout petit bout du mur, conservé à des fins touristiques. Le Palais de la République, cet extraordinaire bâtiment kitsch des années 1970, est voué à la démolition, malgré l'opposition de Berlinois de l'Est pour qui il était un relatif havre de liberté et sera remplacé par une réplique du Palais royal situé sur le même lieu que les Communistes ont détruit dans les années 1950. Pour un visiteur extérieur, il est aujourd'hui quasiment impossible de savoir si on se trouve à Berlin Est ou Berlin Ouest, si ce n'est grâce aux petites figurines des feux rouges, le fameux Ampelmann. (A ce propos, si vous vous intéressez aux feux de signalisation, il y a un épatant article sur la Wikipaedia en anglais - ah merveilles de l'internet coopératif!). Quant aux ambassades, on s'est appliqué à les reconstruire, ou plus exactement à les réinstaller, là où elles étaient avant la deuxième guerre mondiale (l'ambassade de France n'ayant pas gagné au change puisque le nouveau bâtiment, dû à Christian de Portzamparc, ressemble à une gendarmerie, ou peut-être un bureau de poste, des années 1960).


L'Ampelmann pour savoir si on est à Berlin Est et le Palais de la République avant sa destruction

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mardi 24 janvier 2006

118 XYZ ou comment allouer une ressource rare

Comme vous le savez sans doute, notre vieux 12 est en voie d'extinction depuis novembre 2005, et à partir du 3 avril 2006, il faudra composer un numéro du type 118XYZ pour connaître le numéro d'un restau ou celui de votre cousin de province que vous avez oublié.

La difficulté, c'est que des numéros du type 118XYZ, il y en a presque une vingtaine (vous pouvez voir ICI pour en savoir plus sur chacun d'eux). Tout cela résulte de l'ouverture à la concurrence du service des renseignements téléphoniques, menée sous la supervision de l'Autorité de régulation des communications électroniques et des Postes (ARCEP, l'ancienne Autorité de régulation des télécommunications ou ART).

D'ordinaire, l'ARCEP attribue les numéros spéciaux "au fil de l'eau", au fur et à mesure que les demandes se présentent. Mais dans le cas qui nous occupe, la situation était un peu particulière puisqu'il fallait répartir ex nihilo les numéros 118XYZ. Et bien sûr chaque fournisseur potentiel de renseignements téléphoniques lorgnait sur les "bons" numéros , ceux qui sont susceptibles d'être mémorisés facilement, 118000 ou 118118, par exemple.
Problème: ces numéros facilement mémorisables sont en nombre limité. Alors comment faire?

Pour allouer une ressource rare (des numéros, une autorisation d'exploiter un service de télévision) entre différents candidats, on dispose de trois méthodes:

  • "le concours de beauté" consiste à choisir en fonction des qualités du projet présenté par les candidats (mais cette méthode était difficilement applicable ici car les candidats présentent à peu près le même service;
  • les enchères: celui qui offre le plus de sous pour la ressource à allouer gagne, mais cela a évidemment l'inconvénient d'écarter les petits candidats;
  • le tirage au sort qu'a finalement choisi l'ARCEP, selon une procédure expliquée ICI.
Le tirage au sort est une excellente méthode, hélas peu aimée en France, sans doute en raison de notre culture républicaine de la méritocratie. Pourtant, elle est économique (en temps et en procédures), prémunit de la corruption et est très démocratique (je pense d'ailleurs qu'on devrait l'utiliser, aux lieu des entretiens d'admission, pour l'accès aux grandes écoles - mais ceci est un autre débat).

Le tirage au sort des numéros de renseignements téléphoniques a eu lieu le 14 juin 2005. Cela a été assez rigolo car chacun des candidats avait trois minutes au plus pour dire s'il prenait ou non le numéro. Certains n'ont d'ailleurs pas eu de bol, comme la société Telegate France qui a hérité des suffixes 244, 247, 321, 555 et 787. La Société Scoot a obtenu le ponpon avec le très convoité 118000. Quant aux autres, qui ont obtenu des numéros ni très bons ni trop mauvais (comme les 118 218, 118 007), ils doivent déployer de savantes stratégies de communication (comme celle-là) pour faire connaître leur service.
Encore du boulot pour les rois du marketing dont je parlais hier! (Et si vous voulez suivre leurs actvités, voici deux bons liens, où vous en troueverez plein d'autres: Veille marketing et Vie Marketing).

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lundi 23 janvier 2006

Marketing des services publics: l'arbre à tisane

Avant que cela ne disparaisse, il fallait que je vous en parle.
Du 4 au 7 janvier 2006, la RATP a invité les voyageurs de différentes stations à écrire leur voeu pour 2006 sur une feuille de papier adhésive. "Les agents RATP les accrochaient ensuite sur des « arbres à voeux », symboles du lien qu’ils tissent jour après jour avec eux, devenant ainsi les messagers du bonheur. Un bracelet siglé « BONHEUR 2006 » en silicone aux couleurs de la campagne était offert aux voyageurs, en souvenir de cet échange de souhaits".
Mignon, non?
La RATP est vraiment gentille de nous souhaiter d'être transportés de bonheur en 2006.
D'après vous, que peuvent bien souhaiter les voyageurs de la RATP?


Toujours dans la série "Rien n'arrête les rois du marketing...":
Pendant les vacances de Noel, la Poste, qui depuis qu'elle s'est rebaptisée Banque postale se sent toute folle, m'a envoyé une bien curieuse lettre qui contenait un sachet de tisane. Tout ça pour me vanter un nouveau produit épatant qui allait m'apporter autant de tranquillité qu'une tisane (est-ce que j'ai bien compris?).

Vous me direz: peu importe le moyen, la perversité du marketing, c'est qu'on parle de la chose à vendre. C'est exactement ce que je pense. Et gloire aux valeureux agents de la RATP et de la Banque postale obligés de faire les arboriculteurs ou de la tisane!

"Quand le doigt montre la lune, l'idiot regarde le doigt" (vieux proverbe chinois)
"Quand le doigt montre la lune, l'idiot demande: où est la lune?" (version taoïste du même)

dimanche 22 janvier 2006

Un MP3 gratuit (et civique) à télécharger / Download a free (and civic) MP3

Le débat sur le téléchargement des fichiers MP3 et le projet de loi DADVSI (droits d'auteurs et droits voisins dans une société de l'information) continue à faire rage. J'y reviendrai un de ces jours.

En attendant, si vous êtes en manque de MP3, en voici un de gratuit, absolument indispensable dans toute discothèque.
Cliquer ici pour télécharger le MP3

C'est aussi tout à fait légal puisque ce MP3 est offert par un site Web des plus honorables. Et tout à fait civique.

There is currently a hot debate in France on the downloading of MP3s. Should it be authorized, and if so how to pay back the composers? In last December, the Governement introduced a bill on intellectual property rights but was unable to have it adopted. I'll get back to this very intricate issue later on.

Meanwhile, you can download this free MP3 which should be included in any good French playlist.
Don't worry: it is quite legal, and even civic since it comes from one of our most respectable Web site.

vendredi 20 janvier 2006

Allons bloguer à l'UDF

Comme vingt-cinq autres blogueurs, j'ai été invité à assister au Congrès de l'UDF, qui a lieu à Lyon les 28 et 29 janvier 2006. Les blogueurs seront traités comme des journalistes (libre accès au Congrès, utilisation du Wi-fi, badge de blogueur). Seule condition: annoncer sur son blog qu'on assiste au Congrès.

Comment ont été choisis ces vingt-cing blogueurs là? Voici quelques précisions que me donne Frédéric Lefebvre-Naré, qui suit les blogs à l'UDF:
"Nous nous sommes principalement basés sur le contenu principalement (blogs qui parlent de l'UDF ou de la politique française) en utilisant trois moteurs de recherche (technorati, google blogsearch et blogouaf) ; en tenant compte également des liens externes qui figurent sur les sites de blogueurs UDF. Nous n'avons retenu que des sites qui,

- soit avaient un nombre suffisant de liens technorati (j'avais mis la barre à 5 initialement)
- soit étaient écrits par des personnes qui travaillent sur le lien politique / internet.
Nous n'avons pas invité de rédacteurs de blogs de partis, ni de rédacteurs de blogs qui nous semblaient excessivement partisans (diffusion de rumeurs douteuses, répétition d'a priori ...). En revanche nous avons invité des gens de toutes opinions - droite, gauche, centre, indiscernable, etc. !
Quelques sites n'ont pu être joints au sens où je n'ai trouvé ni adresse mail, ni formulaire contact, ou une adresse mail non fonctionnelle.
Une invitation similaire a été adressée aux militants de l'UDF qui tiennent un blog".

J'espère pouvoir me rendre à Lyon pour vous raconter ce qui s'y est passé et surtout apprécier in vivo la stratégie de communication de l'UDF à l'égard de la blogosphère. J'espère que ce sera également l'occasion de rencontrer quelques collègues blogueurs que je ne connais qu'à travers leurs écrits.

Voir aussi un de mes précédents billets: Orange: la couleur politique à la mode

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mercredi 4 janvier 2006

Les usages sociaux de l'histoire

La place et le rôle des scientifiques dans la cité est un vieux débat. Récemment, ce sont les historiens qui ont été les plus sollicités, et sommés de s'impliquer dans la controverse sur le bilan du colonialisme, et plus généralement d'arbitrer les polémiques sur vraies et fausses victimes des atrocités du passé.

(Pour un bon compte rendu factuel sur le redémarrage de la polémique fin novembre 2005 voir cet article du Nouvelobs.com du 8 décembre 2005 ICI. Au passage on notera que, bien que les historiens, enseignants et chercheurs, se soient mobilisés dès l'adoption de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, il a fallu plus de 10 mois, et sans doute les émeutes de novembre, pour qu'elle touche véritablement l'opinion publique).


Images du Banania en 1914 et 1967

Du coup, certains historiens eux ont créé un Comité de vigilance face aux usages publics de l'histoire. Leur but est d'éviter que l'histoire soit instrumentalisée à des fins partisanes, commerciales, voire même ludiques. Le Comité estime ainsi dans son manifeste que "l'information-spectacle et l'obsession de l'audimat poussent constamment à la surenchère, valorisant les provocateurs et les amuseurs publics, au détriment des historiens qui ont réalisé des recherches approfondies, prenant en compte la complexité du réel"

Plus concrètement, le Comité a identifié deux domaines de réflexion prioritaires:
- l'enseignement de l'histoire, et "l'énorme décalage existant entre les avancées de la recherche et le contenu des programmes scolaires".
- les usages de l'histoire dans l'espace public, notamment afin que les connaissances produites par la recherche soient mises à la disposition de tous.

On trouvera également sur le site du comité divers textes, dont un extrait d'un article de Gérard Noiriel faisant un très bon point sur la différence entre histoire et mémoire collective (la seconde étant sélective alors que la première s'efforce d'être compréhensive).


Images du Banania en 1987 et 1999

Ce comité est l'une des multiples réactions à la loi du 23 février 2005, et à son désormais célèvre article 4 qui prévoit que "les programmes scolaires reconnaîssent le rôle positif de la présence française outre-mer". Parmi les autres réactions, on peut mentionner:
- la pétition d'un collectif d'historiens, "Colonisation: non à l'enseignement d'une histoire officielle", lancée dans le Monde du 25 mars 2005.
- la pétition "Je n'enseignerai pas le bon temps des colonies", lancée le 19 avril 2005 par des professeurs d'histoire du secondaire.
- la motion du 22 mai 2005 de l'Association des professeurs d'histoire et de géographie, "Il appartient aux historiens d'écrire l'histoire et aux enseignants de l'enseigner"
- la pétition unitaire "Abrogeons l'article 4!", lancée le 9 décembre 2005 par des personnalités politiques de gauche et disponible en ligne.

On mettra à part l'appel "Liberté pour l'histoire", lancé par 19 grands historiens dans Libération du 13 décembre 2005. Magnifiquement rédigé ("L'histoire n'est pas une religion, l'histoire n'est pas la morale, l'histoire n'est pas l'esclave de l'actualité, l'histoire n'est pas la mémoire, l'histoire n'est pas un objet juridique"), cet appel ne se borne pas à demander l'abrogation de la loi du 24 février 2005. Plus radicalement, il propose d'abroger les quatre grandes "lois mémorielles" (loi Gayssot de 1990 sur le négationnisme, loi du 29 janvier 2001 sur le génocide arménien, loi Taubira du 21 mai 2001 sur l'esclavage et la loi du 23 février 2005).

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The Revolution Will Not Be Televised

The Revolution Will not be Televised, c'est un livre publié en 2004 par Joe Trippi, un des conseillers en communication de Howard Dean, qui raconte comment cet outsider démocrate, quasi-inconnu, a émergé lors des primaires de 2004, notamment grâce à l'internet.

The Revolution will not be Televised, c'est aussi un fim sorti en 2003, réalisé par les Irlandais Kim Bartley et Donnacha O Briain, qui raconte de l'intérieur le "coup d'état populaire" contre le Président Chavez au Vénézuela en avril 2002, dans lequel la télévision a joué un rôle important.


The Revolution will not be Televised, c'est avant cela, et surtout, le titre d'une des chansons écrites en 1970 par Gil Scott-Heron, cet immense musicien noir qui mêle soul, jazz et discours politiques, à la fois poète des sons et chanteur des mots. (PAR ICI un site français indépendant consacré à GSH, bien meilleur que son équivalent américain PAR LA.)

Le message de The revolution will not be Televised peut apparaître simpliste: il nous dit que la révolution n'est pas un spectacle qu'on peut zapper, passer au ralenti ou rejouer, et qu'elle passe par l'action de chacun de nous. Mais la formule, qui nous invite à réfléchir sur le rôle des médias dans le changement social (et leurs effets multiples, contradictoires, équivoques) est d'une grande force et peut-être plus subtile qu'il n'y paraît. (Et c'est d'ailleurs le titre que j'aurais rêvé de donner à mon prochain ouvrage sur la communication politique).

A part ça, il paraît que la révolution sera blogguée. Mais peut-être faut-il quand même lever les yeux de nos écrans et jeter un coup d'oeil dehors pour savoir ce qui se passe vraiment.

A part ça, il paraît aussi que Gil Scott-Heron a de nouveau été arrêté début décembre 2005 (pour usage de drogue, semble-t-il). Mais essayez de trouver des infos à ce sujet sur l'internet ou les blogs : quasi-nothing (à part une poignée de messages peu précis sur le forum de discussion d'un site consacré au chanteur). Comme quoi, il faut vraiment lever les yeux de nos écrans et s'informer aussi autrement.

mardi 3 janvier 2006

Coucou, me revoilou

Me voici de retour. Je vous souhaite une très belle nouvelle année.
Que 2006 vous apporte beaucoup de douceur...

Pour fêter le nouvel an, un lien vers le très beau site de photos d'un de mes anciens étudiants, Gregor Hochmuth (souvenez-vous bien de son nom).

Hello! I am back after a few days out of town.
To celebrate the new year, you may want to visit this very nice site designed by one of my former students, Gregor Hochmuth (remember his name).

Picture by G. Hochmuth