lundi 6 février 2006

Des sondages pour Sarko? Critigite aigüe du Canard


Dans son édition du 1er février 2006, Le Canard enchaîné, toujours (et heureusement) aussi déchaîné, épingle le CEVIPOF (le centre de recherches politiques de Sciences-po) et critique, dans un encadré en page 2 intitulé "Sondagite aigüe", les enquêtes électorales qui vont être réalisées en 2006 et 2007 par ce centre.
"A la demande de Sarkozy", écrit le Canard, "quatre enquêtes géantes seront réalisées d'ici 2007 (...). 5600 personnes devraient être intérrogées, alors que les panels classiques ne dépassent guère le millier". Plus loin, le Canard note que, si des études similaires aient été réalisées en 2002 sous Daniel Vaillant, "à l'époque, un seul sondage avait été effectué avant le premier tour".

Je n'ai pas trop l'habitude de parler de ma maison sur ce blog. Mais en voici l'occasion.

Il est tout à fait exact que le CEVIPOF va réaliser un ensemble d'enquêtes électorales d'ici l'élection présidentielle de 2007: d'abord un baromètre politique en 4 vagues, entre mars 2006 et janvier 2007, sur des échantillons nationaux et régionalisés de 5600 personnes pour chaque vague; ensuite, un panel électoral en deux vagues.

Pourquoi autant de vagues d'enquêtes?

Parce qu'il s'agit de mieux comprendre comment la conjoncture (les enjeux et la dynamique de campagne notamment) influe sur l'évolution des préférences électorales. Depuis une vingtaine d'années, on contaste en effet que les comportements électoraux sont moins conditionnés que par le passé par les clivages sociaux ou religieux. Et cette question fait l'objet d'un important débat scientifique que ces enquêtes contribueront à éclairer.

Pourquoi interroger 5600 personnes, au lieu de 1000 comme on le fait souvent?
Accroître la taille de l'échantillon permet d'abord de réduire la marge d'erreur, et donc la validité des enseignements qu'on peut tirer d'un sondage: lorsque on interroge 1000 individus, la marge d'erreur est à peu près de + ou - 3%, avec un intervalle de confiance de 95% (ou autrement dit, si le résultat donné par le sondage est de 47%, il y a 95 chances sur 100 que le "vrai" résultat soit situé entre 44 et 50%); lorqu'on interroge 5600 personnes, la marge d'erreur ne sera plus que de + ou - 1,3%.
(Si vous voulez vous amuser à calculer les marges d'erreur en fonction de la taille de l'échantillon, vous pouvez consulter ce calculateur ICI ).
Mais, il y a un avantage bien plus important. Un "gros" échantillon permet de multiplier les tris croisés et de travailler sur des sous-groupes. Avec un échantillon de 1000 individus, il est souvent difficile d'étudier en profondeur les électeurs des petits partis ou petit candidats, car il forment des groupes dont les effectifs sont trop réduits pour être significatifs. Avec un échantillon de 1000 personnes, j'aurai, par exemple, beaucoup de mal à analyser quel journal télévisé regardent les électeurs de l'extrême-gauche, car je n'aurai qu'un groupe d'une cinquantaine de personnes. Avec un échantillon de 5600 personnes, non seulement je pourrai plus rigoureusement me livrer à cet exercice, mais je pourrai également contrôler mes résultats avec d'autres variables (comme par exemple le niveau d'études).

Ces sondages sont-ils réalisés pour Sarko?
Les sondages dont il est question relèvent d'un vieux projet: celui de mener systématiquement à chaque élection française des enquêtes électorales sur le modèle des National Electoral Studies (NES) qui se pratiquent régulièrement dans de nombreux pays anglo-saxons, aux Etats-Unis ou en Grande-Bretagne par exemple. Ces enquêtes sont financées par les pouvoirs publics, mais réalisées en toute indépendance par des centres de recherche universitaires. Les résultats sont communiqués à l'ensemble du public, et de plus, les données sont ensuite mises à la disposition d'autres chercheurs (qui peuvent ainsi vérifier ou approfondir les analyses menées par leurs collègues ou effectuer d'autres traitements).

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