vendredi 2 mars 2007

L'art de se taire (quand le téléphone sonne)

Lors de la présentation de mon livre à l'Institut français de presse, une étudiante m'a demandé pourquoi je n'avais pas défendu plus vivement mon point de vue lors de l'émission Le téléphone sonne du 6 février sur France Inter consacrée au rôle de l'internet dans la campagne présidentielle (hélas plus en ligne).
"Pourquoi avez-vous laissé tomber face aux deux autres intervenants (Bernard Stiegler et Thierry Crouzet qui s'enthousiasmaient sur la manière dont l'internet révolutionne la politique)", m'interrogeait-elle justement?

C'est vrai que je n'ai sans doute pas fait preuve d'assez de pugnacité cette fois là. Comme d'autres chercheurs, j'ai parfois de la peine à faire passer "mon message" dans les médias. (Je reviendrai sur ce sujet après la campagne).

L'autre raison, c'est que j'ai naturellement tendance à faire mien ce conseil de l'Abbé Dinouart(*) (mis en exergue de la conclusion de mon ouvrage):

"Le premier degré de la sagesse est de savoir se taire ;
le second, de savoir parler peu, et de se modérer dans le discours ;
le troisième est de savoir beaucoup parler, sans parler mal et sans trop parler".

Viiblement, je n'en suis qu' au premier degré de la sagesse, et je commence à peine à aborder le second.

(*) Abbé Dinouart, L'Art de se taire (Introduction). Initialement paru en 1771, cet admirable petit traité a été réédité en 1996 aux Editions Jérôme Million, à Grenoble

dimanche 25 février 2007

Les parrainages, un déni de démocratie ?

En 2002, on avait compté plus de 70 candidats à la candidature. Aujourd’hui, il y en aurait plus d’une quarantaine. Et en dehors des candidats soutenus par les grands partis qui disposent du soutien de nombreux parlementaires et élus locaux, beaucoup ont du mal à réunir les 500 parrainages nécessaires. Pour l’instant, ils n’ont obtenu que des promesses qui ne se transformeront pas toutes en parrainages effectifs (la déperdition étant de l’ordre de 20 à 30%, et peut-être bien plus cette année) avant la date limite du 16 mars 2007

Certaines formations, comme le PS, ont demandé à leurs élus de ne n’apporter leurs parrainage qu’au candidat officiellement investi. On sait aussi que beaucoup de maires de petites communes, élus sur des listes apolitiques, hésitent à parrainer un candidat par peur de subir des représailles (et par exemple de tarder à obtenir les subventions qu’ils attendaient du conseil général pour certains travaux). Le fait que les élections municipales se dérouleront l’an prochain rend la collecte des parrainages encore plus difficile : nombre d’élus n’ont pas envie de s’engager soit par crainte de compromettre leur élection lors des prochaines municipales, soit tout simplement par souci de ne pas provoquer des polémiques ou des débats dans leur commune. Lors de l’élection 2002, on avait observé que Jean-Marie Le Pen avait été incapable d’obtenir des parrainages même dans les zones de force du Front national comme l’Alsace ou le littoral méditerranéen.

Les règles concernant les parrainages
Pour pouvoir se présenter à l’élection présidentielle, il faut être parrainé (la loi dit présenté) par 500 élus, représentant au moins 30 départements ou DOM-TM, sans que plus de 50 puissent venir d’un même département ou DOM-TOM. Les élus autorisés à parrainer un candidat sont les maires, les conseillers généraux, les conseillers régionaux, les députés et sénateurs, les parlementaires européens.

Pour les élections présidentielles de 1965 à 1974, le nombre de parrainages exigé était seulement de 100. Ceci a conduit à une (relative) inflation du nombre de candidatures (de 6 en 1965 à 12 en 1974) et, de plus, à l’apparition de candidats marginaux, peu connus et obtenant des scores extrêmement faibles (6 des candidats à l’élection de 1974 ont obtenu moins de 1% des suffrages exprimés et l’un d’eux, Guy Héraud, seulement 0,06%, soit moins de 20 000 voix sur 24,5 millions de votants). C’est pour contrecarrer cette double tendance, que le législateur a porté en 1976 le nombre de parrainages nécessaires à 500.

Parmi les quelques 40 000 élus susceptibles d’apporter leur parrainage, 17 815 l’ont effectivement fait en 2002 (pour 16 444 en 1981, et seulement 14 462 en 1995).
Pratiquement, les personnes habilitées reçoivent un formulaire de la part du Conseil constitutionnel. Si elles décident de parrainer un candidat, elles peuvent soit le remettre au candidat qui l’adressera ensuite au Conseil, soit le renvoyer directement à ce dernier (qui tient au courant quotidiennement les candidats du nombre de parrainages recueillis en leur faveur).
Après avoir vérifié la validité des parrainages, le Conseil établira la liste officielle des candidats (vraisemblablement le 20 mars, et en tout cas plus précocement que lors des précédentes élections présidentielles).
En revanche, ne seront publiés au Journal officiel que 500 noms de parrains, tirés au sort, pour chaque candidat. De 1988 à 2002, la liste complète des parrains a été affichée dans la semaine précédant le scrutin dans le hall du Conseil constitutionnel. Il n’en sera pas de même cette année, le législateur n’ayant pas reconnu la légalité de cette pratique. Toutefois, cela changera peu de choses à la situation des petits candidats : ceux-ci ne rassemblent en général pas beaucoup plus que les 500 parrainages exigés, et leurs parrains ont de très grandes chances de voir leur soutien connu de tous.

Un dispositif inique ?
Cette situation est-elle scandaleuse et peut-elle s’assimiler à un déni de démocratie ?
Idéalement, on peut certes souhaiter que les électeurs disposent du plus grand choix possible. Théoriquement, il pourrait y avoir jusqu’à 80 candidats (40 000 divisé par 500) si chaque personne habilitée parrainait un candidat. Mais une telle profusion aiderait-elle les électeurs à faire leur choix ?

- Un grand nombre de candidatures n’entraîne pas mécaniquement une plus grande participation à l’élection présidentielle. En 2002, 16 candidats étaient en lice (contre 9 en 1988 et 1995) et pourtant l’abstention a battu tous les records (28,2%, soit presque 7 points de plus qu’en 1995). Ce n’est pas parce que l’offre électorale s’accroît que l’appétence pour la politique fait de même.

- Comme on l’a vu également en 2002, la multiplication des candidatures au 1er tour peut avoir des effets pervers lorsque, en dispersant les suffrages en faveur d’un camp politique, elle aboutit à priver ce camp de représentant au second tour. Et il est vraisemblable que cette mémoire de 2002 joue dès à présent sur les réticences de certains élus à parrainer des candidats ; et qu’elle affectera aussi le comportement des électeurs (le CEVIPOF s’efforce de mesurer cet effet-mémoire dans les enquêtes qu’il mène actuellement).

- Accessoirement, la multiplication des candidats alourdit le coût de l’élection pour la collectivité. Un candidat de plus, et c’est plus de 80 millions de bulletins de vote supplémentaires qu’il faut imprimer (chacun des quelque 42 millions d’électeurs recevant un bulletin à son domicile et pouvant en obtenir un autre dans son bureau de vote). Toutefois, le coût de l’élection présidentielle reste raisonnable: il était de 200 millions d’euros en 2002, soit moins de 5 euros par électeur.

- S’il y a tant de candidats potentiels à la présidence de la république, c’est parce que la campagne présidentielle est devenue la principale tribune de la vie politique française: les candidats potentiels savent que durant cette période l’intérêt pour la politique des citoyens est nettement plus fort, et que la campagne offre une exposition médiatique sans équivalent et diverses facilités aux candidats officiels (153 000 euros d’avance, des affiches et professions de foi prises en charge par l’Etat contrairement aux autres élections, un temps d’antenne gratuit sur l’audiovisuel public et un accès plus aisé à toutes les chaînes de télévision (du fait du régime d’égalité entre les candidats que celles-ci doivent appliquer durant la campagne officielle). Du coup, autre effet pervers, plus il y a de candidats, moins les journaux télévisés sont en mesure de bien couvrir la campagne.

Que faire pour améliorer les choses?

Tout le monde est à peu près d’accord pour dire qu’il faut trouver un équilibre entre équité et efficacité : éviter la multiplication de candidatures fantaisistes tout en permettant aux forces politiques significatives de participer à l’élection présidentielle. Nul ne sait quelles seraient les conséquences d’une absence de Jean-Marie Le Pen le 22 avril, faute d’avoir obtenu les parrainages, mais chacun les craint. Reste à savoir comment faire concrètement.

1) Rendre les parrainages anonymes. Cela permettrait à certains élus de parrainer, en toute discrétion et en toute indépendance, le candidat de leur choix. Mais cette solution n’est pas entièrement satisfaisante dans la mesure où la démocratie exige en principe le plus possible de transparence et où elle assimile les élus à des individus peureux incapables de s’engager ouvertement. Les Verts par exemple y sont hostiles. De plus, garantir un secret absolu des parrainages ne sera pas chose aisée (lorsqu’un manipule des milliers de formulaires, les fuites sont vite arrivées).

2) Faire parrainer les candidats par les électeurs et non par des élus. C’est, à mes yeux, la plus mauvaise solution. A quel seuil fixer le nombre de parrainages nécessaires: 10 000, 100 000, plus ? Comment le Conseil constitutionnel pourra-t-il vérifier rapidement que les signatures sont authentiques ? Enfin, cette solution risquerait de donner lieu à des candidatures de groupes d’intérêts, voire des candidatures purement publicitaires, détournant l’élection présidentielle de son véritable objet. Elle risquerait de favoriser les candidats les plus doués en marketing ou disposant de ressources financières importantes, et pas forcément les plus représentatifs sur le plan politique. Enfin, cela allongerait encore la durée de la campagne.

3) Adopter un dispositif de parrainage panachant un soutien par les partis politiques et les élus. C’est la formule qui a été proposée par le sénateur Masson en 2005. Les candidats seraient soit désignés par les partis politiques ayant obtenu plus de 5% des suffrages exprimés aux précédentes élections (ce qui permettrait à Jean-Marie Le Pen d’être candidat), soit être présentés par 1000 élus, dont 5% de conseillers généraux, régionaux et députés ou sénateurs (ce qui compliquerait considérablement la tâche des candidats potentiels indépendants ou appartenant à des partis marginaux). Cette formule assouplit le système mais ne l’ouvre pas totalement. Obtenir 5% des suffrages exprimés aux élections législatives n’est pas une mince affaire et peut exclure certains partis non négligeables.

4) Passer à un scrutin proportionnel (ou incluant une dose de proportionnelle) pour les élections législatives. Cela permettrait aux partis ayant une existence significative dans notre pays d’avoir une représentation politique et de ne plus utiliser la campagne présidentielle comme moyen d’existence ou de pression en vue, justement, des élections législatives. Cette solution est politiquement la plus difficile à mettre en œuvre. Les grands partis sont évidemment hostiles à un mode de scrutin proportionnel qui affaiblirait leur influence. Et aussi bien le PS que l’UMP brandissent l’épouvantail du Front national qui, en cas de proportionnelle, pourrait constituer le troisième groupe du Parlement. Sans compter les arguments traditionnels contre la proportionnelle : celle-ci empêcherait de dégager une majorité de gouvernement et favoriserait l’instabilité du régime.

5) Recourir à des primaires au sein des grands courants politiques. C’est, à mon avis, la solution la plus réaliste à court terme, du moins s’il s’agit de primaires ouvertes (et non de primaires fermées, réservées aux seuls adhérents d’un parti, comme celles du PS en novembre 2006). Les électeurs de chaque grand courant politique pourraient directement participer à la désignation de leur candidat tout en évitant les guerres fratricides et les candidatures stratégiques visant seulement à obtenir des gratifications en vue du second tour, ou des législatives. De plus, ce processus oblige les partis à faire, relativement démocratiquement, les compromis indispensables à la clarté de la vie politique. Les primaires organisées par la gauche et le centre gauche italiens en 2005 ont montré que les difficultés matérielles inhérentes à ce type d’opération pouvaient être surmontées. Objection principale à ce système : il avantage les partis susceptibles de participer à des coalitions.

En fin de compte, il n’y a pas de solution miracle. Et la (petite) polémique sur les parrainages cache peut-être le vrai problème : celui de la capacité des partis politiques et des candidats, qu’ils soient grands ou petits, sérieux ou farfelus, officiels ou auto-proclamés, à répondre aux attentes profondes d’une partie substantielle de l’électorat.


Pour aller plus loin:

- Guilledoux F-J., Tous candidats! Le poids des petits dans la présidentielle 2007. Paris: Fayard, 2006

- Comment devient-on président(e) de la République? Les stratégies des candidats. Chapitre 2 (La désignation des candidats), p. 36 à 61 + éléments du chapitre 8 (Le coût et le financement des campagnes)

- Illustration: Situation des parrainages au 25 février selon Le Figaro avec la version "live" ICI

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jeudi 15 février 2007

Comment devient-on président(e) de la République? Les stratégies des candidats

On ne se fait plus élire aujourd'hui comme il y a quarante ans. Plus professionnelles et plus sophistiquées, les stratégies de campagne des candidats à l'élection présidentielle ont beaucoup changé depuis le premier scrutin au suffrage universel direct en 1965.
Comment devient-on président(e) de la République ? Les stratégies des candidats
est une plongée dans les machines électorales des candidats et leurs état-majors. Il analyse les appareils de campagne des candidats, étudie leurs plans de bataille et de communication et explique leurs effets sur la vote. Il propose enfin des outils pour comprendre les évolutions passées et futures de la communication politique en France et dans les démocraties occidentales.

Pourquoi certaines personnalités deviennent des présidentiables, tandis que d'autres n'y parviennent jamais ? Comment s'est mis en place le réseau de Ségolène Royal ? Qu'est-ce qu'un spin doctor et à quoi sert-il? En quoi Nicolas Sarkozy s'est -il inspiré des méthodes de campagne de Tony Blair ? Comment les candidats utilisent-ils les médias ? Quel peut être l'impact de la télévision sur l'issue du scrutin présidentiel ? L'internet aura-t-il un rôle déterminant dans la campagne?

Certaines évolutions récentes des campagnes électorales, comme le recours au croissant au marketing ou la tendance à l'américanisation de la communication politique sont parfois inquiétantes. Mais ce qui a le plus changé dans la relation entre candidats et électeurs, ce n'est pas tant la manière dont les candidats s'adressent aux électeurs que l'aptitude croissante de ces derniers à décoder les opérations de communication des personnalités politiques. Et c'est à ce travail de décryptage que ce livre voudrait les aider.

LA TABLE DES MATIERES DETAILLEE

LES DEBATS AUTOUR DU LIVRE

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CDPR: table des matières


Introduction

1. Les règles du jeu
La présidentielle : élection centrale de la Veme République
Les logiques conflictuelles de l’élection présidentielle

2. La désignation des candidats
La longue marche à la candidature
Vers un recours croissant à des primaires

3. Les plans de bataille
Concevoir une stratégie de campagne
La connaissance des électeurs et des comportements électoraux

4. Réseaux et machines électorales
Les réseaux pour préparer une candidature
Les appareils de campagne

5. Faire connaître son message
La communication directe
La gestion de l’attention médiatique

6. L’image des candidats et les conseillers en communication
Des images à l’image
Le rôle des conseillers en communication

7. Le rôle de la télévision et les effets des médias
La place centrale de la télévision
La lancinante question des effets des médias

8. Le coût et le financement de campagne
Les contraintes légales et leur philosophie
Le budget d’une campagne

9. Le futur de la communication politique
Ce que change l’internet
Vers des campagnes du quatrième type

Conclusion

Bibliographie
Introduction à la vie politique et aux élections
La communication politique
Les médias, les sondages et la politique
Etudes électorales et analyses du comportement électoral
Les analyses électorales du CEVIPOF
Liens internet

Liste des tableaux et encadrés

Les débats autour du livre

28 mars de 8h30 à 10h:

Débat autour du livre
dans le cadre des matinées du CEVIPOF
avec
Jacques Gerstlé (Paris I), Patrick Jarreau (Le Monde) et Philippe Lapousterle (conseiller de François Bayrou pour la presse et la communication), en présence de l'auteur (invitation PDF)




2 avril
de 17h à 19h :
Les médias et l'élection présidentielle: quels effets sur les évaluations politiques des électeurs?

Dans le cadre des Lundis du CEVIPOF
avec Etienne Moujeotte; vice-président de TF1, Denis Muzet, directeur de l'Institut Médiascopie et de l'Observatoire du Débat public, Thierry Vedel, chercheur au CEVIPOF. Débat animé par Pascal Perrineau, directeur du CEVIPOF


Débats passés:

26 février de 14h à 15h 30: Chat en direct sur Nouvelobs.com

28 février de 18h 30 à 20h: "L'internet, futur vainqueur de l'élection présidentielle?
Fondation pour l'innovation politique,
137, rue de l'Université, Paris 7e
(Accès par le 12-14, rue Jean Nicot)

2 mars de 16h à 18h: Débat autour du livre
.Université de Paris 2, Institut français de presse, 92 rue d'Assas, 75006 Paris.

2 mars de 19h à 22h: "L'opinion gouverne-t-elle?"
Centre Pompidou, dans le cadre de la série de débats : Où va notre démocratie?

13 mars de 17h30 à 19h: Débat à la FNAC de Montpellier

15 mars de 18 h à 19h30: Débat à la FNAC de Parly 2

16 mars de 17h30 à 19h: Débat à la FNAC de Paris St-Lazare


CDPR: Tableaux et encadrés


L'ouvrage Comment devient-on président(e) de la République? Les stratégies des candidats comprend 28 tableaux ou encadrés.

En voici la liste pour vous repérer plus facilement





  1. Les pouvoirs du président de la République (p 20)
  2. Les règles de l’élection présidentielle (p 35)
  3. Les profils des présidentiables (p 39)
  4. La désignation de la candidate du PS (p 61)
  5. Des sondages aux focus groups ( p 79)
  6. Résultats du second tour depuis 1965 (p 83)
  7. Les résultats du 1er tour par famille politique (p 84)
  8. Les principaux clubs politiques (p 95)
  9. L’appareil de campagne de Tony Blair en 1997 (p 108)
  10. Qui fait quoi dans une équipe de campagne (p 115)
  11. Communication directe ou indirecte ? (p 124
  12. Interdictions concernant la communication électorale (p 129)
  13. Les régimes de traitement des candidats par les médias audiovisuels (p 142)
  14. Les spins doctors (p 146)
  15. L’image et l’écrit (p 162)
  16. Les slogans des campagnes (p 173)
  17. Les principaux slogans des candidats de 1965 à 2002 (p 175)
  18. Les sources d’information politique utilisées en premier par les électeurs (p 183)
  19. Le vote des auditoires des journaux télévisés (p187)
  20. Effets globaux et individuels des médias : une illustration chiffrée (p 206)
  21. Les principales lois sur le financement des campagnes électorales (p 212)
  22. Les recettes des candidats en 2002 (p 222)
  23. Les dépenses des candidats en 2003 (p 223)
  24. L’efficacité financière des campagnes en 2002 (p 228)
  25. Le rôle des blogs lors de la campagne présidentielle américaine (p 242)
  26. Les deux premières sources d’information utilisées par les électeurs (p 245)
  27. Le niveau d’études des internautes français ayant visité un site politique en mars 2004 (p 246)
  28. Types de campagnes électorales dans le temps (p 259)

jeudi 4 janvier 2007

Les enfants de Don Quichotte et de la télé

Mener une action politique, c’est aussi savoir communiquer. Pour sensibiliser l’opinion, mobiliser des soutiens et inscrire un problème sur l’agenda gouvernemental, les acteurs sociaux doivent mener des actions de communication, et surtout savoir capter l’attention des médias.

Faire ce constat peut sembler relever de l’évidence. Pourtant, jusqu’à la fin des années 1970, les groupes contestataires avaient tendance à se méfier des médias, perçus comme la composante idéologique d’un appareil d’Etat répressif (pour reprendre le vocabulaire de l’époque). Depuis une vingtaine d’années au contraire, de nombreuses associations ou groupements politiques considèrent les médias comme un instrument de leur combat. Greenpeace, Act Up, Droit au Logement ou, plus récemment, le mouvement alter-mondialisation ont su ainsi concevoir des stratégies de communication sophistiquées pour séduire les médias et donner un plus large écho à leurs revendications.

Le campement citoyen organisé le long du canal Saint-Martin par l’association Les Enfants de Don Quichotte illustre à merveille ce type de stratégie. Après une première tentative pour installer un premier campement sur la Place de la Concorde le 3 décembre 2006, l’association a monté une centaine de tentes le 16 décembre entre le 100 et le 140 du Quai de Jemmapes «pour attirer l’attention de la population sur la situation des sans-logis ».

En quelques semaines, cette opération a non seulement capté l’attention des médias, mais conduit le Premier ministre, Dominique de Villepin, à annoncer, le 3 janvier 2007, un projet de loi ayant notamment pour but de formaliser le droit au logement.

Mais pourquoi cette opération là a-t-elle mieux réussi que d’autres ? Il y a plus d’un an, Médecins du monde lançait l’opération A défaut d’un toit, une toile de tente , « pour rendre plus visibles celles et ceux qu’on ne veut plus voir et pour sortir des solutions d’urgence qui n’en sont pas. L’association a distribué en un an plus de 400 tentes, mais sans réussir à provoquer la mobilisation des politiques qu’on constate aujourd’hui. Certes, en juillet 2006, la ministre déléguée à la Cohésion sociale, Catherine Vautrin, nommait une médiatrice, Agnès de Fleurieu, présidente de l'Observatoire national de la pauvreté et de l'exclusion sociale pour dresser un état de la situation et formuler des solutions. Mais, l’installation des tentes était très critiquée et, à Paris, a suscité l’hostilité de certains riverains tandis que la municipalité s’attachait à les faire disparaître, « de façon humaine mais ferme ».

Les ingrédients d'un succès (médiatique)

Sur un plan communicationnel, l’opération des Enfants de Don Quichotte présente plusieurs
éléments qui ont contribué à son succès.

- une association au nom bien trouvé : Don Quichotte pour évoquer les combats chevaleresques et désespérés contre les institutions et les pouvoirs établis, mais enfants pour signifier qu’on ne fait pas « les mêmes erreurs que papa-maman » (d’après Le Figaro du 27 décembre 2006)

- le choix du moment: la période de Noël est évidemment plus propice que d’autres à la compassion envers ceux qui n’ont pas de maison; l’activité politique est ralentie et les médias moins encombrés par les déclarations des responsables politiques.

- le choix du site : comme l’écrit Pierre Haski dans le Libération du 27 décembre, « en agissant (…) dans un quartier en passe de devenir le cœur du boboland parisien, les Enfants de Don Quichotte ont touché efficacement la mauvaise conscience des nantis relatifs à l’heure du consumérisme triomphant de Noël.» De fait, l’opération a reçu un bon accueil de la part du voisinage contrairement à ce qui s’était passé pour les tentes de Médecins du monde.
La proximité du canal devrait de plus empêcher toute intervention policière (par peur d’une noyade dans les eaux glacées).
Enfin, ce site a permis une installation spectaculaire : l’alignement des tentes le long du canal, l’uniformité de leur modèle et leur couleur dominante rouge (qui évoque à la fois Noël et la révolte et créé un effet de masse) fournissent de belles images aux médias, comme celles réalisées par Laurent Hazgui.

- l’utilisation d’un terme bizarre, le droit au logement opposable, qu’on comprend mal de prime abord (et qui sur le plan juridique est assez curieux car si un droit est reconnu par la législation il peut nécessairement être invoqué devant un tribunal) a singularisé l’opération.

- un leader médiatique, comédien de profession, au physique idoine qui est ce que les médias appellent un bon client et passe bien à la télé.

Lorsqu’on consulte le site internet de l’association Les Enfants de Don Quichotte, on constate d’ailleurs que celle-ci accorde une très grande importance aux médias. On y trouve une photothèque, une videothèque, une revue de presse et même une rubrique intitulée Zapping télé. En revanche, on n’y trouve rien sur les statuts de l’association, son mode de fonctionnement, son financement et la composition de son bureau.

Mettre en scène l'obscène?

On peut défendre la médiatisation, voire la spectacularisation, des causes sociales, comme le fait Sébastien Thiery, chargé de recherche à l'Institut de design de Zurich, dans cet article "SDF: mettre en scène l'obscène", paru dans le Libération du 25 décembre 2006.

Quelle que soit la justesse de la cause, l'opération des Enfants de Don Quichotte suscite néanmoins quelques interrogations :

- Quelle est la légitimité d’une association comme Les Enfants de Don Quichotte, alors que bien d’autres associations soutiennent les SDF depuis de très nombreuses années et ont formulé depuis longtemps les revendications que les Enfants de Don Quichotte mettent en avant? Qu’apporte-t-elle au delà de sa capacité à savoir intéresser les médias ?

- N’y-a-t-il pas instrumentalisation de ceux qu’on dit défendre, momentanément transformés en chair à médias, et oubliés dès que le sujet n’est plus dans l’actualité ? Le directeur général de France Terre d’Asile s’est ainsi inquiété d’un « SDF show » qui crée plus de bruit qu’il ne s’attaque aux causes profondes de la pauvreté. Suite à l’extension de l’opération parisienne des Don Quichotte dans plusieurs villes de province, Sébastien Guth, chargé de la communication à l’association Notre-Dame des Sans Abris de Lyon, a dénoncé quant à lui le 2 janvier 2007 « un coup médiatique sans rien derrière, qui n'aborde pas la question de l'accompagnement social ».

En tant que citoyens, nous nous méfions à juste titre des opérations de communication gouvernementale destinées à nous "vendre" telle ou telle politique publique. De la même façon les responsables gouvernementaux et politiques ne doivent-ils pas se méfier d’opérations de communication citoyennes jouant de l’émotion ?
Car les responsables politiques doivent s’efforcer de traiter l’ensemble des problèmes sociaux et non pas seulement ceux qui sont portés par des entrepreneurs politiques, capables de mobiliser médiatiquement (et temporairement) l’opinion publique.

« Regardez plutôt, Seigneur, tous ceux qui vous attendent… tous ceux qui ont faim de pain, faim de chaleur, faim d’amitié…, tous ceux à qui l’on cache le soleil, ceux à qui l’on marchande l’air qu’ils respirent… tous ceux-là, Seigneur, à qui l’on arrache le nom d’homme, que l’on bafoue, que l’on trompe…, que l’on jette à l’ornière et qui vous tendent leurs mains… Ne les apercevez-vous pas ? … N’entendez-vous plus leurs appels ? … Mon maître ! … il faut y aller… Qui sauvera le monde si Don Quichotte l’abandonne ? »

(Sancho à Don Quichotte dans la scène finale de l'adapation d'Yves Jamiaque)

samedi 23 décembre 2006

Elections, pièges à com

"Si le pouvoir rend fou, la quête du pouvoir rend débile." La com est en train de faire perdre tout bon sens aux candidats.
C'est ce que nous dit Jacques Julliard, dans son excellente chronique parue dans Le Nouvel Observateur du 7 au 13 septembre 2006, page 56.
JJ se moque gentiment du slogan de la rupture tranquille. "Dire que des cerveaux d'élite ont sans doute phosphoré des semaines durant pour accoucher de ce monstre sémantique, de cet oxymore de comptoir à connotation vaguement mitterrandienne (...). Pourquoi pas l'eau en poudre, le cercle carré, le nègre blanc, le fusil à tirer dans les coins?"
Et JJ de se demander: "Quand donc les hommes politiques comprendront-ils qu'il n'y a pas plus de recettes pour parler au peuple qu'il n'en existe pour fare m'amour, écrire un poème, ou déguster un vin. (...) Il n'y a pas une bonne manière pour déclarer sa flamme parce que toute rencontre est singulière quand il s'agit de deux individus. De même quand il s'agit d'un homme - ou d'une femme - et d'un peuple."

L'engouement des médias pour le rôle de l'internet dans la campagne présidentielle commence à en énerver quelques-uns.
"Ras-le-bol de la net-politique!" s'exclame Julien Pain dans le numéro de décembre de la revue Médias, qui constate que la net-politique est devenu un nouveau marronnier (sujet que les médias traitent de façon récurrente).
Et je ne suis pas loin de partager son avis. Au cours des deux derniers mois, j'ai été sollicité par une bonne trentaine de journalistes, français ou étrangers, sur ce thème. Je ne peux que leur répéter que l'internet sera certes utilisé durant la campagne, mais que celle-ci se déroulera avant tout à la télévision. De nombreux signes- et notamment cette enquête de l'IFOP que je commenterai prochainement - montrent que le rôle de l'internet reste modeste. 15% des internautes consultent des sites politiques (un tout petit peu plus que lors des regionales de 2004) et seulement 10% lisent des blogs politiques. De plus, ces internautes constituent un public au profil particulier: très nettement masculin, beaucoup plus diplômé et politisé que le reste des électeurs.

vendredi 15 décembre 2006

Le canard visite les sites internet du PS et de l’UMP

L’internet est devenu un outil de communication de politique. Tous les partis et candidats font désormais étalage de leurs activités sur le réseau. Au point que certains d’entre eux semblent se retrouver « à poil sur Internet », comme le titre un article que Le Canard enchaîné a publié ans son édition du 13 décembre 2006 (page 3).

Jérôme Canard, l’auteur de l’article raconte : « Un simple internaute un peu dégourdi – ne parlons pas d’un vrai pirate – peut accéder à des informations confidentielles, et même aux fichiers des adhérents (du PS et de l’UMP)».

Le Canard a pu ainsi s’introduire dans le système Rosam du PS et accéder, sans aucun mot de passe, au fichier qui indique le nombre d’adhérents à la fin de l’année civile, à un autre fichier qui permet de suivre au jour le jour le nombre d’adhésions, ou encore à l’annuaire interne du siège du parti. De plus, indique l’article, les pages du site public du PS sont non seulement consultables, mais aussi « modifiables par n’importe quel malveillant ».
De la même façon, le Canard a pu prendre connaissance du fichier des adhérents de l’UMP, lui aussi non protégé (et ceci, souligne le Canard, bien que les responsables de l’UMP aient déjà été prévenus en septembre 2005 qu’on pouvait accéder aux pages d’administration de leur site et modifier son contenu).

Le côté rigolo de l’histoire, c’est qu’on apprend que le nombre d’adhérents figurant dans ces fichiers ne correspond pas aux chiffres officiels. Selon le Canard, le fichier du PS comptait 133 831 adhérents au 31 décembre 2005, pour 150 000 revendiqués ; celui de l’UMP ne compte que 125 953 (pour 300 000 adhérents revendiqués) et fait apparaître des adhérents portant le même nom (dont une vingtaine de Nicolas Sarkozy).

Le côté inquiétant de l’histoire, c’est l’étonnante légèreté des responsables de l’informatique de ces deux partis. Il savent pourtant que leurs sites sont, bien plus que d’autres, susceptibles d’être attaqués. Comme tous les gestionnaires des données à caractère personnel, ils doivent, selon l’article 34 de la loi Informatique, fichiers et libertés du 6 janvier 1978, refondue par la loi du 6 août 2004 « prendre toutes précautions utiles, au regard de la nature des données et des risques présentés par le traitement, pour préserver la sécurité des données et, notamment, empêcher qu’elles soient déformées, endommagées, ou que des tiers non autorisés y aient accès ». Et cette exigence est d’autant plus grande qu’ils gèrent des données particulières, dites sensibles par la loi, en l’occurrence des données à caractère personnel faisant apparaître les opinions politiques des personnes.
(Rappelons qu’en sens inverse, l’accès frauduleux dans un système de traitement automatisé de données est une infraction réprimée par le Code Pénal).

L’internet, meilleur ennemi des politiques ?

Apparemment, ces négligences ou erreurs ne sont pas nouvelles.

Ainsi le site Zataz rapporte dans cet article "Les politiques sur Internet: à blogs ouverts", publié le 14 décembre 2006 et signé D.B., plusieurs failles de sécurité que ses lecteurs ou sa rédaction ont constatées depuis plusieurs mois dans les sites de l’UMP, du PS et même du FN, ou le blog de Dupont-Aignan. Il était ainsi possible, d’accéder à des données personnelles de modifier les pages de sites ou d’écraser des données.

En avril 2006, un mail auquel été annexé par erreur deux fichiers Excel contenant 3594 noms adresses, mails, numéros de téléphones d’adhérents de la section jeune de Paris avait été envoyé par erreur (sur Zataz du 8 avril 2006).

Plus récemment, le 24 novembre, c’est une première version du discours d’investiture de Ségolène Royal qui avait été envoyée par mail par erreur à une centaine de journalistes (mais, comme le suggère le blog de Netpolitique ICI, certains soupçonnent une fausse fuite destinée à tromper on ne sait trop qui d’ailleurs)

Comme le note ironiquement le site Zataz, « l’internet serait-il le meilleur ennemi des politiques ?» Ceux-ci, écrit D.B., « parlent beaucoup de cette possibilité de s'exprimer sur la toile. De ce lien direct entre eux et les Français ». Mais lorsque des internautes ou des journalistes spécialisés alertent les responsables informatiques des sites politiques sur des problèmes de sécurité, ceux-ci manquent singulièrement de réactivité.

On parle curieusement assez peu de cette affaire sur les blogs.
Deux liens néanmoins :
- Ce billet de Bertrand Lemaire, Sarkofaille et socialofaille, qui rappelle le précédent de l’affaire Tati versus versus Kitetoa.com (le site Kitetoa ayant été poursuivi pour avoir rendu publics les problèmes de sécurité du site Tati).
- Ce billet sur Agora Vox, L’UMP à la recherche des adhérents perdus, (tellement centré sur l’UMP qu’il en oublie presque que les même problèmes existent au PS).

Illustration: fichier Excel des adhérents jeunes de l'UMP (depuis le site Zataz)

Addendum du 20 décembre: Voir la réaction du PS sur le le blog du secrétariat national aux TIC qui apporte des précisions importantes. Bravo pour cette réactivité. En revanche, pas de réaction, à ma connaissance, du côté de l'UMP.

jeudi 7 décembre 2006

Comment devient-on président(e) de la République? J- 73

J- 73:
Dans un peu plus de deux mois, vous saurez tout (ou presque) sur
comment on devient président(e) de la République.

jeudi 23 novembre 2006

Un peu de ségaullisme

Un peu de ségaullisme éloigne de la France, beaucoup en rapproche, pourrait-on dire à la manière de Jean jaurès.

Ce qui frappe dans le premier discours de Ségolène Royal en tant que candidate officielle du Parti socialiste le 17 novembre 2006, c’est sa tonalité gaullienne, assaisonnée d’un peu de socialisme, d’une dose de mitterrandisme, et d’un zeste de "kennedysme" (dans la finale qui reprend, quasiment mot pour mot, le célèbre «Ask not what your country can do for you, ask what you can do for your country» de JFK lors de son discours inaugural de 1961).
C’est peut-être cela ce cocktail qu’on appelle le ségaullisme.

Extraits :
« L'élection présidentielle va à l'essentiel : la possibilité pour chacun de choisir son destin et de le maîtriser dans les turbulences du monde d'aujourd'hui.
Oui, la France peut reprendre la main. Oui elle peut croire suffisamment en elle, renouer avec le meilleur de son histoire, se projeter à nouveau dans l'avenir pour construire un destin commun». (…)
« Regardez l'histoire de France : c'est toujours quand le peuple s'y met que la France avance et bâtit un nouvel avenir. Et aujourd'hui, je sens que le peuple s'y est mis et que ce mouvement va continuer.
Je crois que la France peut puiser dans la meilleure part de son passé des valeurs pour ses combats d'aujourd'hui, à commencer par celles-ci : de fortes raisons de croire en elle. Pour tirer le pays vers le haut, il faut bien sûr comprendre les changements du monde alentour, mais il faut d'abord aimer la France, cette idée toujours neuve, et vouloir que les Français s'aiment en elle.
Nous allons gravir la montagne jusqu'à la victoire. Aujourd'hui c'est un beau jour pour partir au combat car nous sommes portés par un mouvement populaire généreux et heureux qui sent que nous sommes soutenus par une cause qui est plus grande que nous.
Je lance aujourd'hui un appel à tous les Français, hommes et femmes de notre pays.

Rassemblez-vous, mobilisez-vous, demandez-vous ce que vous pouvez faire pour notre pays, imaginons ensemble une France qui aura le courage d'affronter les mutations sans renoncer à son idéal de liberté, d'égalité et de fraternité».

France: 23 – Socialisme: 5

Au total, Ségolène Royal aura prononcé 23 fois le mot France dans son discours et seulement 5 fois le mot socialisme ou socialiste.

Comment ne pas rapprocher ce discours de ceux de Charles de Gaulle?
Par exemple du discours de Bayeux le 16 juin 1946:
« Prenons-nous tels que nous sommes. Prenons le siècle comme il est. Nous avons à mener à bien, malgré d'immenses difficultés, une rénovation profonde qui conduise chaque homme et chaque femme de chez nous à plus d'aisance, de sécurité, de joie, et qui nous fasse plus nombreux, plus puissants, plus fraternels. Nous avons à conserver la liberté sauvée avec tant et tant de peine. Nous avons à assurer le destin de la France au milieu de tous les obstacles qui se dressent sur sa route et sur celle de la paix».
Ou encore de ces mots sur la France dans une déclaration prononcée à l'Elysée le 8 janvier 1959 (in Discours et Messages, t. 3, p.72.)
"Destin de la France ! Ces mots évoquent l'héritage du passé, les obligations du présent et l'espoir de l'avenir».

Rhétorique de la répétition

Dans une autre intervention de Ségolène Royal, son discours du 13 novembre pronncé au gymnase Japy à Paris, on retrouve une autre réminiscence gaullienne, cette fois dans la forme plus que sur le fond.

Extrait :
"Je vous le dis ici. Mon combat pour la laïcité, c'est pour vous femmes voilées, femmes mutilées, femmes excisées, femmes violées, femmes infériorisées, femmes écrasées . Inégalités salariales, violences faites aux femmes, mariages forcés, inégalités dans la formation professionnelle, inégalités dans l’emploi. Mon combat pour la laïcité, c’est pour vous".

Immanquablement, cette énumération rappelle le célèbre : Paris outragée ! Paris brisée ! Paris martyrisée ! mais Paris libérée ! de discours du général de Gaulle àl’Hôtel de ville de Paris le 25 août 1944.
Extrait :
"Pourquoi voulez-vous que nous dissimulions l'émotion qui nous étreint tous, hommes et femmes, qui sommes ici, chez nous, dans Paris debout pour se libérer et qui a su le faire de ses mains. Non ! nous ne dissimulerons pas cette émotion profonde et sacrée. Il y a là des minutes qui dépassent chacune de nos pauvres vies.
Paris ! Paris outragée ! Paris brisée ! Paris martyrisée ! mais Paris libérée !"

Parmi les figures rhétoriques utilisés en politique, la répétition (*) est l’un des procédés les courants et les plus efficaces. Il accroît l’attention auditive de l’auditoire, met en relief, souligne l’importance d’un thème, et appelle naturellement l’applaudissement.

(*) et les figures dérivées ou voisines telles que l’ accumulation (énumération qui créé un effet de profusion), l’anaphore (reprise du même mot en début d’exorde), l’allitération (répétition d’une consonne), l’assonance (répétition d’un son voyelle dans des mots qui se succèdent), la paronomase (assemblage de mots offrant une ressemblance de forme ou de sonorité).

A voir aussi :

L’analyse de Thomas Legrand de RTL, intitulée Royal si proche de Mitterrand en date du 14 novembre 2006.
Thomas Legrand écrit : "On n'a pas l'habitude d'entendre Ségolène Royal sur ce registre des grandes envolées lyriques à la manière des meetings d'autrefois. Et c'est vrai qu'en l'entendant, on pense au célèbre discours de François Mitterrand : le discours de Cancun, en octobre 1981."
L'exorde de Mitterrand :
"Salut,
Aux prêtres brutalisés,
Aux syndicalistes emprisonnés,
Aux chômeurs qui vendent leur sang pour survivre,
Aux indiens pourchassés dans leurs forêts,
Aux travailleurs sans droits,
Aux paysans sans terres,
Aux résistants sans armes".

Quelques grands discours du Général de Gaulle sur le site de l’Institut Charles de Gaulle.