lundi 28 juillet 2008

(ré-) Ouvert pour cause de congés payés

Incroyable, mais vrai...
Alors que, le mois d'août approchant, il devient de plus en difficile de trouver une boulangerie ouverte à Paris, alors que des panneaux "Fermé pour congés payés" apparaissent sur des milliers de vitrines, le blog reprend ses activités.

Réouverture officielle le dimanche 4 août 2008
(avec une épatante nouvelle rubrique Grain de sel).


mercredi 9 janvier 2008

La suppression de la publicité sur les chaînes publiques en 7 questions

"Je souhaite donc que le cahier des charges de la télévision publique soit revue et que l’on réfléchisse à la suppression totale de la publicité sur les chaînes publiques qui pourrait être financé (sic) par une taxe sur les recettes publicitaires accrues des chaînes privées et par une taxe infinitésimale sur le chiffre d’affaire de nouveaux moyens de communication comme la téléphonie mobile et l’accès à Internet.

Voilà une révolution qui, en changeant le modèle économique de la télévision publique, changera du tout au tout la donne de la politique culturelle dans la société de communication qui est la nôtre".
Nicolas Sarkozy, Conférence de presse du 8 janvier 2008.


1) Une annonce inattendue, mais une vieille idée (de gauche)
L’annonce de NS a été une surprise et dans les débats actuels sur le financement de l’audiovisuel, on envisageait plutôt une augmentation des ressources publicitaires des chaînes publiques. En témoigne d’ailleurs cette dépêche boursière du 8 janvier à 9 h43 : UBS abaissait sa recommandation sur TF1 d'acheter à neutre, ainsi que ses objectifs de cours sur TF1 et M6, la banque estimant que les perspectives publicitaires des chaînes étaient moroses.

Mais supprimer toute publicité sur les chaînes publiques n’est pas un projet nouveau, et c’est même un vieux projet de gauche.
- En 1989, Michel Rocard, alors premier ministre, souhaitait mettre en œuvre cette réforme en la finançant notamment par une taxe de 3% sur l’ensemble des investissements publicitaires, médias et hors-médias. (MR vient de déclarer ce matin que François Mitterrand avait refusé cette réforme sur le conseil de son ministre des Finances, Pierre Bérégovoy, qui pensait quelle entraînerait à terme une hausse de la redevance et donc de l’inflation).
- En septembre 1999, une centaine d’intellectuels et de professionnels de l’audiovisuel (dont Pierre Bourdieu) signaient une lettre ouverte proposant une suppression totale de la publicité sur France Télévision.
- En 2002, à la suite des travaux d’une commission présidée par Jean Martin, diverses sociétés d’auteurs dont la SACD, la SCAM et la SRF, s’étaient également prononcées pour la suppression de la publicité.

2) Le modèle britannique: un bon modèle?
Parmi les grandes chaînes publiques de télévision en Europe, seule la BBC fonctionne aujourd’hui sans publicité. Mais le financement de la BBC reste problématique et fait l’objet de constants débats depuis plus de vingt ans (cf. le rapport Peacock de 1985). Si la BBC parvient à fonctionner c’est grâce à une redevance élevée (135,50£ actuellement avec une augmentation régulière planifiée jusqu’à 148£ en 2012) et grâce aux ressources qu’elle tire de la vente de programmes et de services (20% de son budget en 2007, la redevance représentant 74%, le reste provenant de dotations budgétaires). Le BBC Trust mène depuis plusieurs années une politique de réduction de ses coûts. Enfin, la programmation de la BCC a été souvent critiquée au cours des dernières années, notamment pour ne pas prendre assez en compte les besoins de la population.

Si la Grande-Bretagne nous fournit un exemple intéressant, c’est moins celui de la BBC que celui de Channel Four dans sa première version (1982-1990). Cette chaîne alors sans publicité et entièrement financée par les autres chaînes privées du réseau ITV avait la mission de proposer une programmation alternative en visant notamment les minorités de la société. Et pendant ses dix premières années, elle a fait preuve d’une grande innovation et liberté créatrice.

3) Une bonne nouvelle pour les télévisions privées ?

Qui va profiter des investissements publicitaires qui vont aujourd’hui aux chaînes publiques ?
- Une partie seulement de ces investissements va se reporter sur d’autres vecteurs. Ce qui intéresse surtout un annonceur à la télévision, c’est de toucher la plus grande audience possible (notamment aux heures de grande écoute). Investir davantage sur TF1 ou M6 ne sert à rien si on ne peut toucher les téléspectateurs qui regardent France 2 au même moment.
- TF1 et M6 ont des espaces publicitaires limités par la règlementation (6 mn en moyenne journalière avec un maximum de 12 mn par heure). Certes, elles pourront augmenter leurs tarifs, mais il faudrait que la demande pour leurs écrans augmente elleaussi. Or, dans un contexte de crise économique larvée, les annonceurs tendent actuellement à réduire leurs budgets publicitaires grands médias.
Pour que TF1 et M6 puissent bénéficier de façon optimale de la suppression de la publicité sur les chaînes publiques, il faudrait augmenter le plafond horaire moyen autorisé par jour (voire le supprimer, comme le permet la directive TSF) et autoriser une seconde interruption publicitaire durant les films (voire une troisième puisque la directive TSF autorise une interruption toutes les 35 mn pour un film).

Si report il y a, il se fera sans doute vers les nouvelles chaînes de la TNT, l’internet et sous la forme d'un retour vers la presse écrite et la radio (qui ont vu leurs ressources publicitaires baisser ou stagner du fait de l’ouverture de la publicité télévisée aux grands distributeurs).
Il n'est pas sûr que TF1 et M6 en profitent à plein.

(On peut constater qu’après avoir spectaculairement bondi le 8 janvier (TF1 est passé de 16,5 à 18,36 à la clôture), les cours de ces deux sociétés ont baissé presque dans la même proportion aujourd’hui 9 janvier).

4) Comment financer la manque à gagner pour l’audiovisuel public ?
Les recettes publicitaires de France Télévision avoisinent les 840 millions d’euros. Où et comment trouver l’équivalent de cette somme?

Les taxes :
- La taxe sur « les recettes publicitaires accrues des chaînes privées » est la première solution envisagée par NS (on notera au passage le très ambigu « accrues » : l’assiette de la taxe portera-t-elle sur toutes les recettes ou seulement sur leur éventuelle augmentation à venir). Mais celle-ci ne pourra couvrir au mieux qu’une partie du manque à gagner, sauf à fixer un taux excessivement élevé.
Question en suspens : inclura-t-on dans l’assiette de cette taxe les autres médias susceptibles de bénéficier de la suppression de la publicité à la télé ? (Cela m’étonnerait qu’on veuille énerver la presse écrite avec cela).
- La taxe sur les chiffre d’affaires des opérateurs de téléphonie mobile et les FAI: là, il y a de quoi faire si l’on considère le chiffre d’affaires des opérateurs de téléphonie mobile (autour de 17 milliards d’euros) et leurs marges bénéficiaires confortables. En revanche, ce n'est peut-être pas une bonne idée de taxer les FAI si l’on veut encourager la diffusion de l’internet.
Si je fais une estimation à la louche : le chiffre d’affaires cumulé des chaînes de télévision privées, des opérateurs de téléphonie mobile et des FAI se situe entre 23 et 25 milliards d’euros. Il faudrait donc taxer à 3,5 ou 4%.

Augmenter la redevance :
Cette option est pour l’instant écartée par l’entourage de NS (cf. l'intervention à Europe 1 ce midi de son conseiller spécial, Henri Guaino, qui a joué un grand rôle dans le concept de politique de civilisation, dont la suppression de la publicité fait partie). Mais elle m’apparaît inéluctable (et on peut compter sur le lobbying des acteurs économiques : à service public, financement public).

Une réduction du budget l’audiovisuel public:
Si l’on ne veut pas taxer trop lourdement les opérateurs privés et si l’on ne veut pas augmenter la redevance, c’est la troisième possibilité qui m’apparaît, elle aussi, inéluctable (et l’exemple de la BBC va dans ce sens).
Elle peut prendre la forme d’une politique de réduction des coûts au sein de chaque chaîne publique, d’un regroupement de chaînes au sein du groupe France télévisio, ou - plus explosif et pour l’instant politiquement difficile - d’une "réduction du périmètre de France Télévisions" comme on dit, c’est à dire de la privatisation d’une de ses chaînes.

5) Moins de publicité, donc de meilleurs programmes ?
C’est le raisonnement implicite non seulement de Nicolas Sarkozy mais aussi de tous ceux qui dans le passé ont adhéré à ce projet.
Ce raisonnement fonctionne en fait en deux temps : Pas de la publicité, donc pas de course à l’audience; pas de course à l’audience, donc possibilité d'une programmation plus volontariste poursuivant des buts élevés.
Mais ces deux relations, surtout la première, sont loin d’être évidentes :
- La suppression de la publicité sur les chaînes publiques ne va pas nécessairement abstraire celles-ci de la logique de l’audience. Les taux d’audience ne sont pas seulement des indicateurs économiques servant à maximiser les ressources publicitaires; ce sont aussi des indicateurs politiques qu’on utilise (à défaut d’autres) pour mesurer la réponse à «la demande» ou la satisfaction des «attentes» des téléspectateurs. Même sans publicité, les chaînes publiques (du moins F2 et F3) chercheront toujours à toucher des audiences significatives pour établir leur légitimité et démontrer qu’elles sont utiles au public et font du bon travail. Que dirait-on de France 2 si, aux heures de grande écoute, elle n’était regardée que par moins d’un million de téléspectateurs ?
- La programmation d’une chaîne de télévision n’est pas seulement fonction des taux d’audience que peuvent réaliser ses émissions : elle dépend aussi de la réglementation et des contraintes imposées par les pouvoirs publics en matière de programmation et de production.
- Enfin, une chaîne publique qui n’aurait pas d’objectifs d’audience ne sera pas forcément une chaîne de qualité. Cela dépendra d’abord des moyens financiers dont elle dispose et ensuite des talents de ceux qui la font.

NB: Les liens des références seront bientôt mis en ligne.

A venir:
6) Vers une plus grande dépendance de l’audiovisuel public à l’égard du gouvernement.
7) Qu'est-ce que le service public dans l'audiovisuel?

lundi 31 décembre 2007

Amoureuse non-encore médiatisée

En faisant le ménage dans les fichiers de mon ordi, (préparation à un changement de portable - grosse opération riche de petites leçons sociologiques, et même carrément épistémologiques, sur lesquelles je reviendrai - plus que bonne résolution pour 2008), je retrouve ce mp3 d'une chanson assez étrange de Jérôme Minière, Amoureuse non-encore médiatisée. Et comme le hasard a toujours un sens, je vous propose d'en écouter un bout (cliquez juste en dessous sur la flèche verte du lecteur mp3):

NB: Si vous ne voyez pas le lecteur mp3 juste dans la ligne en dessous (une flèche verte, deux bouton puis une bande grise), merci de me l'indiquer en précisant: quelle version de navigateur vous utilisez; quel logiciel audio vous utilisez (Window Media Player, Real Player, Quick Time, etc.): si vous avez bien avez bien le Flash player installé.


Amoureuse non encore médiatisée par jérôme Minière

Jérôme Minière, né à Orléans et désormais établi au Québec, est un artiste éclectique. Peut-être parce qu'il a du mal à s'accommoder au monde qui l'entoure, il créé de petits univers ironiques. Après avoir commis quelques albums personnels, plutôt intimistes mais aussi assez électroniques, il est désormais engagé dans le projet Herri Kopter (dont le slogan est Le client est notre roi). Ca promet.


[Art work by Herri Kopter]

Une belle et douce année 2008 pour vous et tous ceux que vous aimez et/ou qui vous aiment.

dimanche 23 décembre 2007

Valence, l'hiver

I don't want a lover, just to be seen in the back of your car

Je veux pas un amant, juste qu’on me voie à l’arrière de ton auto. Anton, un jour, lui avait envoyé un lettre dans laquelle il avait écrit en exergue cette phrase, tirée d’une vieille chanson des Smiths. Il trouvait qu’elle exprimait bien la relation ambi­guë qu’il en­tretenait avec Andréa, la façon qu’elle avait d’être avec lui sans l’être complète­ment.

L’auto roulait lentement dans les rues de Valence. A l’arrière, Andréa regar­dait les gens qui déambulaient sur le trottoir. A un moment, du côté de la Place Alfonso el Magnánimo, la voiture a dépassé un couple qui s’embrassait. L’homme était appuyé contre un mur. La femme était assise sur une vespa et le tenait par le col du veston. Andréa sentit une bouffée de tris­tesse l’envahir. Elle aurait tant voulu qu’un homme l’embrasse comme cela. L'auto-radio diffusait une drôle de chanson, un peu jazzy. What did Gillepsie do…, to help you? Elle reprit le refrain en essayant d’imiter la ma­nière du chanteur. Mais qu’a donc fait Gillepsie (très vite)…, pour m’aider (lente­ment)?


L’avion pour Paris était en retard. Dans la salle d’embarquement, une hô­tesse expliqua qu’il neigeait en France et qu’on attendait que les pistes de l’aéroport soient dégagées. On décollerait probablement dans une heure disait-ellle. Andréa savait par expérience que l’attente serait plus longue et elle regretta de ne pas s’être promenée davantage dans la ville. Elle aimait beaucoup la douceur de Valence, l’hiver. Elle repensa au couple à la vespa et, de nou­veau, elle se sentit triste. L’image d’une petite fille, en robe à carreaux vi­chy qui, sur un balcon, attachait les lanières de ses sandales lui revint. Andréa se dit qu’elle n’aurait jamais d’enfant et elle se mit à pleurer.


A lire en écoutant Salted slug de Winter Family
Salted Slug by Winter Family

mercredi 19 décembre 2007

L'amour, hum hum



L'amour, hum hum, j'en veux pas
J'préfère les temps en temps
Je préfère le goût du vent
Ou le goût étrange et doux de la peau de mes amants
Mais l'amour, hum hum, pas vraiment !

(Carla Bruni, Quelqu'un m'a dit, Naïve, 2002)


Tout est dit, non?
Une vidéo de la chanson interprétée en concert PAR LA

On peut écouter aussi ici La chanson de Maglia de Serge Gainsbourg

samedi 8 décembre 2007

C'est reparti ! (enfin presque)

Après une longue période de léthargie, le blog va reprendre ses activités.

Ou plus exactement, je vais réactiver mon blog (j'aimerais bien que mon blog écrive tout seul, mais malgré toutes les merveilles du Web 2.0, il faut encore que je lui donne des idées).

Pour l'instant, j'essaie de récupérer toutes les mises en forme et liens que j'ai perdus du fait de "la mise à niveau" de mon blog sur la plateforme blogger. Et c'est vraiment du boulot, aussi passionnant que quand on change d'ordi.

Eh, oui: les sauts technologiques, censés simplifier la vie ou la rendre plus belle, commencent toujours par la compliquer! C'est le fameux paradoxe de la productivité (1): bien que depuis cinquante ans, on n'arrête pas de s'équiper en machines et réseaux de plus en plus puissants, on ne travaille pas beaucoup plus vite. Le temps que allons gagner en efficacité, nous commençons par le perdre en apprentissage et en adaptation.

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(1) "You can see the computer age everywhere but in the productivity statistics". Solow, Robert M. (1987). We’d better watch out. New York Times Book Review (July 12), p. 36.
Pour une discussion un peu ancienne (1998), mais toujours d'actualité, ce papier de Jack E. Triplett, The Solow Productivity Paradox: What Do Computers Do to Productivity? (PDF). Voir en particulier le point 6.

mercredi 25 avril 2007

En attendant le grand débat

Le grand débat de l'entre deux tours lors des élections présidentielles françaises est un objet politique rare puisqu’en cinquante ans de cinquième République, nous n’avons eu que quatre débats de ce type (1974, 1981, 1988 et 1995).
Comme on s'en souvient, il n'y avait pas eu de débat en 2002, Jacques Chirac refusant de débattre avec Jean-Marie Le Pen, car "face à l'intolérance et à la haine , il n'y a pas de transaction possible, pas de le débat possible" (1).


La France, pays précurseur des grands débats présidentiels

Notre pays a été, en 1974, l’un des premiers pays à diffuser un débat télévisé entre les candidats à la présidence. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les Etats-Unis n’ont pas été beaucoup plus en avance en la matière. Certes, en 1960, une première série de débats télévisés entre les candidats démocrate et républicain à la présidence, John Kennedy et Richard Nixon, eut lieu en 1960. Mais la pratique fut ensuite interrompue (2) et ne reprit qu’en 1976, non sans difficultés. En Europe, les grands débats télévisés entre leaders de coalitions politiques ne sont pas systématiques (il est vrai que les élections mettent en présence d'abord des partis et non des personnalités comme lors de l'élection présidentielle française). C’est seulement lors des élections de 2005 qu’un débat télévisé fut organisé pour la première fois en Allemagne entre les candidats à la chancellerie. Et en Grande-Bretagne, cette pratique n’est pas encore entrée dans les mœurs bien qu’elle soit régulièrement souhaitée.

Ces débats sont très prisés par les électeurs et recueillent des audiences considérables (23 millions pour le débat de 1974 diffusé il est vrai sur les trois chaînes; presque 17 millions pour le dernier débat en 1995). Ils donnent lieu à des échanges de grande intensité et aussi aux fameuses petites phrases dont on se souviendra longtemps après l’élection.

En 1974, on se rappelle ainsi que Valéry Giscard d’Estaing avait touché un point faible de François Mitterrand en le qualifiant « d’homme du passé ». Visiblement, la formule avait été soigneusement préparée car VGE martela constamment ce thème en reprochant à de nombreuses reprises à son adversaire de se référer à la France d’avant et d’avoir peur de se projeter dans le futur avec des idées neuves.

On a moins noté en revanche un autre moment du débat (29eme minute) lorsque VGE s’adressa à FM en lui parlant de Clermont-Ferrand , « une ville qui vous connaît et me connaît bien ». Mais pourquoi donc mentionner Clermont-Ferrand ? Jean-François Balmer, qui en ce moment « rejoue » avec Jacques Weber les débats de 1974 et 1981 au Théâtre de la Madeleine, m’a récemment donné la clef de cette petite énigme : c’est la ville dont est originaire Anne Pingeot. Et on peut imaginer que, de la part de VGE, l’allusion n’était pas fortuite mais bien destinée à déstabiliser FM (3), ou au moins à lui faire comprendre qu'il était au courant de sa vie affective.

Les règles du débat
Tout débat doit suivre des règles qui définissent son déroulement (ce qu’on appelle généralement le format du débat). Celle-ci concernent notamment :

- la durée globale du débat et de ses différentes composantes ;
- les rôles des différents participants et les modalités de leurs interventions ;
- l’agencement du lieu du débat ;
- et, en cas de retransmission télévisée, les modalités de cadrage. Ainsi en France, les plans de coupe (cadrage sur un candidat pendant que l'autre parle) ont été jusqu'à présent systématiquement refusés lors des débats du second tour.

Dans un débat politique, on pourra distinguer :
- les débatteurs proprement dit (personnalités politiques, candidats),
- les questionneurs (journalistes spécialisés et, parfois, public),
- l’animateur qui s’attache à faire respecter les règles et tout spécialement celles relatives aux temps de parole.

En général, on considère que chacun des débatteurs doit disposer du même temps de parole. C’est en quelque sorte l’application au débat politique d’un des principes de base de toute démocratie : l’égalité des citoyens. Et c’est sans doute pour cette raison que les débatteurs sont attachés presque religieusement à cette règle, même s’il est assez évident que l’impact qu’on peut avoir sur l’auditoire d’un débat ne dépend pas seulement du temps dont on dispose (et qu’une intervention claire et concise peut être bien plus efficace).

Le débat politique à l’américaine : mythe et réalités
Lorsqu'on parle de débat électoral en France, on fait souvent référence au « débat politique à l’américaine ». Ce fut notamment le cas en octobre 2006 lors du débat entre les candidats à la canidature du PS.

Cette référence est doublement rigolote.
Pourquoi devrions-nous prendre le modèle américain comme exemple du bon débat politique ?
Il n’y a pas, aux Etats-Unis, un format unique de débat politique, mais au contraire une multitude de formats (chaque élection donnant lieu à d’âpres discussions sur le bon format), et tous font l’objet de critiques.

Depuis 1948, trois grands types de formats ont été utilisés lors des primaires ou campagnes présidentielles américaines (avec de nombreuses de variations pour chacun):
- le format podium : les candidats sont debout derrière un pupitre ou assis sur des chaises. Ils font face aux à des panélistes (journalistes) et au modérateur (animateur). Suivant les cas, les candidats répondent seulement aux questions des panélistes ou bien peuvent s’adresser les uns aux autres.
- le format dit town meeting: le débat en lieu en présence d’un public (qui souvent peut poser des questions). Les candidats sont généralement debout derrière des pupitres et ils peuvent être autorisés à marcher sur la scène.
- le format table-ronde : les candidats ainsi que l’animateur sont assis autour d'une table et s’adressent directement les uns aux autres.

Quelque soit la formule retenue, les débats politiques sont souvent critiqués. Voici quelques-uns des problèmes identifiés (d’après Diana B. Carlin et Mitchell S. McKinney, 1994) :
- les candidats n’ont pas assez de temps pour répondre de façon substantielle aux questions;
- ils ne répondent pas toujours à la même question, ce qui empêche les comparaisons, ou tout simplement ne répondent pas aux questions posées ;
- les panélistes sont trop intrusifs ou, au contraire, ils n’interviennent pas assez ;
- les panélistes représentent mal les préoccupations de la population ;
- le format question-réponses ne favorise pas un vrai débat.

Les débats politiques sont-ils utiles ?
Oui répondent dans l’ensemble les recherches menées sur le sujet.

- Les débats élèvent le niveau d’information et de connaissance politiques des électeurs.
- Ils accroissent l’intérêt pour les campagnes électorales et la vie politique.
- Ils permettent aux citoyens de comparer les candidats, leurs personnalités et leurs projets, et leur fournissent des éléments utiles pour leur vote.
- Ils rendent la politique plus vivante et plus concrète, voire spectaculaire (au sens premier du terme: qui surprend, étonne et frappe l'imagination)
- Ils facilitent l’acceptation des résultats des élections et, plus généralement, renforcent l’attachement aux principes de la démocratie.

En revanche, les recherches sur les débats politiques suggèrent que ceux-ci n’ont que très peu d’effets sur les intentions de vote, mais tendent plutôt à renforcer les dispositions pré-existantes des électeurs. On a souvent noté que les citoyens qui regardaient les débats politiques télévisés étaient des citoyens plutôt politisés, aux opinions déjà bien établies, tandis que les citoyens qui pourraient être les plus sensibles à l’influence des débats les regardaient en général très peu.

_________________
(1) Meeting de Rennes, 23 avril 2002.
(2) Les présidents sortants rechignant à débattre avec leur adversaire et, aussi, en raison de la règlementation audiovisuelle sur l'égalité entre candidats.

(3) Rapporté également par Ariane Chemin et Géraldine Catalano dans leur ouvrage sur Mitterrand
Une Famille au secret (Stock, 2005)

A voir ou revoir : Les débats du second tour de 1974 à 1995 sur le DVD produit par l’INA.


NB: Ce billet est une reprise de différents billets déjà publiés sur ce blog.

mardi 17 avril 2007

Opérations estimation et sondages sortie des urnes

Le 22 avril, dès 20 heures, alors même que des milliers d'électeurs viendront juste de mettre leur bulletin dans l'urne, les principaux médias annonceront les résultats du premier tour. Mais comment est-ce possible?

Pratiquement, deux techniques sont utilisées par les médias pour annoncer les résultats probables de l’élection.

Les opérations estimation consistent à extrapoler les résultats nationaux à partir des dépouillements effectués dans certains bureaux qui ferment à 18h ou 19 heures. Ces bureaux sont choisis en fonction des résultats des scrutins passés pour former un échantillon de bureaux représentatifs du corps électoral. Puis, en appliquant des modèles d’ajustement (pour tenir compte des différences dans l’offre politique avec les précédentes élections), on estime les résultats nationaux à partir des premiers résultats des ces bureaux. Une première estimation a lieu dès 18h30 (mais n’est pas rendue publique pour ne pas influencer les derniers votants) et est ensuite affinée au fur et à mesure de la prise en compte de suffrages supplémentaires.
La première opération estimation a été conduite en 1965 par une équipe de l’AFP, conduite par le politologue Jean-Luc Parodi, travaillant à partir des résultats d’une centaine de communes. Elle a permis d’établir dès 19 heures h50 que le Général de Gaulle obtenait de 42 à 45% des suffrages et était donc en ballottage au premier tour (1).
Les opérations d’estimation permettent généralement de bien cerner les grandes tendances du 1er tour et donnent de très bons résultats pour le 2eme tour. Mais, elles ont deux défauts. Elles sont très coûteuses, car elles mobilisent de nombreuses personnes (quatre à cinq cents pour une élection présidentielle, plus encore pour les autres élections). Elles ne donnent pas d’indications sur la composition des électorats et les motivations du vote.

C’est pourquoi les chaînes de télévision font appel, depuis 1983, à une seconde technique : les sondages sortie des urnes ( SSU).
Les SSU sont des sondages réalisés le jour même de l’élection auprès d’un échantillon d’électeurs venant de voter. Ceux-ci sont interrogés à la sortie des bureaux sur le vote qu’ils ont effectué ainsi que sur les raisons de leur choix.
Le principal avantage des SSU est de fournir des données qui vont au delà des scores obtenus par les candidats et qui permettent d’effectuer une explication à chaud du vote des Français. On peut ainsi savoir si les électeurs se sont déterminés au dernier moment ou longtemps avant le scrutin, avoir une idée du sens dans lequel une catégorie socio-professionnelle ou une classe d’âge a voté, ou encore comprendre comment se sont effectués les reports de voix entre les deux tours. Néanmoins, les données issues des SSU ne sont pas très fiables et doivent être maniées avec encore plus de prudence que les sondages sur les intentions de vote. Elles reposent sur des déclarations qui peuvent ne pas être complètement sincères. Les SSU tendent à sur-représenter les électeurs les plus politisés et les plus âgés qui répondent plus volontiers aux sollicitations des enquêteurs et à sous-représenter les électeurs peu politisés et ayant effectué peu d’études (2).
________________
(1) Mais cette information ne fut diffusée par l’AFP qu’à 21h20, le président de l’AFP, Jean Marin (gaulliste historique qui avait été l’une des voix de La France Libre sur les ondes de la BBC) ayant beaucoup hésité avant de la valider.
(2)On peut certes corriger en partie ces biais par diverses méthodes de redressement. Mais les SSU étant réalisés extrêmement rapidement, ces redressements sont sans doute encore plus imparfaits qu'ils le sont pour les sondages politiques habituels.



Ce billet est un extrait de mon ouvrage Comment devient-on président(e) de la république? Les stratégies des candidats (Robert Laffont), chapitre 7 dans lequel vous trouverez d'autres information sur les soirées électorales.


vendredi 13 avril 2007

Les outils pour savoir pour qui voter

Suivant les derniers sondages d'opinion, de 27 à 42% des électeurs n'ont pas encore choisi pour quel(le) candidat(e) ils allaient voter le 22 avril. Si vous êtes dans ce cas, voici un petit inventaire (par ordre alphabétique) des outils disponibles sur l'internet qui peuvent vous aider à déterminer de quel candidat vous êtes le plus proche en fonction de son programme.

Le test du Monde : graphiquement réussi, moins pour le reste.
Graphiquement très réussi, mais pas le plus convainquant par sa méthodologie. Pour chacun des 19 thèmes proposés, il faut choisir entre trois ou quatre propositions (incluant parfois mais pas toujours une case ne sait pas).

Mon vote à moi : complet et assez solide.
Proposé par sitoyen.fr et Sciences-po Lyon à partir de l’application VoteMatch développée par l'Institut néerlandais de la participation politique. Il faut répondre à 35 questions par "j’approuve", "je n’approuve pas" ou "je ne sais pas", ce qui permet de déterminer votre affinité avec les candidats.
A noter : possibilité de définir les questions qu’on considère les plus importantes (ce qui permet d’augmenter leur impact sur le résultat final).

Polimètre : le plus rigoureux pour la méthodologie, mais un peu long
Conçu par deux chercheurs, Paul Antoine Chevalier (ENS Cachan) et Lionel Page (University of Westminster, Londres) avec la collaboration d’une équipe de RTL et du site Débat 2007.fr. Il faut répondre à 30 questions selon cinq modalités (de tout à fait d’accord à totalement en désaccord) et l’on peut de plus choisir l’importance de la question dans le résultat final. C’est de loin le plus rigoureux sur le plan méthodologique même si on peut contester certaines options ou la formulation des questions (voir la note méthodologique et quelques discussions autour du Polimètre ICI).

Politest : pour se situer sur l’échelle gauche-droite.
Réalisé par deux anciens Sciences-po, il propose 12 thèmes avec 3 à 5 propositions à chaque fois.
On peut ensuite choisir l’axe qu’on privilégie (économique, social ou identité de la France). Le test indique le parti dont on est le plus proche en fonction de la comparaison entre la position du parti et celle du répondant sur une échelle à 9 degrés.

Pour qui voter : le plus simple, mais un peu trop simple.
Dans sa version 1, les réponses à 5 questions donnaient des étoiles aux candidats et celui qui obtenait le plus d’étoiles était le candidat.
Dans la version actuelle, trois séries de 5 questions permettent de déterminer un candidat qui pourrait correspondre à notre attente. On peut ensuite en répondant à 10 autres questions mesurer le degré de proximité.

Quel candidat.com : pas mal mais trop éclectique.
Réalisé en partenariat avec le Dauphiné Libéré, il faut répondre à 25 questions ( plus 6 questions touchant aux goûts et valeurs). On obtient ensuite des scores (en %) de ressemblance avec chacun des 12 candidats.

Votez Plus : le plus rigolo
C'est le comparateur proposé par Canal Plus. En répondant à 10 questions, vous saurez si vous êtes plutôt proche de Ségolène Bovancenot ou François Sarkopen, ou encore une autre crétaure improbable. Superbe réalisation graphique. Trop sérieux s'abstenir.

Comment ça marche ?

Comment sont calculés vos résultats à ces différents tests ? Deux type de méthodes peuvent être utilisés:

- Les tests à points : ils sont analogues aux quizz ou tests qu’on trouve dans les magazines (ceux qui consistent à additionner des croix des triangles ou des ronds pour déterminer son profil psychologique). Chaque réponse correspond à un candidat (ou plusieurs) et vaut un point et on additionne les points pour déterminer de quel candidat vous êtes le plus proche. On peu raffiner en donnant plus ou moins de points aux réponses en fonction de leur importance.

- Les tests basés sur le calcul de la distance: là c’est un peu plus compliqué et l’on rejoint un courant d’analyse du vote, connu sous le nom d’analyse spatiale du vote.
Schématiquement, voilà comment cela fonctionne. On définit un espace politique à l’aide de n dimensions (chaque dimension étant un problème ou un enjeu de l’élection). On situe ensuite chaque candidat dans cet espace politique à l’aide d’un point, qui est fonction de ses positions sur chacune des dimensions retenues (positions que l'on peut représenter par une échelle, par exemple de 1 à 5) . Ainsi, sur un espace à deux dimensions, si le candidat a la position 3 sur la première et 5 sur la seconde, il se situera dans l'espace au point de coordonnées (3,5). Bien entendu, cela devient plus réaliste (mais aussi beaucoup plus complexe à visualiser) lorsqu'on prend en compte une douzaine de dimensions.
De la même façon, on peut définir la position de chaque électeur dans le même espace politique en fonction de ses préférences sur chacune des dimensions (ou problèmes). Enfin, à l’aide d’un algorithme, on calcule la distance entre cet électeur et chacun des candidats et on détermine le candidat dont l’électeur est le moins distant.

Les problèmes de ces tests
Pour concevoir un bon test, il faut d'abord déterminer les enjeux qui préoccupent le plus grand nombre d'électeurs, recueillir ensuite les positions des candidats sur ces enjeux et enfin rédiger de bonnes questions. Or chacune de ces étapes est problématique.

  • Il n'est pas évident de trouver le bon panachage de questions. Un test peut ainsi donner trop d'importance aux enjeux sociaux et pas assez aux enjeux économiques. Toutefois, certains tests permettent de pondérer les questions en fonction des sujets qui préoccupent le plus les répondants, et ainsi de leur donner un plus grand impact sur le résultat.
  • Les programmes des candidats ne sont pas forcément tous disponibles (souvenons-nous que celui de Nicolas Sarkozy n'a été rendu public que fin mars) ou ne permettent pas toujours de connaitre la position du candidat sur une question particulière. Idéalement, il faudrait demander à chaque candidat de remplir le questionnaire qu'on propose aux électeurs. Mais les équipes des candidats sont tellement sollicitées que cela relève du tour de force. (Pour la petite histoire, en 2001, nous avions réalisé avec une équipe d'étudiants de Sciences-po un comparateur des programmes des candidats aux élections municipales de Paris. Mais nous avions eu le plus grand mal à obtenir leurs programmes même en jouant de toutes nos relations.)
  • Autre difficulté: rédiger de "bonnes" questions, c'est à dire des questions compréhensibles par tous, ni trop longues ni ambigües. A cet égard, plusieurs tests inventoriés ici ne sont pas totalement satisfaisants. Les questions peuvent être parfois être comprises de plusieurs façons; certaines sont parfois formulées sous une forme négative qui brouille la question; dans l'un des tests, les questions sont bien trop longues (ce qui empêche de bien saisir les choix offerts).

Par ailleurs, il y a la méthode de traitement des réponses. Les systèmes qui additionnent des points (voir section précédente) sont assez rudimentaires car ils supposent que la proximité avec un candidat dépend du nombre de questions pour lesquelles on est d'accord avec lui. Or, cela dépend évidement du type et du nombre de questions qui ont été posés.
Méthodologiquement, les tests basés sur le calcul de la distance sont plus satisfaisants, surtout s'ils permettent de prendre en compte l'intensité des préférences pour telle ou telle réponse. Mais techniquement, ils sont plus complexes à concevoir et à gérer.

Un regret pour terminer: peu de tests présentent clairement, et surtout complètement, leur méthodologie.

A quoi ça sert?
Ces tests ont surtout une fonction heuristique. Ils peuvent vous inciter à réfléchir sur les candidats et peut-être même sur vos propres valeurs. On peut ainsi se croire de gauche et s'apercevoir en faisant un test qu'on est proche des candidats de droite (ou l'inverse). Ces tests invitent parfois à ieux se rensigner sur un candidat qu'on connaît mal ou qu'on négligeait.

Ces tests ne vous disent bien sûr pas pour qui vous DEVEZ voter, mais pour qui vous DEVRIEZ voter si vous vous comportiez comme un électeur rationnel comparant l'ensemble des programmes des candidats en fonction de ses préférences personnelles.
Sauf que nous ne sommes pas forcément très rationnels dans nos décisions électorales. Nous réagissons également à des influences familiales ou sociales. Notre vote ne dépend pas seulement des projets politiques des candidats mais aussi de leur image. Notre vote résulte aussi de réflexes affectifs et de réactions émotionnelles. Et cette dimension, assez difficile à mesurer, est absente des tests présentés ici.


Pour info: les tests les plus consultés par les lecteurs de ce blog du 15 au 22 avril
Mon vote à moi: 739 clics
Polimètre: 539 clics
Votez Plus: 463 clics
Test du Monde: 446 clics
Pour qui voter: 368 clics
Politest: 288 clics
Quel candidat.com: 276 clics


mercredi 11 avril 2007

Débats sur les débats

On a déjà eu le débat sur le meilleur format pour un débat politique lors des primaires du PS en octobre 2006, puis le débat sur la place et le rôle des téléspectateurs /citoyens dans les débats politiques avec l'émission "J'ai une question à vous poser" de TF1 en février. Voici maintenant le débat sur le débat entre candidats avant le premier tour.

Un débat télévisé entre les (ou des) candidats à la présidentielle avant le premier tour serait une première puisque cela n'a jamais eu lieu jusqu'à présent. Mais ne rêvons pas, il n’y a pratiquement aucune chance qu’un tel débat soit organisé, sur les grandes chaînes de télé ou même sur internet.
- Tactiquement, les candidats les mieux placés n'ont aucun intérêt à offrir une exposition médiatique à leurs adversaires moins bien placés. Et ce sont généralement les challengers, moins connus et/ou pas encore légitimés par de précédents scrutins, qui réclament ce type de débat.
- Légalement, la réglementation applicable en France exige une égalité des temps de parole des candidats à la télévision ou à la radio. Et, depuis le 9 avril, début de la campagne officielle, les conditions de programmation doivent être comparables. Cette contrainte signifie que, si un débat entre les candidats était organisé sur une chaîne de télévision, il devrait en principe rassembler tous les candidats.

Le dilemme d’un débat entre candidats sur internet

Pour contourner cette contrainte, François Bayrou a proposé un débat sur internet entre les quatre principaux candidats le 3 avril. Nicolas Sarkozy a immédiatement refusé cette idée, estimant qu’il ne « peut y avoir (qu’) un débat à douze ou pas de débat ». De son côté, la «mouvance du cinquième pouvoir » a lancé le 5 avril une pétition pour un débat entre candidats avant le premier tour sur le web.
Mais cette proposition se heurte à un dilemme : comment trouver une formule qui soit à la fois démocratique et intelligible? Il serait paradoxal que l’internet minore la voix des petits candidats au moment même où les médias traditionnels s’appliquent à les traiter comme les grands ; mais, si tout le monde participe, comment peut-on pratiquement organiser un véritable échange ?
On trouvera une réflexion sur les multiples formats auxquels les uns et les autres ont pensé ICI sur le site Agoravox. Voir aussi le billet de Gilles Klein sur pointblog qui pose 4 bonnes questions au sujet des débats. Thierry Crouzet a même suggéré un débat sous la forme d’un speed-dating [heureusement qu’il n’y a pas eu autant de candidats que TC le souhaitait lorsqu'il critiquait le système des parrainages:-)].

On a beau tourner le problème sous tous les angles, si l’on veut être juste et réaliste, il n’y a qu’une seule solution: un « débat » à douze au cours duquel chaque candidat répondrait successivement aux mêmes questions posées par des journalistes ou des citoyens (soit une douzaine de minutes par candidat pour une débat de 3 heures). C’est la formule qui a été à plusieurs reprises utilisée aux Etats-Unis lors des primaires démocrates ou républicaines.

Evidemment, c’est pas très folichon : cela ressemble plus à une juxtaposition de discours qu’ à un véritable débat (au sens d’échange contradictoire d’arguments). Et si cette formule est acceptée par tous les candidats, plus besoin de l’internet.

Vers le débat du second tour
Puisqu’il n’y aura très probablement pas de débat avant le premier tour, on peut se préparer au débat télévisé du second tour.
Il s’agit d’un objet politique rare puisqu’en cinquante ans de cinquième République, nous n’avons eu que quatre débats de ce type. La France a été, en 1974, l’un des premiers pays à diffuser un débat télévisé entre les candidats à la présidence. Contrairement à ce que l’on pourrait penser, les Etats-Unis n’ont pas été beaucoup plus en avance en la matière. Certes, en 1960, une première série de débats télévisés entre les candidats démocrate et républicain à la présidence, John Kennedy et Richard Nixon, eut lieu en 1960. Mais la pratique fut ensuite interrompue (1) et ne reprit qu’en 1976, non sans difficultés. En Europe, les grands débats télévisés entre leaders de coalitions politiques ne sont pas systématiques. C’est seulement lors des élections de 2002 qu’un débat télévisé fut organisé pour la première fois en Allemagne entre les candidats à la chancellerie. Et en Grande-Bretagne, cette pratique n’est pas encore entrée dans les mœurs bien qu’elle soit régulièrement souhaitée.

Ces débats sont très prisés par les électeurs et recueillent des audiences considérables (23 millions pour le débat de 1974 diffusé il est vrai sur les trois chaînes; presque 17 millions pour le dernier débat en 1995). Ils donnent lieu à des échanges de grande intensité et aussi aux fameuses petites phrases dont on se souviendra longtemps après l’élection.

En 1974, on se rappelle ainsi que Valéry Giscard d’Estaing avait touché un point faible de François Mitterrand en le qualifiant « d’homme du passé ». Visiblement, la formule avait été soigneusement préparée car VGE martela constamment ce thème en reprochant à de nombreuses reprises à son adversaire de se référer à la France d’avant et d’avoir peur de se projeter dans le futur avec des idées neuves.

On a moins noté en revanche un autre moment du débat (29eme minute) lorsque VGE s’adressa à FM en lui parlant de Clermont-Ferrand , « une ville qui vous connaît et me connaît bien ». Mais pourquoi donc mentionner Clermont-Ferrand ? Jean-François Balmer, qui en ce moment « rejoue » avec Jacques Weber les débats de 1974 et 1981 au Théâtre de la Madeleine, m’a récemment donné la clef de cette petite énigme : c’est la ville dont est originaire Anne Pingeot. Et on peut imaginer que, de la part de VGE, l’allusion n’était pas fortuite mais bien destinée à déstabiliser FM (2), ou au moins à lui faire comprendre qu'il était au courant de sa vie afective.
_________
(1) Les présidents sortants rechignant à débattre avec leur adversaire et, aussi, en raison de la réglementation audiovisuelle sur l'égalité entre candidats.
(2) Rapporté également par Ariane Chemin et Géraldine Catalano dans leur ouvrage sur Mitterrand
Une Famille au secret (Stock, 2005)

A voir ou revoir : Les débats du second tour de 1974 à 1995 sur le DVD produit par l’INA.

lundi 9 avril 2007

Premier vote, premier baiser

Le premier vote c'est un peu comme le premier baiser: on s'en souvient toute sa vie...

Pour les jeunes gens qui accèdent à la citoyenneté – ils sont environ 800 000 chaque année – la première campagne électorale et le premier vote sont particulièrement marquants. Diverses enquêtes ont montré qu’à l’image des expériences que nous vivons dans notre enfance et qui structurent notre personnalité, le premier contact avec une élection conditionne durablement le rapport à la politique et le comportement électoral ultérieur.
Le fait d’avoir participé très tôt à une élection non seulement familiarise les individus avec cette forme d’expression et la rend naturelle; il accroît aussi les sentiments positifs à l’égard de la politique et l’engagement civique. Avoir vécu une campagne active et animée renforce le sentiment d’efficacité des citoyens et favorise une participation régulière aux élections. A l'inverse, si la première campagne que l'on a vécue a été sans enjeu, on a plus de chance de s'abstenir par la suite. C'est ce que montre Mark Franklin dans Voter Turnout and the Dynamics of Electoral Competition in Established Democracies since 1945 (Cambridge: Cambridge University Press, 2004).

Et Marie-Hélène, qu'on peut écouter ICI, le confirme: votant pour la première fois à l'élection présidentielle de 1969, elle a trouvé les résultats du premier tour "tellement pathétiques et lamentables" qu'elle a décidé de ne plus voter ensuite (mais elle s'est réinscrite pour l'élection 2007).
Ce témoignage fait partie d'un ensemble d'enregistrements audio qu'on trouvera sur le site Souvenirs de campagne, sur lequel chaque jour des électeurs ou des acteurs politiques racontent un souvenir d'une campagne présidentielle passée. Passionnant.

A venir sur ce blog:
- Débats sur les débats
- Les effets des médias sur l'élection: théorie de théories
- Machines pour savoir pour qui voter