En ce moment c'est la période des universités d'été des partis politiques (qui, en France, sont apparues il y a une vingtaine d'années).
Mais à quoi servent ces universités d'été?
Daniel Boorstin (1914-2004)
En 1961, un historien et conservateur à la Librairie du Congrès, Daniel Boorstin, publie un ouvrage intitulé: The Image: A guide to Pseudo-Events in America.
Boorstin définit les pseudos-événements, comme des événements planifiés et organisés dans le but principal d'être couverts par les médias. La substance du pseudo-événement importe moins que sa valeur médiatique (la"newsworthiness" dont j'ai déjà parlé dans ce blog). Un pseudo-événement fonctionne souvent comme une prophétie auto-réalisatrice (self-fulfilling prophecy): le fait de l'annoncer suffit à le faire exister.
Selon Boorstin, si les pseudo-événements attirent tant les journalistes, c'est qu'ils sont en général:
- écrits comme une pièce dramatique,
- avec des rôles répartis entre des personnages intéressants,
- générateurs d'images symboliques,
- et conçus pour rassurer ("Even if we cannot discuss intelligently the qualifications of the candidates or the complicated issues, we can at least judge the effectiveness of a television performance. How comforting to have some political matter we can grasp" ecrit Boorstin).
Addendum du 12/09: Selon Le Canard enchaîné du 7 septembre 2005, l'université d'été de l'UMP aurait coûté 1,6 million d'euros, celle du PS 250 000 euros et celle de l'UDF 200 000 euros.
Lire le premier chapitre de The Image: A guide to Pseudo-Events in America
In France, many political parties are currently having what they call their summer school.
These can been seen as pseudo-events as defined by Daniel Boorstin in his 1961 book. Peuso-events are events which
- are not spontaneous, but come about because someone has planned or incited them,
- are planted primarily (not always exclusively) for the immediate purpose of being reported or reproduced. Therefore, their occurrence is arranged for the convenience of the reporting or reproducing media.
Pseudo-events success is measured by how widely they are reported. The question, "Are they real?" is less important than, "Are they newsworthy?"
According to Boorstin, if pseudo-events are attractive, it is because they are scripted and dramatic, include a cast of interesting characters, produce iconic images and are designed to be re-assuring: "Even if we cannot discuss intelligently the qualifications of the candidates or the complicated issues, we can at least judge the effectiveness of a television performance. How comforting to have some political matter we can grasp!"
mardi 30 août 2005
Universités d'été et pseudo-événements
dimanche 28 août 2005
Observés/ Watched
Un Festival des films de poche (superbe néologisme !) aura également lieu au Forum du 7 au 9 octobre. Pour en savoir plus et, éventuellement, vous inscrire (avant le 15 septembre),cliquez ICI.
Festival des films de poche
Le Forum des Images est une institution parisienne dédiée à l'image et au cinéma, subventionnée par la Mairie de Paris, et située dans le Forum des Halles. Il organise régulièrement des festivals thématiques et propose des visionnages de films à la carte à partir d'une collection de 6 500 films, documentaires et émissions de télé, dont la plupart a un rapport, même ténu, avec Paris.
(En raison des travaux de numérisation et de rénovation du Forum des images, la salle de consultation est fermée au public. En attendant sa réouverture, la collection du Forum sera en partie disponible au Pavillon de l'Arsenal à partir de novembre 2005, en accès libre).
vendredi 26 août 2005
Les médias et les crashes aériens
Pourquoi le crash du MD 82 de la West Caribbean au Venezuela le 16 août 2005 a-t-il été nettement plus couvert par les médias français que celui du Boeing 737 de la compagnie Helios en Grèce le 14 août, pourtant tout aussi dramatique?
Pourquoi en 2004, les médias français n’ont-ils pratiquement pas rendu compte des 27 accidents d’avions civils survenus au cours de l’année et qui ont causé au total 410 morts (source Organisation de l’aviation civile internationale), à l’exception du crash du Boeing de Flash Airlines en Egypte ? Pourquoi des événements en apparence très similaires ne sont pas traités de la même manière par les médias ? Et plus généralement, qu’est-ce qui fait que parmi les millions d’événements qui surviennent chaque jour, certains - et pas d’autres - retiennent davantage l’attention des médias ?
Les nouvelles sont des construits sociaux
Tout un courant de la sociologie des médias s’est intéressé à cette question, notamment en s’efforçant de comprendre ce qui rend une information intéressante pour les médias, ce que les anglo-saxons appellent la newsworthiness. Ainsi, en 1965, Galtung et Ruge ont identifié pas moins de 12 paramètres en fonction desquels un événement sera plus ou moins pris en compte par les médias. Par exemple, un événement bref, facile à appréhender, ayant des conséquences négatives sur un grand nombre de personnes proches de nous aurait plus de chance d’être couvert par les médias qu’un événement long, de faible amplitude et dissonant par rapport à nos schémas culturels. Autrement dit, nous nous intéressons davantage aux malheurs de nos compatriotes qu’à ceux des populations lointaines (voir mon billet Proche des yeux, proche des coeurs? de janvier dernier).
Ce type d’approche, qu’on pourrait qualifier d’ontologique, souffre toutefois de deux défauts. Sa portée opératoire est faible dans la mesure où les critères retenus peuvent se combiner (et donc se renforcer ou se neutraliser) de milliers de façons. De plus, et surtout, les médias ne sélectionnent pas les événements dont ils rendent compte en fonction de leurs seules caractéristiques intrinsèques. Les nouvelles sont des construits sociaux, travaillés par les médias et les acteurs politiques. On l’a bien vu dans l’extraordinaire théâtralisation du deuil des familles martiniquaises.
Quant à la « loi des séries », dont nous taraudent les médias depuis une semaine, elle n’a aucun fondement scientifique. Elle procède plutôt d’un effet d’optique, lié à un processus psychologique, connu sous le nom d’amorçage (priming) et dont j’ai déjà parlé dans un précédent post.
A partir du moment où notre attention a été attirée sur quelque chose, ce quelque chose va souvent orienter notre vision de la réalité et les jugements que nous sommes amenés à effectuer par la suite. Ainsi, dès lors qu’un premier accident d’avion est survenu à Toronto, les journalistes ont commencé à prêter une plus grande attention à ce type d’informations, notamment en triant les dizaines de dépêches d’agences qu’ils reçoivent quotidiennement. De la même façon, il est fréquent, lorsqu’un crime particulièrement horrible a fait la une des journaux, que d’autres crimes soient signalés dans les semaines suivantes par les médias. Ce qui signifie pas que tout à coup la criminalité a augmenté, mais seulement que les médias prêtent (temporairement) davantage attention à ce type d’événements. Et s’il y a série, ce n’est pas la réalité qui la produit, mais les médias qui la construisent.
Thèmes : Sociologie des médias
samedi 20 août 2005
Blogs parisiens
Ils habitent près de chez vous, ils bloguent et vous ne le saviez pas. Grâce à l'astucieuse idée de Paname Ensemble (apparemment une sorte de city magazine en blog), on peut visualiser combien de blogueurs habitent près de chaque station de métro et jeter un coup d'oeil sur leur blog.
Petit bémol: Seuls les blogs inscrits par leurs auteurs sont répertoriés. Et pour s'inscrire, il faut donner une adresse e-mail dont j'ignore comment elle sera utilisée (aucune indication n'est donnée à ce sujet par Paname Ensemble). Gmail, le service mail de Google considère les envois de Paname Ensemble comme des spams.
Deuxième bémol (addendum du 29 septembre): Ce site semble avant tout être un support publicitaire si j'en juge d'une part par le nombre d'annonces commerciales qu'il comporte, et d'aute pat par les encarts qu'achète le site sur d'autres sites.
Carte des stations de métro des blogueurs parisiens
Dans un autre genre, on peut visiter Paris Neuvième, un bon petit blog de quartier.
jeudi 18 août 2005
Summer game: where did I go?
jeudi 11 août 2005
Summer reading: Frida Kahlo
Le journal intime de Frida Kahlo a été publié en 1995 par les Editions du chêne. Frida y dit ses souffrances, son amour pour Diego Rivera, l’un des plus grand peintres muraux mexicains (mais aussi un drôle de bonhomme qui fut zapatiste et finit stalinien). Ce journal, mêlant douceur et lucidité amère, est émouvant. C’est aussi un beau livre qui offre 70 reproductions (principalement des aquarelles) de ces auto-portraits que Frida Kahlo, de manière obsessionnelle et parfois cruelle, n’a cessé de faire.
Frida by Nickolas Muray (1938) - Couverture du Journal de Frida
"I never painted dreams. I painted my own reality".
Pour en savoir plus sur Frida Kahlo:
- Un hommage flamboyant et incisif sur un site perso derives.free.fr:« Femme qui parle la souffrance, la beauté, la laideur, la mort, la construction, la déconstruction, la fidélité, l'infidélité, femme accomplie dans une peinture passion, femme de la Révolution, femme du Mexique, femme cyborg, femme flamme, femme icône ».
- Si vous êtes de passage à Londres, ne manquez pas (Frida Kahlo la très belle exposition sur Frida Kahlo à la Tate Gallery, un exemple de ce qu’une muséologie intelligente permet de produire.
- Un site italien consacré à Frida Kahlo, très complet.
Frida Kahlo, a Mexican painter (1907-1954), was a singular character. Her life was driven by passion and sensuality, but also physical suffering (she contracted polio at the age of five and was later severely injured in an accident – throughout her life she had dozens of surgical operations and she painted many of her works laying in bed). An early feminist, Frida was in constant rebellion against social and moral norms of her time. She had many lovers, men and women, including Leon Trotsky and André Breton’s wife (nevertheless, Breton was a great fan of her and she was one of muse of the surrealist movement). But her great love was Diego Rivera, one of the most famous Mexican painters of the 20th century, especially known for his mural works, whom she married twice. Proud of her "Mexicanidad" and cultural traditions, she also fought against the rampant Americanization of her country.
Et aussi (pour lire sur la plage/a reading for the beach):
Cher Diego, Quiela t’embrasse par Elena Poniatowska. (Essayez de vous procurer l'édition de 1984, bien plus jolie que les rééditions ultérieures)
Diego Rivera vient à Paris avant la Grande Guerre, où il rencontre Angelina Beloff, russe et peintre elle aussi. Ils vivent ensemble pendant dix ans. Puis Diego Rivera retourne au Mexique où Angelina Beloff devait le rejoindre, mais il ne donne plus signe de vie. Elena Poniatowska, écrivain mexicaine comme son nom ne l’indique pas, a imaginé les lettres qu’Angelina écrivait à Diego et auxquelles celui-ci ne répondait pas. Un petit bijou de texte, d'une beauté déchirante.
jeudi 4 août 2005
Jeu d'été /Summer game
Essayez de dire à haute voix la couleur de chaque mot (et non le mot écrit):
Try to say the color of each word (not the written word):
JAUNE BLEU ORANGE
NOIR ROUGE VERT
VIOLET JAUNE ROUGE
Pas facile, hein? C'est, paraît-il, parce que notre cerveau a deux parties qui se chamaillent sans arrêt: la partie droite essaie de dire la couleur alors que la partie gauche insiste pour lire le mot.
Not so easy, right? This is because the left part of our brain attempts to say the colour while the right part insists on reading the word.