Si la recherche en communication politique a beaucoup étudié certains supports (la presse et l’affiche notamment), en revanche, elle en a délaissé d’autres. Les cartes postales sont de ceux-là.
Pourtant, comme le rappelle le passionnant ouvrage de Gérard Silvain et Joel Kotek, La carte postale antisémite : de l’affaire Dreyfus à la Shoah (Paris : Berg International, 2005), la carte postale est, au 19 eme siècle, un des premiers moyens de communication de masse. Peu coûteuses, souvent fabriquées à des dizaines de milliers d’exemplaires, les cartes postales atteignent grâce au réseau postal les campagnes les plus reculées et touchent toutes les catégories de la population, y compris des personnes peu alphabétisées.
Gérard Silvain et Joel Kotek rappellent que, vers le milieu des années 1880, la carte postale devient aussi politique et commence à être utilisée par les partis et mouvements politiques comme vecteur de propagande. Lors de l’affaire Dreyfus, elle est fréquemment utilisée par les antisémites et elle servira également de moyen de propagande aux nazis. Au total, sur les quelque 20 000 cartes postales relatives aux juifs que compte la collection de Gérard Silvain, un quart a un caractère antisémite.
Parce qu’elle est conçue pour plaire, aussi bien à ceux qui l’achètent qu’à ceux qui la reçoivent, la carte postale est un prodigieux révélateur des préoccupations, des mentalités ou les valeurs d’une époque. Son influence est d’autant plus intéressante à étudier qu’elle apparaît comme un objet anodin, qui porte un message principal (le texte de l’émetteur) et un message secondaire (une image ou un dessin, éventuellement accompagné d’un texte imprimé) auquel on n’accorde pas toujours une grande attention, mais qu’on voit néanmoins. De plus, cette image est affectivement connotée, en quelque sorte validée par l’émetteur (qui d’ailleurs la commentera parfois).
Aujourd’hui, la carte postale semble moins utilisée en politique, sauf parfois lors de campagnes d'information ou d’action, comme par exemple celle menée en octobre 2004 par la SACD contre le décervelage programmé en réaction à la fameuse déclaration du dirigeant de TF1 sur le temps de cerveau disponible (image ci-contre).
Si vous êtes à Bruxelles, Joël Kotek fait ce soir (12 mai) une conférence sur la carte postale antisémite à l'Espace Yitzhak Rabin.
Infos : 02/543.02.70 ou info@cclj.be
Tags: carte postale - communication politique - antisémitisme
vendredi 12 mai 2006
La carte postale comme vecteur politique
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