mercredi 4 janvier 2006

Les usages sociaux de l'histoire

La place et le rôle des scientifiques dans la cité est un vieux débat. Récemment, ce sont les historiens qui ont été les plus sollicités, et sommés de s'impliquer dans la controverse sur le bilan du colonialisme, et plus généralement d'arbitrer les polémiques sur vraies et fausses victimes des atrocités du passé.

(Pour un bon compte rendu factuel sur le redémarrage de la polémique fin novembre 2005 voir cet article du Nouvelobs.com du 8 décembre 2005 ICI. Au passage on notera que, bien que les historiens, enseignants et chercheurs, se soient mobilisés dès l'adoption de la loi du 23 février 2005 portant reconnaissance de la Nation et contribution nationale en faveur des Français rapatriés, il a fallu plus de 10 mois, et sans doute les émeutes de novembre, pour qu'elle touche véritablement l'opinion publique).


Images du Banania en 1914 et 1967

Du coup, certains historiens eux ont créé un Comité de vigilance face aux usages publics de l'histoire. Leur but est d'éviter que l'histoire soit instrumentalisée à des fins partisanes, commerciales, voire même ludiques. Le Comité estime ainsi dans son manifeste que "l'information-spectacle et l'obsession de l'audimat poussent constamment à la surenchère, valorisant les provocateurs et les amuseurs publics, au détriment des historiens qui ont réalisé des recherches approfondies, prenant en compte la complexité du réel"

Plus concrètement, le Comité a identifié deux domaines de réflexion prioritaires:
- l'enseignement de l'histoire, et "l'énorme décalage existant entre les avancées de la recherche et le contenu des programmes scolaires".
- les usages de l'histoire dans l'espace public, notamment afin que les connaissances produites par la recherche soient mises à la disposition de tous.

On trouvera également sur le site du comité divers textes, dont un extrait d'un article de Gérard Noiriel faisant un très bon point sur la différence entre histoire et mémoire collective (la seconde étant sélective alors que la première s'efforce d'être compréhensive).


Images du Banania en 1987 et 1999

Ce comité est l'une des multiples réactions à la loi du 23 février 2005, et à son désormais célèvre article 4 qui prévoit que "les programmes scolaires reconnaîssent le rôle positif de la présence française outre-mer". Parmi les autres réactions, on peut mentionner:
- la pétition d'un collectif d'historiens, "Colonisation: non à l'enseignement d'une histoire officielle", lancée dans le Monde du 25 mars 2005.
- la pétition "Je n'enseignerai pas le bon temps des colonies", lancée le 19 avril 2005 par des professeurs d'histoire du secondaire.
- la motion du 22 mai 2005 de l'Association des professeurs d'histoire et de géographie, "Il appartient aux historiens d'écrire l'histoire et aux enseignants de l'enseigner"
- la pétition unitaire "Abrogeons l'article 4!", lancée le 9 décembre 2005 par des personnalités politiques de gauche et disponible en ligne.

On mettra à part l'appel "Liberté pour l'histoire", lancé par 19 grands historiens dans Libération du 13 décembre 2005. Magnifiquement rédigé ("L'histoire n'est pas une religion, l'histoire n'est pas la morale, l'histoire n'est pas l'esclave de l'actualité, l'histoire n'est pas la mémoire, l'histoire n'est pas un objet juridique"), cet appel ne se borne pas à demander l'abrogation de la loi du 24 février 2005. Plus radicalement, il propose d'abroger les quatre grandes "lois mémorielles" (loi Gayssot de 1990 sur le négationnisme, loi du 29 janvier 2001 sur le génocide arménien, loi Taubira du 21 mai 2001 sur l'esclavage et la loi du 23 février 2005).

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2 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour monsieur Vedel

Je suis doctorant en droit public à l’université Paris 1. Je traite « la réorganisation de la démocratie à l’ère de l’informatique » (en me concentrant sur le vote électronique à distance) comme mon travail de thèse.

J’aurais besoin des actes de Colloque Démocratie et dispositifs électroniques, 7, 8 decembre Paris, surtout ceux-ci :
1) Laurence Favier (Université de Bourgogne) / Joël Mekhantar (Université de Bourgogne) : La démocratie à l’heure du vote électronique (expérimentations, significations et place du vote électronique dans la théorisation de la démocratie digitale).
2) Marin Ledun / Patrick Paniez (France Télécom RD, pôle pronostic) : Le vote électronique en France : des préconisations aux usages de la e-Démocratie.
3) Hélène-Marion Michel (Université de Savoie) : Les cartes cognitives du vote électronique : une approche exploratoire des systèmes de représentations des citoyens.
4) Laurence Monnoyer-Smith (Université de Technologie de Compiègne) : Derrière l’urne, le citoyen : les rituels de vote sont-ils intangibles ?
5) Thierry Vedel (CEVIPOF) : Le vote électronique : construction d’un objet politique.

Pourriez-vous me les fournir, s’il vous plaît.

Merci beaucoup

Cordialement

Anonyme a dit…

Monsieur Vedel

Rebonjour

Je viens juste de trouver les articles mentionnés dans mon commentaire précédent.

http://loiseaugerard.free.fr/DELcolloque/DEL,%20d%e9cision/


Je vous remercie.

Cordialement