Si vous ne l'avez jamais vue, vous en avez au moins entendu parler. "La force tranquille" est sans doute l'une des plus célèbres affiches politiques françaises et a été déployée sur des milliers de panneaux commerciaux lors de la campagne présidentielle de 1981. Mais depuis la campagne de 1995, les grandes affiches politiques ont quasiment disparu. Voici pourquoi.
Les affiches sont, à côté des meetings, l'un des plus anciens outils de propagande politique. Au 19eme siècle, elles étaient souvent monochromes et surtout composées de textes. L’art de l’affiche politique s’est ensuite sophistiqué - au moins sur le plan technique - à partir de la première guerre mondiale. Les affiches ont davantage fait appel à des dessins et illustrations, se sont appuyées sur des typographies et des couleurs choisies pour frapper l’œil, et ont été organisées autour de slogans (1). Les affiches utilisées lors des campagnes présidentielles sont d’une grande sobriété. Elles font essentiellement apparaître la nom du candidat, sa photo et son slogan et ce contenu est décliné sous trois formes.
Trois types d'affiches lors des campagnes présidentielles
Il y a d’abord les grandes affiches destinées aux panneaux commerciaux (généralement 3X4 mètres). Constituant de la publicité politique, cet affichage commercial n’est autorisé que durant une partie de la campagne. Le code électoral (article 52-1) interdit en effet la publicité politique sur toute forme de support durant les trois mois précédents précédant le 1er du mois du scrutin (concrètement depuis le 1er janvier 2007 pour l'élection en cours). Ne pouvant plus y recourir dans les derniers semaines de la campagne, quand ils pensent que ce serait le plus efficace, beaucoup de candidats préfèrent s’abstenir (d'autant plus que la règlementation sur le financement des campagnes, en instaurant puis abaissant des plafonds de dépenses, a obligé les candidats à diminuer leurs dépenses à partir de 1988). Seule Arlette Laguiller s'est offert en décembre 2006 une campagne d'affichage commercial, comme elle l'avait d'ailleurs fait en en 1995 et 2002, sur 15 000 emplacements pour un montant estimé d'1 million d'euros (soit presque le tiers de son budget total de campagne).
Durant la campagne électorale officielle (quinze jours avant le scrutin), les candidats ont également la possibilité d’apposer deux affiches sur les panneaux officiels situés devant chaque bureau de vote. L’une, au format 841 X 594 millimètres, est destinée à faire connaître leur programme ; l’autre, au format 297 X 420 millimètres, à annoncer leurs réunions publiques. L'impression et les frais d'apposition de ces affiches dites officielles sont remboursés par l’Etat, à condition qu'elles soient de qualité écologique (2).
Tenir les murs
Il y a enfin l’affichage dit sauvage, hors les panneaux commerciaux ou officiels. Celui-ci est en principe interdit durant les trois derniers mois de la campagne, mais il persiste néanmoins. L’impact de cet affichage sauvage, effectué en général par des militants bénévoles soutenant les candidats, est très incertain. Les affiches apposées de cette façon ont une durée de vie très courte, car elles sont fréquemment recouvertes ou arrachées par les adversaires. Celles qui subsistent sont parfois détournées par des inscriptions ou des papillons ajoutés qui modifient le sens du slogan. Ainsi, en 1981, l’affiche de VGE « Il faut un Président à la France » a inspiré nombre de plaisantins ou d’opposants, le détournement le plus simple consistant à ajouter une bulle faisant dire « Mitterrand » au Président sortant. Enfin, l’influence des affiches sur les électeurs n’a jamais été démontrée.
Comment alors expliquer la persistance de l’affiche sauvage ? Celui-ci constitue sans doute un rite politique qui remplit des fonctions symboliques et socio-psychologiques. « Tenir les murs d’un quartier », suivant la formule utilisée par les afficheurs politiques, c’est marquer son territoire et ses zones d'influence et indiquer à ses adversaires sa puissance militante. L’affichage sauvage constitue également une sorte d’épreuve d’initiation à laquelle on confronte les nouveaux adhérents d’un parti pour tester leur engagement et leur détermination. Il contribue enfin à renforcer la cohésion et la solidarité des équipes militantes sur le terrain.
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(1) Quatre codes définissent au total une affiche : le code chromatique (couleurs) ; le code typographique (caractères du texte) ; le code photographique (adrage de la photo) ; le code morphologique (mise en page globale). Voir : Gourevitch J.-P., L'image en politique. De Luther à Internet et de l'affiche au clip. Paris: Hachette, 1998.
(2) Arrêté du 2 mars 2007. L'impression des grandes affiches officielles est remboursée pour un montant maximal de 0,18 euro par unité et leurs frais d'apposition pour 2,20 euros par unité.
A signaler:
- "Je m' voyais déjà". L’image du candidat à l’élection présidentielle, 1848–2007. Une exposition qui présente des affiches politiques et montre notamment les figures des candidats qu'elles offrent: "le tribun, le père, le chef, le professeur, l’ami(e) et la star". Au Passage de Retz, du 22 mars au 13 mai 2007.
(Le commissaire de cette exposition est Laurent Gervereau à qui l'on doit de nombreux ouvrages sur les affiches politiques, notamment le très beau Terroriser, manipuler, convaincre! Paris: Somogy, 1996).
- Une très intéressante (et engagée) analyse rétrospective d'affiches politiques sur le blog ulfablabla ( à qui j'emprunte l'affiche de Bové détournant malicieusement celle de Le Pen - et qui, semble-t-il, n'est pas une affiche officielle de Bové).
Ce texte est un extrait de Comment devient-on président(e) de la république? Les stratégies des candidats (Robert Laffont).
Vous trouverez d'autres éléments sur les moyens de communication utilisés par les candidats pour diffuser leur message dans le chapitre 5 de cet ouvrage.
mercredi 28 mars 2007
Où sont donc passées les grandes affiches politiques?
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3 commentaires:
Les affiches s'avèrent peut être un media de communication trop couteux par rapport aux retombées qu'elles engendrent.
Avec la multiplication des blogs et autres sites Internet traitant de la politique, la communication politique s'est donc vu contrainte à évoluer... et les affiches ont sans doute été les premières victimes.
Néanmoins, ce raisonnement ne vaut que pour l'élection présidentielle où seuls quelques hommes et femmes sont acteurs.
Dès les législatives de juin, on pourra voir fleurir à nouveau des affiches un peu partout.
Marquer son territoire, épreuve d'initiation des nouveaux adhérents... Oui, c'est bien ça. L'affichage sauvage, le pire, c'est bien un truc de militants, qui n'ont absolument rien à faire des problèmes des gens, qui veulent juste faire passer leur candidats, battre l'autre camp, s'en fiche de l'aspect dégueulasse que peut prendre un mur couvert, recouvert d'affiches.
Bon, par contre, tu dis "l'affichage sauvage est interdit trois mois avant", moui, enfin, le principe même d'affichage sauvage est interdit, tout le temps, c'est comme un tag.
ton blog me fait rire
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