mercredi 28 septembre 2005

En direct d'Issy: le vote électronique

Ce matin au Forum E-démocratie d’Issy-les-Moulineaux, le Club de l’hyper-république organisait un une table-ronde sur le vote électronique. Petit compte-rendu à chaud.

L’intervention principale a été celle de Yannick Blanc, sous-directeur des affaires politiques et de la vie associative au Ministère de l’intérieur. YB a d’abord rappelé qu’après la délibération de la CNIL du 1er juillet 2003 et la recommandation du Conseil de l’Europe du 30 septembre 2004, il y a un large consensus sur les principes qui doivent régir le développement du vote électronique, à savoir : agrément officiel ET expertise indépendante des technologies ; séparation des données nominatives et des votes ; chiffrement fort de l’ensemble du système de vote ; inviolabilité du système ; surveillance effective du scrutin ; protection de l’ouverture et de la fermeture du scrutin ; conservation des données. (Ce dernier principe constitue un changement qui n’est pas anodin par rapport aux pratiques actuelles de destruction des bulletins après proclamation des résultats. Il vise à permettre la vérification des opérations électorales en cas de contestation, mais on peut se demander s’il ne fait pas peser un risque, certes minime pour l’instant, sur la confidentialité du vote - au cas où dans X années quelqu’un récupérerait les archives de nos votes passés).


Machine à voter utilisée au Brésil et machine à voter France Télécom (démo vidéo)

Le ministère de l’intérieur prépare actuellement un projet de loi révisant le code électoral, qui sera présenté vers la fin de l’année et permettra la mise en oeuvre effective d’un vote électronique. Si j'ai bien compris, le Ministère de l’intérieur a retenu l’option "machines à voter" et on "vote à distance". En revanche, je n'ai pas très bien saisi si ces machines à voter seront complètement autonomes ou bien reliées à une plateforme centrale.
Pour info, le projet E-Poll de France Télécom qui a été expérimenté à Issy-les Moulineaux le 19 mai 2005 et lors des élections des conseils des universités de Nantes et de Lyon en novembre 2004 comporte des terminaux en réseau : officiellement il s’agit de permettre à chacun de voter dans n’importe quel bureau de vote, mais on peut aussi se souvenir que le métier de FT est d’abord de vendre du réseau plus que du logiciel.
(Je reviendrai une autre fois sur les élections de Lyon et de Nantes. Mais il semble que l’impact du vote électronique sur la participation ait été minime : + 3% à Nantes et +6% à Lyon malgré une grosse campagne d’invitation au vote . En attendant, pour avoir une idée des réactions des étudiants nantais – pas hostiles, mais pas des masses convaincus non plus,vous pouvez jeter un coup d’œil sur le blog Campus nantais).

Le second intervenant, Michel Hunault, député de Loire-Atlantique, a commencé par regretter une certaine frilosité de l’administration en souhaitant qu’on aille plus loin que de simples machines à voter (dans la suite du débat, il sera plus nuancé). Il a repris les arguments de sa proposition de loi (bien succincte) visant à autoriser le vote par internet. Celui-ci est conçu comme devant faciliter le vote des personnes à mobilité, des étudiants à l’étranger, bref de tous ceux qui ne peuvent pas se déplacer, et comme de nature à réduire l’abstentation, analysée comme résultant de difficultés matérielles (ce qui est assez réducteur). Rien sur les problèmes techniques (la proposition de loi renvoie les modalités d’application du vote par internet à un décret du Conseil d’Etat). L’idée générale est que l’internet se diffuse rapidement dans la société, notamment chez les jeunes, et qu’il n’y a aucune raison qu’il n’en soit pas de même pour les élections. Un peu court quand même.

Troisième intervention, du type service commercial minimum, celle de Ülle Madise du Parlement estonien. En Estonie, le cadre réglementaire a été modifié pour permettre la généralisation du vote par internet, notamment pour faire évoluer la conception du secret du vote (défini non plus comme une fin en soi mais comme un moyen) autour de l’idée d’isoloir virtuel. La parade trouvée pour résoudre le problème des pressions éventuelles sur les électeurs, toujours possibles en cas de vote depuis son domicile, consiste à permettre de changer son vote jusqu’à la fin du scrutin. Ainsi, si papa vous oblige à voter pour le parti A, vous pouvez toujours filer en douce dans un café internet pour changer votre vote pour le parti B.
On notera aussi que la carte que les électeurs estoniens utilisent est une carte citoyenne multi-services qui sert pour d’autres prestations administratives. (Imaginez un peu les choses si on votait en France avec notre carte Vitale). Enfin, Ülle Madise a fourni quelques résultats de sondages qui montrent que les internautes , surtout les jeunes, sont en faveur du vote électronique, mais pas tant que ça quand même (38% et 44% chez les utilisateurs quotidiens de l’internet versus 14% chez les non-internautes).

Vint ensuite l’ami Pierre de la Coste, président du Club de l’hyper-république, qui est revenu sur le système de color vote expérimenté par les membres du club lors du référendum. (Je reviendrai dessus une prochaine fois).PdlC a également annoncé le lancement d’un appel mondial pour le développement d’une démocratie électronique libre, basée sur des logiciels Open source.

Pour terminer, Frédéric Maillard, président de l’association Communication et démocratie (le lobby plutôt intelligent, des publicitaires dans le domaine politique mais je n’ai pas trouvé son site) a fait un topo assez schématique sur la désaffection des citoyens à l’égard de la politique. Tout irait mieux si on autorisait la publicité durant les campagnes, si on modernisait véritablement les émissions officielles de la campagne télévisée et, bien sûr si on pouvait voter par internet. Plutôt qu’une faible participation électorale, nous dit FM, mieux vaut une fast-démocratie (expression pas très heureuse).

Auto-pub : Avec mes collègues du Groupe démocratie électronique du CNRS, nous organisons le 7 décembre . une journée d’étude sur « Démocratie et dispositifs électroniques : regards sur la décision, la délibération et le militantisme ». Si vous souhaitez y participer, faites-moi signe. Nous y parlerons du vote électronique et je reviendrai sur le sujet (notamment sur les oppositions montantes à l’égard du vote électronique) dans le blog à ce moment là.

3 commentaires:

Anonyme a dit…

Les machines à voter sont-elles complètement autonomes ? Cela dépend lesquelles.

Les actuelles (Nedap, ESS, Indra), légalement utilisées depuis 2004, sont autonomes, du moins le temps du scrutin. Elles peuvent transmettre les résultats par informatique, bien qu'elles le fassent en général par transport physique des cartes mémoires.

Effectivement, E-poll est toujours en réseau : dans les bureaux de vote, il n'y a que des terminaux. Par contre, dans le cas de l'élection universitaire, c'était des PC avec un logiciel similaire à celui des terminaux.

Th. a dit…

...mais Pc reliés à une plateforme commune non? Car il était possible aux étudiants de voter dans (ou depuis?) n'importe quel bureau de vote.

Anonyme a dit…

Oui une plateforme commune (des serveurs) dans tous les cas. Ce que je voulais dire, ce que ce n'était pas des terminaux tel celui présenté au forum, dans le cas de l'élection universitaire. Et j'ai dit une bêtise tout à l'heure: cela a tout l'air de vote par internet depuis des PC placés dans des bureaux de vote. Cf la démo http://www.univ-lyon2.fr/IMG/swf/e-vote.swf E-poll existe donc en deux versions bien différentes.

A ma décharge, France Telecom ne publie aucune doc et me snobe. Je n'ai que quelques infos glanées d'un consultant. Opacité quand tu nous tiens...