lundi 21 novembre 2005

Le SMSI pour les nuls (2)

Le sommet mondial sur la société de l’information à Tunis a adopté mardi soir 15 novembre un texte de compromis sur la gouvernance de l’internet. D’un côté, l’ICANN continue à fonctionner en l’état (ce qui satisfait les Etats-Unis), d’un autre côté un Forum sur la gouvernance de l'Internet devrait être créé qui aura pour mandat de traiter les questions de politique publique relatives à la gestion de l’internet (point 72 de l’Agenda adopté par le SMSI) sachant que « la gestion de l'Internet couvre aussi bien des questions d'ordre technique que des questions de politique générale, et doit impliquer l'ensemble des parties prenantes et des organisations intergouvernementales et internationales compétentes »(point 35 de l’Agenda), ce qui devrait partiellement répondre aux préoccupations des autres pays.
Après quoi, le SMSI s’est consacré à la question de la fracture numérique dans le monde et a fait de belles déclarations sur la nécessité d’assurer l’accès de tous les habitants de la terre aux bienfaits de la société de l’information.

Les Etats-Unis contrôlent-ils l’internet ?
On le dit souvent en avançant deux éléments : l’ICANN (qui gère le répertoire racine et l’allocation des noms de domaine) est placée sous la supervision du gouvernement des Etats-Unis et dépend sur le plan juridique de la législation de la Californie ; 10 des 13 serveurs racine sont situés aux Etats-Unis.

A quoi servent exactement l’ICANN et les serveurs racine ?
Lorsque nous surfons sur l’internet nous utilisons la plupart du temps des adresses du type monsitepréféré.com ou monpote@lapostechaque. En fait, chacune de ces adresses correspond à une adresse numérique (le numéro IP) qui permet le routage des communications. Le rôle du Domain Name System (DNS) est d’établir les correspondances entre les deux types d’adresses. Les informations relatives au DNS sont distribuées sur tout le réseau, mais pour que tout fonctionne de façon cohérente, il faut un répertoire racine. C’est l’ICANN qui le gère en s’appuyant sur 13 serveurs. Cependant, lorsque vous utilisez l’internet, une très grande partie des informations d’adressage sont sur l’ordinateur de votre fournisseur d’accès.

Puisque les Etats-Unis supervisent l’ICANN et les serveurs racines, cela veut-il dire qu’ils contrôlent le fonctionnement de l’internet ?
Sur le plan des contenus, il est assez clair que les Etats-Unis, malgré l’envie qu’ils en ont, ne contrôlent pas grand chose : ni les mails des terroristes, ni la multiplication des sites pornographiques, ni les spams.

Reste à préciser le pouvoir qu’ils tirent de leur supervision de l’ICANN.
Imaginons que les Etats-Unis obtiennent de l’ICANN qu’elle bloque un nom de domaine national (c’est purement hypothétique car une telle décision soulèverait un mouvement de protestation international et supposerait la coopération de dizaines d’administrateurs de serveurs), que se passerait-il ? L’internet continuerait à fonctionner à peu près normalement pendant une ou deux semaines car la quasi-totalité des informations d’adressage est distribuée sur tout le réseau. Progressivement, des conflits d’adresses surviendraient qui empêcheraient d’accéder à certains sites. Si rien n’était fait, le réseau pourrait être paralysé après quelques mois. Mais on peut penser aussi qu’un répertoire racine alternatif serait constitué par la communauté des administrateurs de serveurs.

Pourquoi alors la gestion de l’ICANN fait-elle l’objet de telles discussions ?
A mon avis, les véritables enjeux sont symboliques et surtout économiques, pas politiques. Symbolique car l’attribution des suffixes nationaux est surtout une affaire de fierté nationale et sert avant tout à montrer qu’on existe sur le Web. L’existence d’un .eu sera peut-être utile au renforcement de l’identité européenne, mais ne changera rien au fonctionnement de l’internet. Si on n’utilisait que des chiffres, les débats au sujet du DNS seraient d’ailleurs moins passionnés.

Curieusement, on parle assez peu des enjeux économiques, pourtant bien réels . Pour attribuer les adresses, il existe des organismes d’enregistrement qui se rémunèrent en faisant payer des redevances. Apparemment, c’est un bon business, peu dispendieux en ressources humaines (à la limite un ordinateur peu gérer tout seul les demandes d’enregistrement) et qui peut rapporter gros. Voilà un domaine où on aurait besoin d’une plus grande transparence.

Si, comme vous le soutenez, l’ICANN n’est pas un vrai enjeu, pourquoi les Etats-Unis n’acceptent-ils pas que cet organisme soit placé sous une supervision internationale.
Voilà six bonnes, et moins bonnes, raisons qui expliquent la position des Etats-Unis.

  • Ils n’ont aucune confiance dans des mécanismes de gouvernance intergouvernementale, surtout s’ils sont gérés par les Nations unies et/ou s’ils impliquent des pays comme l’Iran ou Cuba.
  • Ils sont pragmatiques : Everything runs just fine as it is. Why should we change anything?
  • Il estiment qu’une gouvernance par le bas, associant le secteur privé, la société civile et les universitaires est préférable à une gouvernance par le haut, notamment car elle permet des réponses rapides et flexibles aux problèmes qui se posent (pas faux, sauf qu’on se demande en quoi la situation actuelle s’apparente à une gouvernance par le bas).
  • Ils considèrent que leur mission historique est de protéger la démocratie à travers le monde (mais alors pourquoi ne pas démocratiser le fonctionnement de l’ICANN?).
  • Ils considèrent qu’ils sont à l’origine de l’internet (à moitié vrai : si l’internet protocol a été mis au point aux Etats-Unis, le Web est d’origine européenne) et qu’ils en ont financé le développement initial (exact). L’internet, c’est leur bébé et ils veulent continuer à s’en occuper.
  • Rien ne les réjouit plus que d’embêter les Européens.
Que penser de la position de l’UE ?
L’UE est favorable à une gouvernance intergouvernementale de l’internet, mais sa position souffre de plusieurs faiblesses.
Elle n’a pas su démontrer précisément et concrètement en quoi le contrôle de l’ICANN par les Etats-Unis était un réel problème. Le système de coopération (notamment pour résoudre les conflits) qu’elle propose est trop vague et le forum de discussion quelle a obtenu s’apparente à un « machin » en plus qui sera une instance sans réel pouvoir. La position de l’UE a pu être assimilée à celle de pays peu démocratiques partisans d’un rôle central des Etats dans la gestion de l’internet. Pour toutes ces raisons, l’UE n’a pas su gagner le soutien des milliers d’administrateurs qui font fonctionner quotidien le réseau, qui se satisfont assez rien du statu-quo.

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1 commentaire:

Anonyme a dit…

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