mardi 26 septembre 2006

De Budapest à Valmy: vivent les drapeaux

Budapest, samedi 23 septembre : sur la place Kossuth devant le parlement hongrois, quelques milliers de manifestants se sont réunis pour la 7eme fois afin de réclamer la démission du Premier ministre socialiste, Ferenc Gyurcsany.

Ferenc Gyurcsany est une nouvelle victime de ces micros cachés ou oubliés dont je parlais dans un précédent billet, mais aussi et d’abord de ses mensonges. Il y a quelques mois, lors d’une réunion des députés de son parti, il leur avait tout bonnement déclaré (en substance) : que son gouvernement mentait depuis 18 mois sur la situation économique afin de gagner les élections, n’avait rien fait dont il puisse être fier depuis 4 ans, bref avait « merdé, pas un peu, mais beaucoup ». Manque de chance pour le Premier ministre : la déclaration à huis-clos avait été enregistrée et a été diffusé par la radio publique le 17 septembre, provoquant aussitôt la colère et l’agitation d’une partie de la population.

Vous trouverez des extraits des propos de Ferenc Gyurcsany :
ICI en français (Nouvel.obs.com)
LA avec une traduction un peu différente en anglais (BBC.news)
ET PLUS ETONNANT LA en hongrois (sur le blog perso du Premier ministre !).

Ce samedi, la foule est paisible, plutôt bon-enfant et écoute sagement les orateurs qui se succèdent au micro. Rien à voir avec les scènes d’émeute qui avaient eu lieu en début de semaine et que la chaîne de télévision de droite HIR rediffuse en boucle chaque soir.
Etant à Budapest pour un colloque, j’en profite pour faire un peu d’observation participante et prendre quelques photos.



1 à 3: Les manifestants sur la place Kossuth 23/09 environ 17h - 4: Rediffusion des scènes d'émeute du 17/09 sur la chaîne HIR.

Ce qui me frappe le plus ce sont les dizaines de drapeaux que les manifestants agitent.
Pour beaucoup, il s’agit du drapeau tricolore hongrois (trois bandes vert blanc rouge) mais orné en son centre d’un blason (croix de Lorraine et 8 bandes argent et rouge surmontées d’une couronne). Apparemment, ce n’est pas le drapeau légal de la Hongrie, mais depuis 1990 il est néanmoins utilisé de facto comme emblème national par de nombreux officiels de droite. D’autres, moins nombreux mais plus nostalgiques, ont opté pour un drapeau tricolore troué en son centre comme celui que brandissaient les insurgés d’octobre 1956 (qui avaient enlevé l’étoile, la faucille et le marteau qui figuraient alors sur le drapeau de la Hongrie communiste). Quant aux extrémistes de droite, ils brandissent des drapeaux à bandes blanches et rouges en souvenir des premiers rois de Hongrie.

ICI : Un site pour en savoir plus sur les multiples drapeaux en usage en Hongrie


Vivent les drapeaux

Aujourd’hui, à Budapest comme à Valmy (photo du MJS manifestant contre Le Pen le 20/09/2006), plus de manifestation sans drapeaux. La pérennité de cette forme de communication politique peut paraître étonnante à l'époque des médias électroniques. Mais ces petits objets anodins que sont les drapeaux ont bien des mérites et la faculté de produire de nombreux effets avec une grande économie de moyens.

Ils condensent en un signe simple, et souvent facile à reproduire, des significations complexes (les mythes fondateurs d’un pays, son histoire, ses valeurs, etc.).

Ils sont des signes de ralliement qui servent à distinguer alliés et adversaires (tout comme autrefois ils servaient à distinguer amis et ennemis dans le tumulte de la bataille).

Ils fonctionnent sur un mode émotionnel - nul besoin de comprendre ce que symbolise précisément un drapeau : on se reconnaît (ou ne se reconnaît pas) en lui, tout simplement - et suscitent de multiples sentiments (d’appartenance à un groupe, d’identité, de puissance) propices à l’action collective.

Ils participent d’une politique des corps (le corps comme moyen de l’action politique) : ils magnifient les mouvements de la foule, lui donnent aux sens propre et figuré une couleur particulière, transmettent et amplifient ses frémissements et ses enthousiasmes.

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