lundi 11 août 2008

La loi des séries


Après la survenance d’un accident ou d’un événement dramatique, les médias remarquent parfois que d’autres accidents ou événements du même type se produisent dans les jours ou semaines qui suivent. Ils évoquent alors une loi de séries, comme si tout à coup le malheur arrivait par grappe. Il semblerait qu’une force funeste fasse se crasher plus que d’ordinaire les avions commerciaux (août 2005), pousse soudain des chiens à attaquer mortellement des enfants (juin 2006), provoque une épidémie d’altercations violentes entre des enseignants et leurs élèves (automne 2007), ou conduise des parents à oublier leur bébé dans leur voiture (juillet 2008).
Mais ce que nous croyons être une série n’est dû qu’à notre façon de mal observer la réalité et le résultat de diverses erreurs de perception, ou biais cognitifs dans le langage savant. En voici quatre parmi les plus courants.

1) L’effet d’amorçage.
Lorsqu’un événement très spectaculaire se produit et suscite une certaine émotion, notre attention pour ce type d’événement est momentanément aiguisée. Ce biais nous affecte tous, mais il touche particulièrement les journalistes dans leur sélection des nouvelles. Ainsi, les médias nationaux s’intéressent en général peu à la quarantaine d’accidents de passage à niveau qui ont lieu chaque année. Mais si l’un d’entre eux est particulièrement médiatisé (en raison de ses circonstances, du nombre de victimes, voire même parce que l’actualité était creuse à ce moment là), les médias vont faire davantage attention aux dépêches rendant compte d’autres accidents de ce type, alors que ces dépêches auraient été jetées à la poubelle en temps normal.
(Accessoirement, les médias aiment d’autant plus l’idée d’une loi des séries qu’elle leur permet de transformer un événement en problème de société).

2) Le biais de confirmation (très proche du biais précédent et qui le renforce).
Pour tester la validité nos connaissances, croyances ou idées, nous avons généralement tendance à rechercher des éléments qui les confirment, et non pas des éléments qui les contredisent. Si, par exemple, nous sommes convaincus qu’il y a un réchauffement climatique, nous allons être enclins à la fois à davantage remarquer et mieux retenir les signes qui confirment ce phénomène, et à négliger bien d’autre signes qui le relativisent.

3) L’incapacité à évaluer correctement les statistiques.
Nous avons souvent du mal à interpréter correctement les probabilités, notamment parce que nous oublions la taille de la population de référence. Même si un événement a une probabilité d’occurrence extrêmement faible, il a des chances de se produire si on le rapporte à une population très nombreuse. Par exemple, en jouant à pile ou face, la probabilité d’obtenir pile dix fois de suite est de 0,0009765625 (1/2 à la puissance 10), grosso modo une sur mille. Mais, si des millions de personnes jouent en même temps à pile ou face, la série pile dix fois de suite se réalisera des dizaines de fois.

4) L’attente excessive d’étalement.
Nous avons tendance à penser que des événements aléatoires doivent se répartir de façon étalée et à peu près équidistante dans le temps. Or, par définition, le hasard n’est soumis à aucune règle. Par exemple, si nous effectuons de très nombreux tirages aléatoires de douze dates dans une année, il arrivera très souvent que plusieurs de ces dates ne soient éloignées que de quelques jours. (Sur 100 000 tirages, la moyenne des écarts minima entre deux dates sera de 2,65 jours alors qu’intuitivement beaucoup d’entre nous penserait qu’elle serait voisine de 25-30 jours).
Toutefois, à certaines époques de l’année, il y a bien une plus grande fréquence d’événements d’un type particulier … parce que ces événements sont liés aux caractéristiques d’une période (le climat ou la chaleur dans le cas des bébés oubliés dans les voitures ; l’augmentation du trafic aérien lors des vacances dans le cas des crashes d’avions charters, etc.)

Pour aller plus loin :
Gérald Bronner, Coïncidences. Nos représentations du hasard. Paris : Vuibert, 2007.
(Gérald Bronner, maître de conférences en sociologie à Paris IV, s’attache depuis de nombreuses années à déchiffrer les logiques de nos croyances).
Jean-Paul Delahaye, Les inattendus mathématiques. Paris : Belin, 2006 (d’où sont issus les chiffres sur l’attente excessive d’étalement).

1 commentaire:

Anonyme a dit…

thxxx