Les réunions publiques, de la rencontre entre un candidat et quelques dizaines d’électeurs dans les préaux d’école aux grands meetings rassemblant plusieurs dizaines de milliers de personnes en passant par les banquets républicains ou les prises de parole devant un groupe de travailleurs, font partie du répertoire de la communication politique depuis plus d’un siècle et demi.
Toute campagne présidentielle comprend de nombreuses réunions publiques et tous les candidats consacrent des budgets parfois substantiels à cette forme de communication. Lors de la campagne présidentielle de 2002, les réunions publiques ont représenté en moyenne 28% des dépenses des candidats, et parfois bien davantage (40 % ou plus pour Arlette Laguiller, ce qui surprend peu, mais aussi Jacques Chirac et Christine Taubira) (1). Certains candidats, notamment les petits, participent à plusieurs dizaines de meetings dans les deux derniers mois de la campagne.
L’évolution des meetings lors des présidentielles
Depuis une quarantaine d’années, on peut noter deux tendances dans la forme des réunions publiques organisées lors des présidentielles.
Jusqu’à la fin des années 1980, les grands candidats ont privilégié les très grands meetings rassemblant jusqu’à 40 ou 50 000 personnes (notamment dans des stades). En 1974 et 1981, une véritable compétition, suivie de semaine en semaine par les médias, s’était même instaurée entre Valéry Giscard d’Estaing et François Mitterrand, le nombre de participants étant vu comme un indicateur de la popularité de chaque candidat.
Depuis 1988, les candidats tendent à organiser des réunions de taille plus réduite. Plutôt que le nombre de personnes assistant à la réunion, ils s’efforcent de mettre en valeur le thème de leur intervention, chaque réunion permettant de décliner, en fonction de la ville ou de la région où elle a lieu ou bien en fonction de la composition de l’auditoire, un aspect particulier du programme du candidat (2). La législation sur le financement des campagnes est également un facteur qui a conduit certains candidats à réduire le nombre de leurs meetings. Les candidats ont enfin le souci de recourir à des modes de communication plus modestes, qui symbolisent leur proximité avec les électeurs. En 1995, Jacques Chirac avait ainsi commencé sa campagne par de petites réunions lui permettant de dialoguer avec la société civile. De la même façon, les toutes premières réunions publiques de Ségolène Royal ont été conçues pour souligner combien elle était au cœur des préoccupations des gens : la candidate socialiste est ainsi intervenue non pas depuis une tribune, mais debout au milieu d’auditeurs assis en cercle autour d’elle.
Deuxième grande évolution : les réunions électorales présidentielles sont aujourd’hui davantage organisées pour donner lieu à des images pour les journaux télévisés qu’à l’intention des personnes qui sont présentes sur place. L’entrée des candidats est calée sur les horaires des journaux télévisés. Les décors, les éclairages et les tribunes sont conçus pour bien passer à l’écran. De jeunes militants sont placés aux premiers rangs pour souligner le soutien dont bénéficie le candidat. On donne aux participants des pancartes, des banderoles, des drapeaux qui amplifient la masse de la foule et témoignent de son enthousiasme. Dans certains cas, les images mêmes du meeting sont produites par l'équipe du candidat et fournies aux chaînes de télévision qui n'ont pas l'autorisation de capter leurs propres images.
Une spectacularisation de la politique ?
Cette construction des réunions publiques comme objet télévisuel ne témoigne pas forcément d’une plus grande spectacularisation de la vie politique… car les réunions politiques en public ont toujours comporté une dimension spectaculaire.
Lors des campagnes législatives de la fin du 19eme siècle, les réunions étaient contradictoires et, à la manière d’un match politique, opposaient plusieurs candidats lors de joutes oratoires (3) . Les banquets républicains du début du 20eme siècle, chers aux Radicaux, étaient de grands moments de réjouissance où l’on chantait et se racontait des blagues. Les meetings du Front populaire étaient des spectacles au sens propre du terme. Des chanteurs, chorales ou musiciens y participaient ; on demandait à des artistes plasticiens de concevoir les décors et on scénarisait leur déroulement. Ce qui a changé avec le développement de la télévision, c’est que le spectacle qu’ont toujours été les réunions politiques est désormais conçu pour un public qui n’est pas là, et non plus pour le public présent physiquement qui, lui, est devenu une des composantes du spectacle, acteur et non plus spectateur.
Les meetings sont-ils utiles ?
On peut se demander pourquoi les candidats, alors qu’ils peuvent toucher gratuitement des millions de personnes via les médias, persistent à utiliser cette forme de communication – coûteuse, lourde à organiser, et n’intéressant qu’une infime partie des électeurs (les enquêtes montrent que moins de 10% des électeurs assistent à un meeting durant la campagne). On peut trouver de multiples raisons à cela.
Les réunions publiques sont des sortes de grandes fêtes qui renforcent la cohésion des équipes de campagne et stimulent l’engagement des militants ou des sympathisants (qui constituent l’essentiel du public). Autre raison : les réunions publiques fournissent de belles images, celles d’un démocratie vivante. Elles symbolisent la communion du candidat avec le peuple. Loin de la communication froide des studios de radio ou de télévision, les réunions donnent de la chair et de la vie à la communication des candidats, la rendent plus attrayante et en démultiplient les effets. Dès lors, les sommes parfois importantes qui sont consacrées aux réunions publiques peuvent s’assimiler à un investissement publicitaire. Leur coût ( qui peut atteindre les 500 000 euros pour un meeting rassemblant plusieurs dizaines de milliers de personnes) doit être rapporté non au nombre de personnes présentes sur place mais aux retombées médiatiques qu’elles génèrent. Enfin, les candidats tiennent des réunions publiques tout simplement parce qu’ils aiment cela. Parler devant une vaste audience est une expérience exaltante, de l’avis de tous ceux qui l’ont vécue. Les candidats sont souvent transcendés, et leur discours gagne en force. François Mitterrand prenait une autre dimension lorsqu’il parlait devant une large assemblée. Et même les candidats qui ne sont pas forcément de très grands orateurs en public ne résistent pas à ces moments délicieux qui leur donnent le sentiment d’être portés par la foule et d’être entendus.
Ce texte est un extrait de Comment devient-on président(e) de la république? Les stratégies des candidats (Robert Laffont).
Vous trouverez d'autres éléments sur les moyens de communication utilisés par les candidats pour diffuser leur message dans le chapitre 5 de cet ouvrage.
Légendes et crédits photo:
- Meeting de F. Bayrou à Annecy le 8 mars 2007 (depuis le site du candidat)
- Banquet républicain sous la révolution (depuis le site du Sénat).
- Meeting de MG. Buffet au Zenith à Paris le 23 janvier 2007 (photo Julien
Foucher).
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(1) Source : Comptes de campagne publiés par le Conseil constitutionnel.
(2) Cette planification thématique des réunions publiques a été cependant pratiquée dès 1965, tout particulièrement par Jean Lecanuet.
(3) Voir M. Offerlé, Un homme, une voix? Histoire du suffrage universel. Paris: Gallimard, 2002. Michel Offerlé décrit la réunion électorale comme une forme de loisir de quartier où l’on vient parfois en famille (p. 89-91).
Tags: meeting - communication politique - présidentielle - campagne
dimanche 25 mars 2007
A quoi servent les meetings?
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1 commentaire:
PATRIDIOTISME
Le Patriotisme Français est par essence anti-Allemand.
Est ce que les Français ont vraiment la Nostalgie de 1914
qui fut l apogée du sentiment patriotique en Europe ?
www.unionsbuerger.de
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