jeudi 7 mai 2009

Faut que ça buzze !

Un ministre, constamment relié à sa cellule de veille internet, s'efforce de s'adapter en temps réel à ce qui agite les internautes: requêtes les plus populaires sur les moteurs de recherche, google trends ou page ranks, indices de visionnage sur youtube, gazouillage sur les réseaux sociaux, etc.). Ce qui l'amène in fine à une douloureuse confrontation avec la réalité.

Une amusante video dans laquelle l'équipe d'Action discrète de Canal Plus imagine ce que pourrait devenir la communication politique.




Pour la petite histoire: en 1996, lors de congrès du parti conservateur à Brighton, les travaillistes avaient monté une opération dite de rapid rebuttal en s'appuyant sur les technologies de communication les plus avancées. Captant en direct les discours des leaders conservateurs gràce à un ami inflitré au sein du congrès et équipé d'un dispositif de transmission, ils élaboraient des messages de réfutation qui étaient immédiatement transmis par pager (le sms de l'époque) aux journalistes présents dans la salle. Ainsi, ceux-ci, quelques minutes après avoir entendu un orateur conservateur, recevaient, comme par magie, des données démontant ou discréditant ce qu'il avait dit. Cette opération a toujours été niée par les travaillistes, mais a fait l'objet d'une scène dans le docudrama The project réalisé par Peter Kosminsky et diffusé sur la BBC en 2002.
La pratique du rapid rebuttal devait être ensuite systématisée et améliorée grâce à l'utilisation d'une base de données appelée Excalibur.
Voir: Carr J., Excalibur: democracy's deficit. New Statesman, 17 January1997.

mercredi 29 avril 2009

Beauté de la démocratie (?)

Après la "peopolisation", allons-nous vers une "velinisation" de la communication politique?

"Veline" est le terme générique donné en Italie aux jeunes femmes apparaissant dans différents programmes télévisés de divertissement (tout particulièrement l'émission Striscia diffusée sur la 5 du groupe Mediaset) et dont le rôle se résume pour l'essentiel à se trémousser en tenue légère autour des animateurs (j'ai mis une photo assez sage par rapport à ce que l'on peut voir sur You tube).

Silvio Berslusconi vient d'annoncer que son parti, Popolo della Liberta (PdL), comptait investir plusieurs veline (dont Camilla Ferranti, qui a tenu un rôle dans Incantesimo, une série télé se déroulant dans un clinique de chirurgie esthétique; Eleonora Gaggioli, une actrice de télévision; Barbara Matera, qui a concouru pour le titre Miss Italie en 2000; Angela Sozio,ex-participante du Grande Fratello).

Cette initiative est sans doute la plus mauvaise façon de combattre la sous-représentation chronique des femmes dans l'espace politique. Comme le souligne ma collègue de l'Université de Bologne, Sofia Ventura, dans un billet intitulé Donne in politica: il "velinismo" non serve, ces jeunes femmes ne sont que de jolis bibelots, et ce n'est pas en reproduisant les images stéréotypées et dégradantes des femmes dont la télévision se repaît que l'on va moderniser une culture politique encore très machiste.

Pour justifier sa décision, Silvio Berlusconi a dit qu'il souhaitait rénover l'image de l'Italie et du PdL en Europe en faisant appel à des visages neufs et jeunes. A mes yeux, le recours aux veline me semble relever à la fois d'un symbolisme assez frustre et d'un réalisme froid et cynique. D'un côté, il y a l'idée que la beauté et la jeunesse du corps féminin représentent celles du corps social. Notre propre pays n'échappe pas à ce symbolisme assez primaire: pour dire combien la République est belle, ne transformons nous pas nos plus belles actrices - Michèle Morgan, Brigitte Bardot, Catherine Deneuve, Latetitia Casta - en bustes de Marianne ?












(Photos: BB - Marianne 1968 ou 1969? - par Aslan sur le site de l'Assemblée nationale (!);
Michèle Morgan, Marianne 1972; annonce du choix de Catherine Deneuve pour le buste de Marianne 1985; Laetitia Casta, Marianne 2000).

D'un autre côté, Berslusconi est un communicateur expérimenté: il se livre cyniquement à une opération de publicité dont il est à peu près certain qu'elle attirera l'attention des médias et d'une multitude de blogs (dont celui-ci) et alimentera des discussions et controverses sans fin. Plus que jamais nous devons méditer le vieux proverbe chinois: lorsque le doigt nous montre la lune, le sage sait qu'il faut regarder le doigt.


Devinette pour la route: Cette affiche - qui s'efforce d'attirer l'attention en jouant (assez maladroitement) sur le sinistre "Sois belle et tais-toi" - apparaît actuellement dans le cadre d'une campagne électorale. Mais dans quel pays?
(C'est assez étonnant).