mercredi 25 janvier 2006

Signes et monuments du pouvoir

Cela se passait samedi 21 janvier, lors du Forum des européens sur la chaîne Arte qui recevait Peter Sloterdijk, professeur de philosophie et d'esthétique à l'Ecole des Beaux Arts de Karlsruhe (le Virilio allemand si on veut). Invité à commenter deux photos, l'une de Jacques Chirac dans son bureau lourdement décoré de l'Elysée, l'autre d'Angela Merkel, elle aussi dans son bureau, depouillé et hyper design de la nouvelle Chancellerie, Sloterdijk nous explique: "la France est un Etat phallique, célébrant constamment son passé alors que le gouvernement allemand est lui fonctionnel et tourné vers le futur". Bon.


Le bureau du président de la République à l'Elysée et le bâtiment de la Chancellerie à Berlin

L'étude de la symbolique du pouvoir est un domaine passionnant, illustré notamment par les bels ouvrages de Maurice Agulhon sur l'imagerie républicaine, ou plus récemment le livre de Bernard Lamizet, prof à l'IEP de Lyon, sur Le sens de la ville. Cependant, la sémiologie politique appliquée aux bâtiments publics oublie parfois que ceux-ci ne sont pas seulement des constructions destinées à signifer quelque chose, mais dépendent aussi de contraintes physiques ou matérielles, de facteurs géographiques ou climatiques, ou encore des vicissitudes de l'histoire.
Si Berlin n'avait pas été détruite, le bureau de la Chancelière serait-il vraiment si différent de celui de notre Président? Et, si l'Allemagne est peut-être tournée vers le futur, il est assez clair qu'elle entretient un rapport complexe avec son passé.

Quiconque visite Berlin depuis la réunification ne peut être que frappé par la détermination avec laquelle on s'attache à faire disparaître tous les traces de la RDA. Il ne reste plus qu'un tout petit bout du mur, conservé à des fins touristiques. Le Palais de la République, cet extraordinaire bâtiment kitsch des années 1970, est voué à la démolition, malgré l'opposition de Berlinois de l'Est pour qui il était un relatif havre de liberté et sera remplacé par une réplique du Palais royal situé sur le même lieu que les Communistes ont détruit dans les années 1950. Pour un visiteur extérieur, il est aujourd'hui quasiment impossible de savoir si on se trouve à Berlin Est ou Berlin Ouest, si ce n'est grâce aux petites figurines des feux rouges, le fameux Ampelmann. (A ce propos, si vous vous intéressez aux feux de signalisation, il y a un épatant article sur la Wikipaedia en anglais - ah merveilles de l'internet coopératif!). Quant aux ambassades, on s'est appliqué à les reconstruire, ou plus exactement à les réinstaller, là où elles étaient avant la deuxième guerre mondiale (l'ambassade de France n'ayant pas gagné au change puisque le nouveau bâtiment, dû à Christian de Portzamparc, ressemble à une gendarmerie, ou peut-être un bureau de poste, des années 1960).


L'Ampelmann pour savoir si on est à Berlin Est et le Palais de la République avant sa destruction

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