Petit retour sur les stratégies de campagne menées jusqu'ici par les 4 "grands" candidats.
Une stratégie de campagne c'est la combinaison de trois types d'activités - politiques (ou programmatiques), communicationnelles et logistiques - autour d'un candidat. Pour analyser les stratégies des candidats, il faut autant examiner les actions qu'ils ont engagées dans chaque domaine que leur capacité à les coordonner.
La machine Sarkozy et ses fragilités
De ce point de vue, c'est sans doute la campagne de Nicolas Sarkozy qui, jusqu'à présent, peut le plus impressionner. Son appareil de campagne apparaît bien outillé sur le plan programmatique et fonctionne bien sur le plan logistique (les relations entre les trois pôles sur lesquels Nicolas Sarkozy s'appuie - le ministère de l'Intérieur, l'UMP et son équipe de campagne - étant plutôt harmonieuses).
NS est surtout particulièrement offensif en matière de communication : forte occupation de l'espace médiatique par la multiplication d'événements et de déclarations qui fournissent régulièrement de la matière fraîche aux journalistes ; réactivité aux initiatives de ses adversaires grâce à un suivi constant de l'actualité assuré par une cellule de veille ; déclinaison coordonnée et répétée du message du candidat par un groupe de porte-paroles et de parlementaires, suivant le principe du « stay on message » appliqué dans les campagnes de Tony Blair. La stratégie de Nicolas Sarkozy illustre bien les évolutions de la communication politique moderne : centralisation des actions, spécialisation des rôles, et professionnalisation des compétences.
On a néanmoins assez peu relevé le changement de cap opéré fin décembre par le candidat de l'UMP. Durant une grande partie de l'année 2006, Nicolas Sarkozy a axé son message sur le thème de la rupture et de « la France d'après » et pris des positions en décalage avec la tradition gaulliste. Il s'agissait sans doute de désamorcer préventivement les attaques menées sur le bilan du gouvernement auquel il appartient (point sur lequel ont souvent achoppé les premiers ministres en fonction qui se sont présentés à l'élection présidentielle). Depuis janvier, Nicolas Sarkozy a amendé son programme et retenu un slogan moins flamboyant. Cette réorientation, sans doute nécessaire pour assurer la cohésion politique de l'UMP et rassurer certaines parties de son électorat, témoigne d'une grande capacité d'adaptation. Mais elle a aussi brouillé quelque peu le message de Nicolas Sarkozy et on aperçoit désormais moins bien l'axe majeur qui structure sa campagne.
L'autre fragilité de NS, c'est le risque d'usure. La machine tourne à plein depuis de nombreux mois et on a parfois le sentiment que le candidat nous a déjà presque tout dit.
Ségolène Royal: une erreur cognitive?
Par contraste, la stratégie de Ségolène Royal est apparue plus hésitante. L'équipe de campagne a rencontré au moins trois problèmes.
Le plus manifeste est un manque de coordination entre l'état-major de la candidate socialiste et l'appareil du PS. Les ressources de ce dernier n'ont pas été suffisamment mises à profit, d'où une tendance à la démobilisation chez de nombreux responsables, militants et experts socialistes, sans compter quelques dysfonctionnements dans l'organisation matérielle de la campagne.
Deuxième difficulté : la temporalité lente de campagne choisie par Ségolène Royal s'est heurtée à la temporalité plus rapide des médias. Alors que la candidate socialiste était toujours dans une phase d'écoute, les médias étaient déjà passés dans une phase de comparaison et d'évaluation des programmes. D'où un sentiment d'absence de projet de la part de Ségolène Royal.
Enfin, on peut être surpris par la communication peu offensive de l'équipe de campagne de Ségolène Royal. Celle-ci s'est surtout attachée à se défendre contre les attaques - par exemple après sa déclaration sur le Québec, ou sur le coût de son programme après le discours de Villepinte - plus qu'à questionner les positions de ses adversaires.
Plus généralement, on a l'impression que l'équipe de Ségolène Royal est restée prisonnière des schémas cognitifs de ses précédentes victoires électorales (les régionales de mars 2004 et les primaires du PS en novembre 2006) et n'a pas pris toute la mesure de la complexité et de la dimension conflictuelle du nouvel environnement politique dans lequel elle devait opérer. Comme si le changement d'échelle qu'impliquait la campagne présidentielle n'avait pas été bien perçu, ainsi qu'en atteste le sous-dimensionnement initial de l'équipe de campagne de Ségolène Royal.
La réorganisation de l'équipe de campagne intervenue fin février s'efforce de répondre à ces difficultés. Symboliquement, elle témoigne de la capacité de Ségolène Royal à réaliser les compromis nécessaires et est de nature à remobiliser l'électorat de gauche. Opérationnellement, Ségolène Royal pourra s'appuyer sur des leaders socialistes expérimentés et capables de décliner plus offensivement son message.
Bayrou: l'image de l'homme tranquille
Comme on le sait, François Bayrou a su s'insérer dans le débat électoral en questionnant l'indépendance des médias. Par delà la réalité du problème et les convictions sincères du candidat centriste sur le sujet, cette stratégie s'est avérée habile : elle a contribué le distinguer de ses adversaires mais aussi à capter l'attention des médias en jouant à la fois de leur tendance au narcissisme et de la concurrence nouvelle entre les médias traditionnels et un Internet, supposé plus émancipé.
Ce qui me frappe dans la stratégie de François Bayrou, ce n'est pas tant les innovations dans son dispositif de campagne, au demeurant plus modeste que celui de ses adversaires et traditionnellement assez décentralisé, ou la nouveauté radicale de son discours (qui s'inscrit dans la tradition idéologique du centre droit) que la maturité de l'homme. Comme François Bayrou le répète lui-même, il a changé. On note chez lui une sorte de sérénité, qui lui permet d'avoir une relation plus paisible avec les médias et donne plus de force à son message.
Ce qui nous rappelle combien l'expérience compte dans une élection présidentielle. On a beau sophistiquer l'outillage des campagnes ou concevoir des stratégies de communication complexes, c'est aussi à partir de la personnalité du candidat que se construit une campagne.
La campagne traditionnelle de Le Pen
Quant à la stratégie de campagne de Jean-Marie Le Pen, elle peut apparaître plus souterraine, si on se fie à l'écho qu'en donnent les médias. Ceci est peut-être dû au fait que le Front national concentre pour l'instant ses énergies sur la collecte des parrainages (à laquelle il a déclaré consacrer un budget d'1 million d'euros).
Après un engagement tonitruant avec une série de 6 affiches, le candidat n'en continue pas moins de faire une campagne, qu'on peut qualifier de traditionelle, selon deux axes : en tenant régulièrement des meetings en province qui lui permettent de délivrer de grands discours programmatiques et de mobiliser ses sympathisants les plus engagés, toujours friands des prestations oratoires du chef ; en apparaissant régulièrement à la télévision, médium traditionnellement favorisé par le candidat du Front national car c'est celui qui lui permet de toucher le mieux son électorat.
Ce texte est extrait d'un entretien publié sur le site de l'IFOP.
mardi 6 mars 2007
Stratégies de campagne
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1 commentaire:
La campagne internet 2.0 de BAYROU.fr est la meilleure. Attention a l effet multiplication des electeurs de son http://e-soutiens.bayrou.fr/
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